Entretien avec le Docteur Hicham Sati, rhumatologue

Le docteur Hicham Sati est rhumatologue à Casablanca. Dans cet entretien, il explique ce que la pathologie rhumatismale et ses particularités dans l’environnement marocain. Au passage, le rhumatologue livre son avis sur le Pass Vaccinal, la 3e dose, la vaccination anti-Covid-19… ces sujets qui alimentent le débat public aussi bien chez nous qu’ailleurs. Et contrairement à ce que pensent les ‘‘anti-vaccins’’, il tient à préciser que la santé reste une question de vie ou de mort. Elle ne peut en aucun cas être réduite à un simple débat philosophique ou démocratique.

Peut-on avoir une idée sur les spécificités des maladies rhumatismales au Maroc 

Dr Hicham Sati : Les maladies rhumatismales au Maroc ne se diffèrent pas des maladies du bassin méditerranéen qui sont caractérisées par leur moindre agressivité par rapport au rhumatisme observé dans l’Europe du Nord, l’Amérique du Nord et la Russie et ceci est dû au système d’histocompatibilité immunitaire (CMH) et le système (HLA). On observe une dominance du système (HLA DR1) chez les Nordiques qui explique l’agressivité des maladies rhumatismales chez eux et une dominance du système (HLA DR4) qui explique l’agressivité moyenne et légère chez les pays de la partie sud de la planète.

La pathologie rhumatismale a-t-elle un âge précis ?

La pathologie rhumatismale n’a pas d’âge précis. Elle peut être observée chez un bébé comme chez une personne très âgée. La seule différence se situe au niveau des pathologies dégénératives qui apparaissent après un certain âge.

On parle de plus en plus de la polyarthrite rhumatoïde. De quoi s’agit-il exactement ? 

La polyarthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire qui ne touche pas que les articulations, mais elle a des manifestations extra-articulaires. C’est une pathologie auto-immune dont l’origine exacte reste encore inconnue. Plusieurs facteurs peuvent intervenir pour dérégler le fonctionnement du système immunitaire : facteurs hormonaux, environnementaux, psychologiques, génétiques, infectieux. On note que le système immunitaire devient agressif et commence à détruire les organes de la personne atteinte.

Pour beaucoup, le principal obstacle reste l’accès aux traitements, car les coûts sont élevés. Est-ce vrai ? Que recommandez-vous alors pour que la polyarthrite rhumatoïde ne se complique pas davantage pour les patients ? 

Oui, c’est vrai. Le principal obstacle reste l’accès au traitement, car les coûts sont élevés, mais dernièrement les caisses sociales au Maroc ont commencé à rembourser plusieurs traitements biologiques avec une prise en charge globale. Le seul souci est le fait qu’une grande partie de la population au Maroc n’est toujours pas couverte par la sécurité sociale, ce qui la désavantage et la met dans une situation précaire. L’initiative du Roi Mohammed VI que Dieu le bénisse va résoudre ce problème dans les mois à venir.

Qu’en est-il de l’évolution scientifique quant au traitement de la pathologie rhumatismale ? 

La pathologie rhumatismale a connu une révolution scientifique et technologique extraordinaire ces dernières années. Avant, on utilisait des traitements qui ont été conçus pour d’autres maladies et qui ont par hasard amélioré ces pathologies. Maintenant on se dispose des traitements ciblés qui se basent sur la physiopathologie des maladies et interviennent en inhibant les facteurs immunologiques comme (l’Interleukin) et (Tumor Necrosis Factor).

Pensez-vous que le Maroc est aujourd’hui bien outillé pour un traitement innovant de la pathologie rhumatismale ?

Je pense que le Maroc avec son système de santé fragile et des recherches scientifiques moins avancées reste dans une zone grise entre des pays bien outillés pour les traitements et d’autres moins outillés. Mais je pense qu’avec une couverture sociale universelle, la prise en charge de beaucoup de traitements biologiques et un décollage de la croissance économique, notre pays peut aller de l’avant pour un avenir plus avantageux.

Question d’actualité : quelle est votre propre lecture par rapport à l’imposition du Pass Vaccinal ? 

L’adoption du Pass Vaccinal est une question très compliquée, philosophique et sanitaire. Il y a deux esprits qui régularisent cette question. L’esprit régalien qui donne le pouvoir absolu à l’État de définir le bien ou le mal d’un individu et l’esprit anglophone qui privilège l’individu et sa liberté ainsi que le libre jeu des actions individuelles.
Nous au Maroc, on a choisi de suivre le premier esprit qui domine en France suite à des relations historiques et colonialistes. Les Britanniques ainsi que les Américains ont été fidèles à leur esprit libéral.
Revenons à la question et étudions-la sur le point sanitaire. Les pays qui n’ont pas adopté le Pass sanitaire ont observé une recrudescence des cas de contaminations et même des nouveaux variants du Covid-19 qui peuvent menacer l’immunité collective. Par contre les pays qui ont adopté le Pass sanitaire observent une stabilité et parfois des baisses des cas. Alors de mon point de vue, la santé avant tout n’est pas une question philosophique ou démocratique. C’est une question de vie ou de mort. La vaccination reste un moyen de sauvetage puisque les études prouvent qu’elle réduit les formes graves à 85 %. C’est dans ce sens que le Pass Vaccinal se représente comme un enjeu de santé nationale dans les lieux publics.

Que pouvez-vous nous dire aussi sur l’impact du vaccin anti covid-19 sur la santé des vaccinés ?  Beaucoup de citoyens ne sont toujours pas rassurés.

Premièrement, il faut signaler que n’importe quel médicament dans le monde peut engendrer des effets indésirables, y compris le fameux Paracetamol. En effet, ce médicament, ami de tous, peut causer des hépatites mortelles. En se basant ainsi sur cette vérité scientifique, les vaccins peuvent engendrer des effets secondaires comme n’importe quel médicament, mais ces effets restent moins fréquents et très rares.
Pendant toutes les étapes des recherches scientifiques, si on constate que le médicament a plus de bénéfice, peut sauver des vies et ayant des effets secondaires moins graves et peu fréquents, les scientifiques l’adoptent. On ne peut pas donc priver des millions de personnes d’un médicament qui peut sauver leurs vies à cause d’un cas d’effet indésirable sur 100.000.

Je dois souligner qu’en Chine, ils ont vacciné un milliard 200 millions de personnes. La chine a même vacciné les enfants à partir de 3 ans. Est-ce que vous pensez qu’un pays comme la Chine, une puissance mondiale et leader économique, va anéantir tout son peuple ? Pareil pour Israël, ce pays qui peut à tout moment déclencher une guerre pour sauver la vie d’un seul citoyen, et qui est actuellement en débat pour administrer une 4e dose. Pensez-vous que ce pays qui a mis des millénaires à rassembler le peuple juif va anéantir sa population pour un vaccin antivirus ? C’est absurde !

Le Maroc vise l’immunité collective. Est-ce cela à votre avis le remède efficace contre la propagation de la Covid-19 ? 

À mon avis, il n’y a ni remède efficace ni magique contre la propagation de la Covid-19. On croyait au début et juste après la découverte du vaccin que l’immunité collective sera notre chevalier libérateur, mais avec le recul des scientifiques et le changement des propriétés du virus et ses variants, on a compris que l’immunité collective est loin d’être la solution miracle. Il faut continuer avec la distanciation, le port des masques, la stérilisation des mains et attendre qu’un médicament efficace qui peut guérir ou au moins limiter les hospitalisations parce que les vaccinés continuent à propager le virus même qu’ils soient symptomatiques. Il y a un espoir d’un antivirus fabriqué par un laboratoire “MERCK”, “La Molnupiravir”, qui représente une avancée majeure pour réduire les formes graves de la maladie. Attendons alors l’autorisation de la “FDA “pour sa commercialisation.

Pourquoi selon vous une troisième dose ? 

Parce que les vaccins anti Covid-19 ont été fabriqués dans un temps record historique par rapport à d’autres vaccins qui ont nécessité des années pour sortir des laboratoires. L’efficacité est ainsi réduite à peu près 6 mois. Pendant ce temps-là, la réponse immunitaire baisse surtout d’après les scientifiques britanniques et américains chez les sujets âgés et les patients qui ont des maladies chroniques. Alors il est indispensable d’avoir une troisième dose pour stopper la propagation. Il faut souligner que les gens et les réseaux sociaux parlent d’une éventuelle 4e et 5e dose et ce n’est pas lointain.

Mais, à mon avis, l’arrivée d’un traitement médical per os efficace peut nous sauver de cette 4e dose et n’oublions pas que ni l’opinion publique ni la population mondiale n‘accepteront jamais une 4e dose. Un constat qui aboutira à un échec politique et une désobéissance mondiale. D’ailleurs, ces manifestations contre le Pass sanitaire et la 3e dose reflètent ce qui va se passer dans le futur pour la 4e dose.