“Chroniques du détroit” : du rififi à Tanger par Rachid Boufous

Le premier roman de Rachid Boufous explore avec légèreté les intrigues de la Tanger internationale.

Par

Une maquerelle espagnole, une fausse comtesse, un espion allemand à couverture bolivienne, un aventurier russe, des trafiquants chinois, un sultan…

Il fallait bien cela pour camper une intrigue à Tanger, ville “miroir de l’humanité, qu’elle observe et accueille depuis des siècles, ne rejetant personne, mère nourricière des rêves les plus fous et des personnages les plus improbables”.

Surtout au début du XXe siècle, lorsqu’elle était ville internationale et attirait toutes sortes de personnages interlopes, adeptes au minimum d’une double vie et d’un passé forgé dans de lointaines contrées, en Amérique latine ou à Zanzibar.

Là-dedans apparaît une fameuse broche, royal présent en reconnaissance de bons et loyaux services, dont la disparition fait converger tous ces petits trafics individuels et indépendants…

«Chroniques du détroit»

Rachid Boufous

96 DH

Ou

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Thriller gourmet

Rachid Boufous s’amuse visiblement à multiplier des situations douteuses dont le Maroc d’alors est le cadre, convoité par toutes les puissances de l’époque, séduites par ce pays “presque totalement fermé”.

Rachid Boufous est architecte et chroniqueur politique

 

Son récit touffu, aux personnages pléthoriques où chacun va de sa particularité, ne cherche pas à construire un mystère, à étoffer une atmosphère grave et inquiétante, celle d’un pays en passe de tomber sous le joug colonial.

La dimension politique est une très lointaine toile de fond, car c’est surtout le caractère haut en couleurs de ses héros qui intéresse l’auteur. Il survole en effet le tout d’un ton amusé, léger, presque joyeux. Il manifeste un intérêt certain pour les arts de la table et il n’est pas question qu’une scène de roulette russe ou de voyage ne se passe sans la description des agapes et de la quantité de tord-boyaux disponibles, la qualité et l’importance des personnages se jugeant justement à leur capacité d’absorption: à Tanger, on sait vivre.

Même si c’est dangereusement, entre mafias et siba, ou de bordels en fumeries d’opium. Et les personnages réels qui apparaissent dans le roman, le sultan Abdelaziz, le dissident Raissouni, le chambellan Ba Hmad, l’instructeur écossais de l’armée Harry MacLean ou encore le journaliste Walter Harris, sont là pour le certifier.

Par contre, Rachid Boufous aurait dû éviter les développements imbibés de sentimentalité, qui dépareillent, et surtout nous dispenser d’une citation en exergue de chaque chapitre, extorquée à des personnages qui n’ont rien à voir avec le contexte, y compris à des anonymes dont l’apport certain à la pensée mondiale est inestimable, appréciez: “L’alcool n’est jamais la réponse, mais il permet d’oublier la question”. Mais cela reste un livre pas fatigant, à lire quand on a envie de se changer les idées.

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Dans le texte : le revenant

“Ricardo n’en revenait pas de voir vivant celui qui, il y a quelques mois encore, gisait dans une mare de sang au beau milieu de son salon. Était-ce le fantôme de son ex-associé, revenu d’entre les morts, qui venait le hanter ici? Il se leva à son tour, ôta son chapeau melon, l’air hébété et n’en croyant pas ses yeux et s’approcha plus près de son ami russe afin de bien l’identifier : c’était bien Sergueï Kolonikov en chair et en os, et bien vivant, même !

Ricardo resta là, interloqué et ne sachant que faire. Kolnikov lança alors un grand rire tonitruant, sans doute amusé par l’effet qu’il venait de provoquer chez Ricardo, qu’il étreignit vigoureusement pour fêter leurs retrouvailles.

Li Liang, ne comprenant rien non plus, demanda au Russe ce qu’il venait faire chez lui à cette heure si tardive. Kolonikov répondit qu’il était là pour retrouver une ancienne connaissance, en l’occurrence Heinz Berthold, alias Ricardo Berlin, son ancien associé, mais qu’il était aussi intéressé par la broche de MacLean, étant venu faire une offre pour son achat. La chambre du Chinois paraissait tout d’un coup trop petite pour accueillir tout ce beau monde.”