Dans une allocution prononcée par visioconférence lors d’une réunion de haut niveau, organisée par la Fondation Afrique-Europe en prévision du 6ème Sommet UE-Afrique à Bruxelles (prévue entre le 17 et le 18 février prochain), Nasser Bourita a déclaré que « si la migration constitue un enjeu commun, les intérêts qui y sont liés restent souvent contradictoires ».
Crise politique
Selon le ministre des affaires étrangère, la convergence des intérêts nécessite la dissipation des « malentendus qui entourent le phénomène migratoire », notant que le premier malentendu est celui de la « connaissance ».
« Les politiques migratoires doivent résister à l’examen de la vérité au lieu de céder à la tentation de la polémique. Elles doivent, chiffres à l’appui, concéder que la crise n’est pas migratoire mais politique », a expliqué Bourita, ajoutant que le deuxième malentendu touche à l’objectif des politiques migratoires.
En ce sens, le chef de la diplomatie marocaine a indiqué qu’il faut « arrêter de faire croire que les politiques migratoires pourront, un jour, arrêter les flux migratoires ». « Rien, pas même une pandémie, ne viendra arrêter un phénomène naturel qui a toujours existé et qui continuera à le faire », a-t-il souligné.
« Le fléau n’est pas la migration, mais la traite des migrants »
Le troisième malentendu concerne la méthode, a poursuivi le diplomate, expliquant qu’il faut cesser de confier les clés de la gestion migratoire aux passeurs en fermant les voies d’accès légales à l’Europe, de la même manière qu’il faut reconnaître que le fléau n’est pas la migration, mais la traite des migrants, qui constitue, du reste, la troisième source de profits pour les organisations criminelles.
« Nous devons reconnaître que la migration n’a pas besoin de stratégies palliatives et immédiates, mais de mesures créatives et ingénieuses qui combinent le court, le moyen et le long terme », a soutenu Bourita devant cette réunion marquée par la participation notamment du président du Rwanda, Paul Kagame, du Premier ministre de la Grèce, Kyriakos Mitsotakis, et d’autres dirigeants et représentants d’organisations régionales et internationales.
Il ne s’agit pas que de la gestion des frontières
A cet égard, le ministre a fait observer que la migration « n’est pas la gestion des frontières », notant qu’elle est aussi la promotion et l’organisation de la mobilité légale.
De même, il a ajouté que la migration n’est pas un outil, pas plus qu’elle ne peut faire l’objet d’une externalisation. « La gestion migratoire doit s’inscrire dans le cadre d’une coopération qui ne se veut pas asymétrique et à sens unique », a-t-il plaidé.
Bourita a ensuite appelé à faire de la migration la force et non le talon d’Achille du partenariat euro-africain, soulignant que « bien qu’elle soit souvent pointée du doigt, l’Afrique remplit sa part ».
Vers une refonte du partenariat euro-africain ?
Selon le diplomate marocain, la migration peut contribuer à la refonte du partenariat Afrique-Europe, en ce qu’elle est créatrice de liens humains, de complémentarités économiques et de coopération politique.
« Le Maroc est de tous les débats régionaux et internationaux sur la migration », a fait remarquer le ministre. Du Forum mondial sur la migration et le développement, au Dialogue euro-africain sur la migration et le développement (ou processus de Rabat), à l’adoption du Pacte de Marrakech, le Maroc a toujours apporté sa pierre à l’édifice, a-t-il dit.
« Nous voulons que cette question soit à l’ordre du jour du prochain Sommet UE-Afrique » a confié Bourita, soulignant que « ce qui est en jeu dans la gestion migratoire, c’est, en fait, toute notre vision du partenariat ».
(avec MAP)