Plus de 200 manifestants se sont rassemblés, jeudi 10 février, devant le Palais de justice à Tunis en soutien à une grève observée mercredi et jeudi par les magistrats à l’appel de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), ont constaté des journalistes de l’AFP.
Après avoir suspendu le Parlement élu et limogé le gouvernement en juillet, le président Kais Saied a dissous samedi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), une instance indépendante créée en 2016 pour nommer les juges, qu’il accuse de “partialité” et d’être sous l’influence du parti islamo-conservateur Ennahdha, sa bête noire.
“Restaurez le CSM”, “le peuple veut une justice indépendante”, “à bas le coup d’État”, ont notamment scandé les protestataires, encadré par un dispositif policier. Sur les marches du Palais de Justice, des magistrats en robe noire ont brandi des affiches sur lesquelles on pouvait lire : “La destruction du CSM est une violation aux droits et libertés”, “Pas de liberté et de démocratie sans un pouvoir judiciaire indépendant”.
En dépit de cette protestation, le président Saied a affirmé jeudi à l’ouverture d’un Conseil des ministres qu’un décret officialisant la dissolution du CSM serait publié dans les prochains jours.
Fonction ou pouvoir ?
“Que ce soit clair, ce conseil va être dissous et remplacé par un autre en vertu de ce décret-loi. Il n’y a aucun doute sur ce choix”, a-t-il dit. Selon le président, “la magistrature est une fonction et non pas un pouvoir et tous les juges sont soumis à la loi”.
“Malgré des lacunes, le CSM reste la seule structure qui garantisse l’indépendance institutionnelle de la justice en conformité avec la Constitution”
Des ONG locales et internationales, ainsi que des représentants politiques occidentaux, ont critiqué la décision du président Saied de dissoudre le CSM, vue comme un revers démocratique dans le berceau du Printemps arabe.
Dans un communiqué publié mercredi, 45 associations et ONG, dont Avocats sans frontières et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), ont condamné la dissolution du CSM et rejeté “toute interférence de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice”. “Malgré des lacunes, le CSM reste la seule structure qui garantisse l’indépendance institutionnelle de la justice en conformité avec la Constitution”, avaient-ils souligné.
Le président Saïed avait assuré “travailler sur un décret provisoire” pour réorganiser le CSM.