Le livre part d’un “fait divers”, une “affaire”, un “phénomène de société”, tel que défini par les différentes sources, qui est à la base du lien entre politique et islam, c’est-à-dire entre émir et messager.
L’histoire de Zayd Ibn Hârita serait passée inaperçue si elle n’avait concerné le prophète lui-même et son fils adoptif, Zayd, un ancien esclave affranchi.
Pour résoudre un différend entre ce dernier et son épouse Zaynab, le prophète se présente chez celle-ci et ne manque pas d’être subjugué. C’est un être humain après tout. Et c’est le genre de choses qui arrivent partout et à tout moment. Mais lui, c’est le messager d’Allah, qui porte sa parole. Que faire ?
«L'émir et le messager : les deux corps du Prophète»
95 DH
Ou
C’est du ciel que viendra la sentence : Zayd n’est plus le fils adoptif du prophète, il redevient Zayd Ibn Hârita, l’esclave qu’il était, et la voie est dégagée pour que Muhammad épouse Zaynab. Le système d’adoption vient de changer complètement, et pour Zayd et pour les siècles suivants : le messager devient donc l’émir, en s’immisçant de droit divin dans la gestion de la société. La politique vient de faire son entrée dans le sacré.
“L’histoire de Zayd est donc celle d’un fils adoptif, héritier présomptif légal de son père, mais qui, parvenu à l’âge adulte, fut dépossédé de son patronyme et de son droit à l’héritage. Zayd Ibn Muhammad est alors redevenu Zayd Ibn Hârita. C’est l’histoire d’un banal changement de nom qui serait tombé dans l’oubli si Zayd n’était pas le fils d’un certain Muhammad Ibn Abdallah, le prophète de l’islam, et si la dépossession de Zayd de ses droits ne s’est pas généralisée à tous les fils adoptifs de son temps et des temps qui suivirent dans les pays d’islam.”
Le sort de Zayd a été scellé dans la sourate Al Ahzâb, sans possibilité de recours. Pour Mohammed Ennaji, “l’histoire de Zayd dépasse largement le problème de l’adoption, elle touche aux fondements de l’islam, elle offre l’occasion de s’interroger dessus.”
Une sentence divine
En fait, le propos de l’auteur n’est pas de défendre Zayd ou les enfants adoptifs venus après lui, mais il prend son histoire afin de démontrer que la société musulmane est gérée par deux pouvoirs : la religion et la politique ; toutes deux intimement liées dans le quotidien des musulmans à travers le monde.
Selon Mohammed Ennaji, “pour comprendre la mue du prophète en émir, la sourate (Al Ahzâb, les factions) reste incontournable pour l’intelligence des modalités de mise en place du pouvoir, dont l’esquisse se profile, peu à peu, dans le texte coranique”.
Avec les califes, l’islam devient ouvertement politique. “Il ne s’agit pas, dans le présent essai, de traiter l’aspect moral de la question (l’adoption), mais plutôt de s’attarder sur la place du politique à la naissance de l’islam, sur son mode de reconfiguration par la révélation, et sur la complexité du profil prophétique et la part qu’y occupe le politique. L’affaire Zayd est particulièrement éloquente à ce sujet”, tranche l’auteur.
Et c’est la raison pour laquelle elle est au centre de cette analyse riche, érudite et considérablement sourcée. Mais le propos, plus profond, de ce livre est l’appel de l’auteur à une relecture du texte sacré, qui “tétanise encore de nos jours même des auteurs supposés modernes”. Et il conclut : “Il suffit de secouer, même légèrement, le récit en question pour lever le voile sur ses zones d’ombre.”
«L'émir et le messager : les deux corps du Prophète»
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L’ Émir et le messager, les deux corps du prophète de Mohammed Ennaji, éditions La Croisée des Chemins (2022). Commandez ce livre au prix de 95 DH (+ frais d’envoi) sur qitab.ma ou par WhatsApp au 06 71 81 84 60