«Furies»
168 DH
Ou
Des drapeaux noirs flottaient sur Palmyre. Bérénice n’avait suivi que très distraitement la montée de cette marée. Pendant tous ces mois, sa principale préoccupation avait été de veiller son père. Mais aujourd’hui, l’orage qui grondait avait éclaté. (…) Ce n’était pas seulement une ville qui tombait, des cohortes fanatiques se dressaient du fond des âges pour en finir avec la civilisation, pour anéantir tout ce en quoi elle et son père croyaient”.
On l’a compris, l’histoire commence avec les débuts de Daech, en Syrie, quand l’organisation terroriste avait décrété que terroriser les hommes n’était pas assez convaincant, il fallait les toucher dans l’essence même de ce qui fait leur civilisation, leur histoire, leur passé… Bref, leur capital humain.
Alors ils se sont acharnés, à coups de massue et de pics, sur les pierres porteuses de millénaires d’histoire et qui faisaient partie du patrimoine de l’humanité toute entière : la cité antique de Palmyre. C’est là que le père de Bérénice l’emmenait, là où lui-même se ressourçait, prenait des forces.
Mais à voir ces images de destruction à la télé, “Bérénice avait la sensation que c’était le corps de son père qui était supplicié. Dans chacune des colonnes, dans chaque arc réduit en poussière, c’était son corps à lui qu’on dépeçait, là, devant ses yeux, et elle était impuissante. Toutes les histoires qu’il lui avait racontées, tout ce qu’il n’avait pas eu le temps de lui dire et tout ce en quoi elle espérait était dynamité, renversé, piétiné. Son père était mort, Palmyre tombée. Elle était seule au monde, prisonnière de ruines qui n’existaient plus.”
«Furies»
168 DH
Ou
Une fille et des pierres
Est-ce par vengeance qu’elle va tomber dans le trafic de reliques archéologiques? En tout cas, quand un ami de son père lui propose de ramener des débris de Palmyre en France, elle relève le défi quitte “à gratter ce qu’il restait avec les ongles et ramènerait ce qui pouvait encore être sauvé”.
C’est lors de ses études en archéologie qu’elle découvre, au détour d’un chantier de fouilles, une relique de Furie, “l’une des filles de Gaïa et du sang d’Ouranos mutilé, celles qui étaient chargées de poursuivre et harceler les criminels.”, qu’elle portera en collier.
C’est cette passion qui n’en est pas une, contrainte plutôt car c’était la passion de son père, qui la conduit jusqu’en Turquie où elle doit rejoindre un camp de réfugiés où doit la trouver l’intermédiaire qui doit lui remettre des reliques archéologiques à transporter en Europe.
Sauf que du camp, elle va ressortir avec une fillette que vient d’abandonner sa mère entre les mains de Bérénice. Un être humain donc, plutôt que des pierres. Et le temps des résolutions: “Fini de tamiser les sables du temps, elle acceptait tout ce qui était perdu et ne serait jamais retrouvé, elle acceptait l’oubli et le deuil, le silence et la perte. Elle acceptait de laisser les objets et les corps reposer dans la terre pourvu que l’enfant qu’elle tenait ne s’évapore pas.”
C’est dans l’enfer syrien que se déroule Furies, le premier roman de Julie Ruocco, de la genèse innocente du printemps syrien, porté par des foules qui proclamaient le départ du tyran et appelaient de leurs vœux des lendemains qui chantent, à l’éclosion de Daech et avec eux des lendemains qui déchantent.
Entre les deux, que de sang a coulé. C’est dans cet enfer que les Furies, ces femmes syriennes qui se sont levées aux côtés des hommes, ont cherché à faire triompher l’espoir, et non la vengeance, comme leurs aînées de la mythologie grecque.
Furies , Julie Ruocco, éditions Actes Sud (2021). Commandez ce livre au prix de 168 DH, (+ frais d’envoi) sur qitab.ma ou par WhatsApp au 06 71 81 84 60.