“Nous sommes le seul pays dynamique contre la corruption” : face à Blinken, le discours surréaliste du président algérien

À la clôture de sa tournée au Proche-Orient et au Maghreb, le secrétaire d’État américain s’est entretenu avec Abdelmadjid Tebboune. L’occasion pour le président algérien de parler longuement de son sujet de prédilection, le Maroc. Mais aussi de son souhait de nourrir l’Afrique.

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Le secrétaire d'État américain Antony Blinken (à gauche) rencontre le président algérien Abdelmadjid Tebboune le 30 mars 2022 au palais El Mouradia, la résidence officielle du président à Alger. Crédit: Jacquelyn Martin / POOL / AFP

Le 30 mars dernier s’est achevée la première tournée d’Antony Blinken, au Proche-Orient et au Maghreb. Le secrétaire d’État des États-Unis s’est d’abord rendu en Israël, où il a assisté au sommet du Néguev. Puis au Maroc, où il a rencontré son homologue Nasser Bourita, et le chef du gouvernement Aziz Akhannouch.

Enfin à Alger, où il a eu un entretien avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune. La retranscription du discours de Tebboune a été publiée le jour même sur le site du département d’État américain. Le président algérien y disserte longuement sur le voisin marocain et le dossier du Sahara, ainsi que sur les ambitions démesurées pour l’Algérie.

“Nous avons toujours protégé le Maroc”

Nous sommes entourés de pays qui ne nous ressemblent pas beaucoup, à l’exception de la Tunisie. C’est pourquoi nous avons des relations très étroites avec la Tunisie, car nous avons des similitudes dans de nombreux domaines. Sinon, toutes nos frontières sont en flammes : la Libye déstabilisée ; après la Libye, il y a bien sûr tout le Sahel comme le Tchad, le Burkina Faso, le Mali, le Niger ; et même la Mauritanie n’est pas très forte. Et à côté, nous avons le Royaume du Maroc avec lequel nos relations ont toujours connu des hauts et des bas depuis notre indépendance. Ce n’est pas récent, ce n’est pas dû à la question du Sahara occidental”, annonce d’amblée Abdelmadjid Tebboune.

Le président algérien poursuit dans sa rengaine contre le voisin de l’Ouest. “Vous savez que personne n’a oublié, aucun Algérien n’oubliera, que le Maroc nous a attaqués en 1963. À cette époque, nous n’avions même pas d’armée régulière, et ils ont attaqué avec des forces spéciales, des hélicoptères et des avions. Nous avons eu 850 victimes. Leur but était de prendre une partie de notre territoire. Plus tard, ils ont refusé de reconnaître l’indépendance de la Mauritanie depuis 1960, lorsque la Mauritanie était membre des Nations unies et avait ses propres ambassadeurs, etc. Mais le Maroc avait des revendications territoriales sur toute la Mauritanie. Il a fallu attendre 1972 pour que le roi du Maroc accepte de serrer la main du président mauritanien qu’il a reconnu après 12 ans d’indépendance”, développe-t-il.

Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et le président algérien Abdelmadjid Tebboune, 27 décembre 2021.Crédit: Agence mauritanienne d'information (AMI)

Abdelmadjid Tebboune poursuit : “Peut-être que notre erreur est la cohérence dans la gestion de cette question, même avant 1975. Mais avec les tensions qui existent entre nous, nous ne sommes pas ce qu’ils disent. Nous n’avons définitivement aucune intention au Sahara occidental. C’est leur problème. Ils ont toujours voulu déstabiliser l’Algérie. Il y a d’autres problèmes — ils ont toujours voulu déstabiliser l’Algérie et je ne connais pas la raison de cela, bien que nous ayons toujours protégé le Maroc. Nous n’avons jamais fait attention à nos relations — cependant, il n’est pas normal qu’après 50 ans d’indépendance, les frontières restent fermées pendant 40 ans.”

Le président algérien en vient naturellement au sujet du Sahara. “La question du Sahara occidental a commencé en 1975 et après. Je pense que le ministre des Affaires étrangères a de nombreux documents, signés par le roi du Maroc Hassan II — que son âme repose en paix — qui a insisté sur l’autodétermination du Sahara occidental. Notre position est envers le Sahara occidental — pas envers le Maroc — et tout le monde sait que cela a toujours été notre approche — comme envers le Timor-Oriental, par exemple, nous avons fini par convaincre nos amis indonésiens avec lesquels nous avons une relation forte qu’ils devaient libérer le Timor-Oriental et leur accorder l’indépendance, et nous sommes restés très proches malgré cela. Même situation avec les îles Comores”, tente-t-il de justifier.

“Nous sommes le seul pays dynamique contre la corruption”

Aux yeux des Américains, Abdelmadjid Tebboune veut aussi passer pour un démocrate. “Pendant ma campagne présidentielle, j’ai été très clair. Il est rare qu’un candidat à l’élection présidentielle énonce clairement son programme, et je m’engage à respecter ce que j’ai écrit. Nous disons que les promesses ne sont valables que pour ceux qui y croient — je les ai écrites, et nous les poursuivons. C’est un pays très jeune, et j’ai travaillé — et je continuerai à travailler — jusqu’à la fin de mon mandat pour donner plus de pouvoir aux jeunes, pour remettre le pouvoir aux jeunes. J’ai éliminé tout ce qui pouvait fausser les élections dans le pays, l’argent, la tricherie, etc.”, explique-t-il au secrétaire d’État américain.

Selon le président algérien, l’Algérie serait “le seul pays qui est dynamique dans la lutte contre la corruption, et nous prenons nos responsabilités dans chaque action politique”. Son pays serait aussi “le seul pays qui va avoir un grand projet structurant”.

Ce grand projet a pour vocation d’“aider l’Afrique en termes de fourniture de céréales. Nous pouvons le faire”. Il annonce tout de go qu’il est “techniquement possible d’atteindre une production de 30 millions de tonnes. Nous avons besoin de 9 millions de tonnes et nous pouvons exporter 21 millions de tonnes vers le Maroc, la Tunisie et l’Égypte sans aucun problème”.

D’après l’USDA, l’Algérie aurait produit 3,6 millions de tonnes de blé pour 2021/2022. Le président algérien compte donc multiplier la production céréalière de son pays par dix. De plus, d’après l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le climat et la géographie de l’Algérie s’apprêteraient peu à ce genre de cultures.