«Temps sauvages»
287 DH
Ou
Etant péruvien d’origine, naturalisé espagnol, l’Amérique Latine et son histoire constituent la base de l’œuvre riche de Vargas Llosa. En ces “temps sauvages” où se déroulent le roman, tout était permis à celui qui avait les moyens d’imposer sa puissance.
Les États-Unis ont, pendant longtemps, considéré l’Amérique Latine comme une chasse gardée. Hors de question de permettre qu’un autre pays que Cuba tombe dans l’escarcelle de l’Union soviétique. Et ce sont les peuples d’Amérique Latine qui en souffrent pendant des décennies.
L’histoire de l’Amérique Latine est un drame continu. Les Conquistadors ont décimé des populations indigènes, voire des civilisations, maya, aztèque, inca… Le continent a été charcuté entre les colons espagnols et portugais, qui firent venir des esclaves pour travailler la terre après avoir massacré les indiens.
Puis ce fut une série de dictatures du nord au sud, qui ont fait des milliers de morts et dilapidé les richesses de leurs pays, de l’Argentine à la Colombie, du Mexique au Chili en passant par le Brésil…
Et pendant la Guerre froide, il fallait à ces pays faire leur choix : se ranger dans le camp occidental conduit par les États-Unis, ou faire comme Cuba en s’alignant derrière l’Union Soviétique, intégrer le camp communiste.
Sauf que les États-Unis avaient des intérêts majeurs sur le continent. Et à chaque fois qu’il y avait un changement de régime, ils sont aux commandes des putschistes, toujours des militaires achetés à coups de millions de dollars. Au début de cette politique, des aventuriers qui cherchaient à faire fortune. Venus de loin, ils débarquent dans des pays arriérés, fortement ruraux et analphabètes, où la politique n’occupait qu’un espace restreint dans la vie des citoyens. Seule une élite, facilement corruptible, présidait aux destinées de ces pays.
C’est donc au Guatemala, un débris de l’empire espagnol, ruiné par les Conquistadors, que l’un de ces aventuriers débarque au début du XXe siècle.
«Temps sauvages»
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“Au cours de ses voyages, Zemurray avait découvert la banane dans les forêts d’Amérique centrale et, avec une heureuse intuition du profit commercial qu’il pourrait tirer de ce fruit, il commença à l’exporter par bateau vers La Nouvelle-Orléans et d’autres villes d’Amérique du Nord. Dès le départ, elle fut fort appréciée. Tant et si bien que la demande croissante le conduisit à se convertir, de simple commerçant, en agriculteur et producteur international de bananes.
Voilà comment avait commencé l’United Fruit, une société qui, au début des années 1950, étendait ses réseaux au Honduras, au Guatemala, au Nicaragua, au Salvador, au Costa Rica, en Colombie et dans plusieurs îles des Caraïbes, et générait plus de dollars que l’immense majorité des entreprises des États-Unis, et même du reste du monde. Cet empire était, sans aucun doute, l’œuvre d’un seul homme : Sam Zemurray. Maintenant, des centaines de personnes dépendaient de lui.” Nous sommes en 1954.
Au début était la banane
C’est de là que vient l’expression “république bananière”, pour désigner ces petits pays d’Amérique centrale exclusivement dédiés à la culture de la banane, destinée exclusivement à l’export dans le monde entier. Et pour garder son empire, ce pionnier de la banane avait besoin du soutien de ses concitoyens américains.
Et c’est un publicitaire qui vole à sa rescousse. Lors d’une mission au Guatemala, il fallait à cet expert mesurer le risque pour les intérêts de la United Fruit, et indirectement ceux des États-Unis, et dresser un rapport.
Ce qu’il constate sur place est sidérant: “Comment transformer en démocratie moderne un pays de trois millions d’habitants dont soixante-dix pour cent sont des Indiens analphabètes à peine sortis du paganisme ou qui y sont encore, et où il doit y avoir trois ou quatre chamans pour un médecin ? Soyons clairs: bien que ses efforts (le président guatémaltèque, ndlr) pour faire de son pays une démocratie moderne me paraissent vains, toute avancée sur ce terrain, que l’on ne s’y trompe pas, nous causerait un grave préjudice.”
En gros, ce qui était bon pour ces pays n’était pas forcément bon pour les États-Unis, d’où la création de la CIA, censée protéger, par tous les moyens, les intérêts du pays à l’étranger.
Temps sauvages, de Mario Vargas Llosa, Éditions Gallimard (2019). Commandez ce livre au prix de 287 DH (+ frais d’envoi) sur qitab.ma ou par WhatsApp au 06 71 81 84 60