Intitulée “Quelles transformations pour les industries culturelles et créatives (ICC) au Maroc ? Focus sur quatre filières : l’édition, le spectacle vivant, l’audiovisuel et la musique”, l’étude a été réalisée par la Fédération des industries culturelles et créatives de la CGEM (FICC), en partenariat avec Wallonie-Bruxelles International (WBI), l’administration chargée des relations internationales de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie.
Présentée le lundi 24 janvier au siège de la CGEM à Casablanca, en présence du président du patronat Chakib Alj et de la présidente de la FICC Neila Tazi, qui ont tous deux prononcé des propos liminaires, cette étude a été menée par une équipe de chercheurs marocains indépendants, à savoir Mehdi Azdem, Sabrina Kamili et Driss Ksikes, afin d’apporter aux acteurs institutionnels une série de propositions pour renforcer les politiques publiques en lien avec les économies créatives au Maroc.
En partant du principe que « la culture ne doit plus être une variable d’ajustement mais un pilier de développement« , comme l’a rappelé Neila Tazi dans son discours, les auteurs de l’étude ont souhaité brasser large. Leur travail s’est donc focalisé sur quatre filières : l’édition, le spectacle vivant, l’audiovisuel et la musique. “Le choix de focaliser l’étude sur quatre secteurs en particulier répond à une volonté d’analyser plus spécifiquement des filières fortement subventionnées, et des domaines connaissant des mutations technologiques et générationnelles de taille, avec des effets de globalisation qui favorisent autant de nouvelles formes d’entrepreneuriat”, rapporte le communiqué de la FICC.
Méthodologie et hypothèse de la recherche
L’étude s’est basée sur une recherche documentaire préalable afin de bien structurer, par la suite, les enseignements et les recommandations. Ainsi, l’équipe de chercheurs est partie de six hypothèses :
- En dépit de sa faible taille, le secteur culturel est un levier potentiel de l’économie sociale au Maroc ;
- Les ICC ont une incidence sur l’emploi des jeunes au Maroc (non mesurée) ;
- Il y a une inadéquation entre l’offre et la demande de compétences du marché de l’emploi marocain ;
- Le cloisonnement des logiques associatives et entrepreneuriales est un frein au renouvellement des modèles d’affaires ;
- Les acteurs sont porteurs d’initiatives innovantes qui ne sont pas toujours reconnues ou valorisées par les circuits officiels ;
- Il existe un essoufflement du modèle d’événementialisation de la vie culturelle ;
- La libéralisation de l’audiovisuel et l’expansion rapide de l’économie numérique pourraient avoir un effet d’entraînement positif sur l’économie créative marocaine.
Quant aux méthodes employées lors de cette étude, les cinq focus groups formés ont effectué plus de 120 entretiens, dont les durées variaient entre 1h et 2h30.
Contexte de l’étude
L’étude a été menée dans un contexte caractérisé par les répercussions du Covid-19 sur les filières créatives au Maroc. En effet, les secteurs du tourisme et de la culture ont été les premiers à connaître un arrêt total des activités à partir de la mi-mars 2020.
De plus, les chiffres de la Fédération des industries culturelles et créatives (FICC) révèlent que plus de 100.000 emplois directs ont été menacés et environ 1100 entreprises ont accusé 70 % de baisse de leur chiffre d’affaires en moyenne. La FICC estime l’impact économique de cette crise sur le secteur à 2 milliards de dirhams au premier semestre 2020.
Quelles conclusions ?
De ce travail scientifique ressortent 6 axes structurants qui méritent, selon les chercheurs, une attention particulière :
- La transversalité de la culture et la nécessaire convergence : au-delà du principe de cohérence des politiques publiques et de concertations entre les acteurs, les chercheurs marocains ont fait appel à un réel travail d’abord à l’intérieur du ministère de tutelle pour permettre plus de vases communicants et d’interconnexion entre les départements de la culture, de la communication et de la jeunesse.
- La réforme du modèle de subvention publique : le document publié insiste sur l’urgence d’un élargissement structurel de la demande du marché marocain des ICC. Il recommande de cibler les maillons faibles de la chaîne de valeurs, mais également des initiatives en lien avec les publics, les étudiants, les bibliothèques publiques et autres structures non marchandes qui permettent à la culture de devenir un fait social.
- La libéralisation de l’audiovisuel : l’étude souligne le paradoxe saisissant d’une économie qui tend à se libéraliser et un État qui tient à maintenir le contrôle sur l’audiovisuel et surtout le monopole et la centralisation du secteur.
- L’identification des entreprises des ICC et la reconnaissance des associations culturelles : les chercheurs soulignent “la nécessité impérieuse d’alléger les conditions d’obtention de l’utilité publique et surtout de mettre en place un système de labellisation des structures culturelles reconnues”.
- La réforme du Bureau marocain des droits d’auteurs (BMDA) et la gestion des droits d’auteur : l’étude appelle à une réforme de ce bureau, par voie de privatisation, dont le but serait de veiller à ce que les bénéficiaires aient droit à une gestion transparente et à un accès équitable à leurs droits.
- Les défaillances structurelles à combler par la formation : l’étude a enregistré deux défaillances majeures, dans l’ensemble des filières étudiées. La première concerne la capacité à polir, finaliser dans les standards requis les œuvres. La deuxième, quant à elle, concerne le manque de managers culturels, de compétences qui parviennent à gérer les projets et surtout leur valorisation et diffusion. Elle propose deux solutions, notamment la formation et la montée en gamme du secteur pour attirer les compétences qualifiées.
À noter que le chef du gouvernement Aziz Akhannouch sera interrogé par les membres de la Chambre des représentants le 31 janvier au sujet des industries culturelles et créatives, dans le cadre de la séance plénière mensuelle de questions orales adressées au chef du gouvernement.