À Talsint dans l’Oriental, un autodafé de livres de philosophie dans un lycée

Deux cents livres d’une bibliothèque de lycée ont été retrouvés brûlés à Talsint (région de l’Oriental). Les circonstances de cet acte de vandalisme ne sont toujours pas connues. Les premiers indices de l’enquête relèvent des empreintes de personnes mineures.

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Les malfaiteurs ne se sont pas contentés de brûler des livres de sciences, de philosophie et de littérature, ils ont également détruit des portraits de philosophes de renom. Crédit: DR

Stupéfaction à Talsint, paisible centre rural de la province de Figuig. Le week-end dernier, le lycée Al Khawarizmi de cette bourgade a été la cible d’un acte de vandalisme peu commun. Un groupe de personnes s’est introduit par effraction dans les lieux, saccageant une bibliothèque de plus de 200 livres qu’entretenait un professeur de philosophie.

Les ouvrages ont été retrouvés brûlés en début de semaine, à quelques dizaines de mètres de l’établissement. La gendarmerie de Talsint a ouvert une enquête sur les circonstances de ce délit, mais le nombre et l’identité des coupables ne sont toujours pas connus.

Philosophes au bûcher

Les malfaiteurs ne se sont pas contentés de brûler des livres de sciences, de philosophie et de littérature, ils ont également détruit des portraits de philosophes de renom, accrochés aux murs de cette même salle de classe. Averroès, Emmanuel Kant, Karl Marx, Jean-Paul Sartre… La salle regorgeait de tableaux décoratifs à l’effigie de penseurs universels, dont les œuvres sont au programme scolaire du lycée.

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Contacté par TelQuel, le professeur Redouane Bouimtghane dont la classe a été vandalisée est le premier surpris. Cette bibliothèque était le fruit de son effort personnel, avec pour but d’aider les élèves à renforcer leur niveau de savoir et d’instruction.

“L’introduction dans la salle a dû se produire dans la nuit de samedi ou de dimanche dernier, lorsque l’établissement était vide”, nous raconte le professeur. En reprenant son service ce mardi 14 décembre, il a été surpris de ne plus reconnaître sa fameuse salle de classe aux allures de bibliothèque. “Un seul livre en arabe a été épargné, et il portait le titre de “Sadr al islam” (“Les origines de l’islam”)”, confie-t-il.

Les agents de sécurité du lycée ont retrouvé par la suite une partie des grillages endommagés, preuve de l’entrée par effraction dans l’établissement. Les cendres des livres et autres portraits brûlés ont été retrouvés aux abords de l’enceinte extérieure du lycée.

Remonter à Cordoue

“Je n’ai aucune raison de penser que c’était un acte dirigé contre moi”

Redouane Bouimtghane, professeur

Le professeur Bouimtghane ne se dit pas menacé. “Je n’ai d’inimitié avec personne, ni de haine pour une idéologie, quelle qu’elle soit”, nous explique-t-il. Sa relation avec ses élèves est qualifiée de “très normale”. “Je n’ai aucune raison de penser que c’était un acte dirigé contre moi”, ajoute le professeur en précisant qu’“historiquement, le centre rural de Talsint n’a jamais été connu pour abriter un des courants obscurantistes”.

Premier à être interrogé par la gendarmerie, il précise également que les enquêteurs ont relevé des empreintes digitales sur place. Ces dernières “se sont avérées être celles de personnes mineures”, nous indique Redouane Bouimtghane.

Pour le président de l’Association des enseignants de philosophie (AMEP), Abdelkarim Safir, il s’agit-là d’une attaque contre une institution et une matière pédagogique. “Cela affecte les valeurs humaines communes portées par la philosophie et la raison”, nous indique-t-il.

L’AMEP a suivi cet événement en prenant contact avec le professeur Bouimtghane. Un communiqué condamnant l’acte est en cours de rédaction.

Le président Safir, pour qui l’institution éducative porte un caractère sacré, parle de “choc de conscience”. Attendant les résultats de l’enquête, il estime avec une pincée d’ironie que “cela ne s’est pas produit depuis que les livres d’Ibn Rochd (Averroès) ont été brûlés au XIIe siècle à Cordoue”.

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