À la Chambre des représentants, Abdellatif Jouahri dévoile les anomalies de l’investissement au Maroc

Alors qu’elle était publique durant les deux dernières législatures, la présentation du gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM) devant la commission des finances de la Chambre des représentants a été organisée à huis clos. Fidèle à ses habitudes, Abdellatif Jouahri s’est exprimé sur l’investissement au Maroc, chiffres en mains et sans langue de bois. Voici ce qu’il faut en retenir.

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Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al Maghrib © Yassine Toumi

Une rencontre confidentielle. Le gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM) Abdellatif Jouahri s’est rendu, mardi 15 février, à la Chambre des représentants pour s’exprimer sur la situation de l’investissement au Maroc. La présentation s’est déroulée à huis clos, selon la volonté du bureau du président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi El Alami.

Lors de sa présentation, le gouverneur de la banque centrale a insisté sur l’accompagnement du tissu productif national constituant une des priorités de BAM pour soutenir l’investissement.

Des investissements peu rentables

Jouahri a affirmé que l’effort d’investissement du royaume en termes de valeur avait atteint 32,3 % du produit intérieur brut (PIB) entre 2000 et 2019 contre 25,6 % comme moyenne mondiale, soit un chiffre “significatif en principe”, à même de permettre d’atteindre une certaine croissance économique et un niveau d’investissement équivalent à celui enregistré dans des pays ayant réalisé “des miracles économiques”.

Bien que les efforts d’investissement au Maroc demeurent suffisants d’un point de vue quantitatif, a-t-il poursuivi, il lui reste du chemin à parcourir pour arriver au niveau des pays développés et atteindre par ricochet un véritable décollage économique.

Ce retard, selon Jouahri, est dû à la faiblesse de la rentabilité des investissements, dont l’indice principal, à savoir le coefficient marginal du capital (ICOR) qui équivaut au nombre de points d’investissement nécessaires à la réalisation d’un point de croissance économique, n’a pas dépassé la moyenne de 9,4 entre 2000 et 2019.

“L’allongement des délais de paiement constitue encore un frein majeur au développement des entreprises au Maroc”

Abdellatif Jouahri

Par ailleurs, le wali de BAM relève que la capacité d’investissement chez les très petites entreprises (TPE) demeure faible, notant que 29,4 % de celles-ci ont affirmé réaliser des investissements entre 2016 et 2018, contre 49,5 % pour les PME et 50 % pour les grandes entreprises, notamment à cause des délais de paiement “asphyxiants”.

L’allongement des délais de paiement constitue encore un frein majeur au développement des entreprises au Maroc et continue d’affecter leur santé, en plus de réduire les liquidités et d’accroître le niveau des créances douteuses de celles-ci”, a-t-il fait observer, soulignant à cet égard l’impératif de renforcer les moyens de paiement en faveur d’une meilleure maîtrise des délais de paiement.

Revenant sur l’investissement, le wali de BAM a estimé que la qualité des mécanismes institutionnels, en l’occurrence l’exécution des contrats et les droits de propriété, le niveau d’incertitude, l’inégalité des revenus ainsi que la politique monétaire, impactaient l’investissement à travers les canaux du crédit bancaire, les taux d’intérêt, etc.

Accompagnement des PME, une priorité pour BAM

La banque centrale a inscrit l’accompagnement des petites et moyennes entreprises (PME) parmi ses priorités, a souligné Jouahri. Il a rappelé que BAM avait mis en place un ensemble de mesures en faveur de l’accompagnement dudit tissu, notamment à travers la création de Crédit bureau, visant à faire un suivi du comportement des emprunteurs, à prévenir contre l’endettement croisé et le surendettement et à assurer un accès au crédit plus large, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Il a été également question de créer l’Observatoire marocain de la TPME, le Fonds de soutien financier aux TPME, ainsi que de mettre en place des services dédiés aux commerçants et aux entreprises visant la vérification de la régularité de chèques, et d’autres mesures ayant fait leur preuves durant les dernières années.

À noter qu’un nouveau record historique a été atteint avec 10.556 sociétés défaillantes, affichant une hausse prévisible de 59 % entre 2020 et 2021, selon une étude publiée récemment par Inforisk. L’étude a également mis en évidence qu’entre 2009 et 2021, les défaillances d’entreprises ont augmenté de +331 %.

(avec MAP)