Roman jeunesse: olives mûres, histoires vertes et pas mûres de Moha Souag

Le premier roman jeunesse de Moha Souag lie le monde agricole à l’univers des contes et légendes.

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Pour Amnay et sa sœur Tifawt, la campagne est synonyme de vacances et d’aventures.

Et alors que leur visite à tante Khadija coïncide avec la cueillette des olives, c’est tout un monde que découvrent les deux petits citadins.

Loin de Rabat, le village de Taos en décembre vit au rythme de la cueillette des olives et des légendes qui la ponctuent. Du champ au moulin, ils découvrent les outils, les tâches qui aboutissent à la fabrication de l’huile, mais aussi les moments de partage, du thé, du pain, et des histoires de djinns, de créatures étranges, d’ânes au dos qui n’en finit pas et de chats qui se transforment en belles danseuses…

Récit initiatique

Moha Souag adresse son roman à de jeunes citadins qui, comme ses petits héros, ne connaissent pas grand-chose de la campagne. Il insiste sur les descriptions de la maison, avec ses dépendances pour les bêtes, le magasin à provisions et les logements des ouvriers. Il rappelle le rythme du travail agricole, dès le lever du soleil, et sa pénibilité.

Ramasser les olives à terre ? C’est bon pour une petite sœur, croit Amnay, avant d’être détrompé par son oncle : “Le ramassage est plus dur, car les ouvriers sont longtemps accroupis ou penchés à chercher partout les olives, ensuite ils enlèvent les feuilles et les herbes avant de les mettre dans les sacs !” Le tout dans le froid… et sans dessert puisque “la pâtisserie la plus proche est à six cents kilomètres”.

Le récit est fluide et malicieux. Moha Souag le traite de façon plutôt didactique dans la première partie, consacrée au travail en lui-même, avant de laisser libre cours à ses talents de conteur dans la seconde, consacrée à la veillée et à ses défis. Il souligne aussi le contraste entre ce monde merveilleux et les questions pleines de doute critique des petits citadins qui ne voient pas pourquoi des chats auraient sept âmes ou des femmes se transformeraient en mules.

Le livre est servi par les illustrations au crayon de Livia Kolb, qui avait déjà signé, chez la même éditrice, celles de Narcisse et Bouboule (2019). L’artiste alterne entre les plages colorées et les plages en noir et blanc, et joue du contraste entre le réalisme des paysages et des outils, et les visages naïfs des personnages.

Elle montre l’âne, le pressoir, la maison entourée de palmiers et de cactus, la montagne, les scènes de la collecte et du pressage des olives. La cueillette des olives est une façon intelligente et fine de revisiter le patrimoine oral et de faire connaître les grands moments d’une vie agricole aujourd’hui largement ignorée. Cela mériterait sans nul doute la création d’une collection…

Dans le texte: le nom de l’arbre

“Lorsque la lueur du soleil éclaira enfin les arbres, Amnay put distinguer les fumées qui s’élevaient vers un ciel qui rosissait au fur et à mesure que les rayons montaient de l’horizon. Tifawt retrouva l’olivier qu’elle avait planté quelques années auparavant ; il y avait des olives bien noires. Elle était tellement fière qu’elle appela Khadija pour les lui montrer avant de les cueillir à la main.

– Tante Khadija, venez voir ! L’arbre que j’ai planté a donné quelques olives !

Sa tante s’approcha d’elle, regarda le petit arbre et dit :

– On va appeler cet arbre Tifawt ! Tu sais que chaque arbre, chaque palmier et même les champs portent des noms !

– Oui ma tante, j’ai déjà accompagné Fadma chercher de la menthe à “Tachbot”.

– C’est vrai, c’est le nom de ce champ. Tachbot était une chèvre qui grimpait sur les palmiers. Tous les gens du ksar appellent ce champ ainsi depuis toujours, précisa tante Khadija.”