Dans la bibliothèque d'Abigail Assor

Finaliste du Goncourt du Premier Roman pour Aussi riche que le roi, l’écrivaine Abigail Assor partage avec les lecteurs de TelQuel quatre livres coup de cœur de sa bibliothèque.

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1. Le Pain Nu, de Mohamed Choukri

“J’aime ce livre pour son courage. Il fallait du courage à Mohamed Choukri pour faire publier, au tout début des années 1970, un texte qui aborde sans la moindre concession la violence qui irrigue la société marocaine : les addictions, la prostitution…

Le courage se situe aussi dans la genèse de ce récit : l’auteur, ex-analphabète, ne se contente pas de manier les mots, il les utilise dans toute leur matérialité, comme on utilise un objet dont on avait besoin et auquel on a enfin accès. C’est magnifique à lire.

Cela me fait penser à cette très belle phrase de Abdellah Taïa, publiée dans TelQuel : “Tu es analphabète et tu ne connais rien à la culture ? Permets-moi d’en douter. Tu connais le mystère, le monde invisible. Tu connais la transgression”.”

«Al Khobz Al Hafi الخبز الحافي»

Mohamed Choukri

30 DH

Ou

Livraison à domicile partout au Maroc

2. Nadja, d’André Breton

“Ce récit raconte la rencontre entre André Breton et Léona Delcourt, dite Nadja, à la fin des années 1920. C’est un texte à la croisée des arts, nourri de photographies et d’illustrations. Le livre questionne la forme romanesque tout en réinventant le thème de la rencontre amoureuse.

Mais, surtout, l’inscription de ce texte dans le mouvement surréaliste transpire à chaque page : la troisième partie, notamment, offre des fulgurances d’écriture magnifiques. La dernière phrase m’a marquée pour toujours : “La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas”.”

Nadja, d’André Breton, éd. NRF, collection blanche

3. La Place, d’Annie Ernaux

“Ce roman autobiographique nous plonge dans la vie banale d’un homme, le père de l’auteure. Annie Ernaux, en retraçant la vie de son père, explore le destin social de cet ouvrier devenu petit commerçant. Le caractère tragique du déterminisme se déploie dans chaque détail de sa vie quotidienne.

L’écriture est dépouillée, la plus neutre possible, et c’est cette neutralité qui rend encore plus éloquents les rêves, les manies et les peurs de cet homme enchaîné à sa condition sociale. La distance symbolique qui le séparera de sa fille, devenue écrivaine, m’a brisé le cœur lorsque j’ai lu ce livre pour la première fois.”

La Place, d’Annie Ernaux, éd. Gallimard

4. Sorcières, de Mona Chollet

“Ce livre captivant devrait être le livre de chevet de toutes les femmes, et encore plus au sein d’une société aussi patriarcale que la société marocaine. Je le conseille aux Marocaines, mais aussi aux Marocains!

C’est un texte qui bouscule, qui fait vaciller les certitudes et c’est pour cela que c’est un texte essentiel. Il montre combien l’approche actuelle que l’on a du mariage et de la maternité est truffée d’injustices et de violences sourdes.

Ces violences se retrouvent dans nos médias, dans nos institutions. Il est temps d’agir, et pour agir, il faut comprendre. Cet essai captivant, clair et drôle, permet justement de comprendre les mécanismes insidieux qui nous entourent.”

Sorcières: la puissance invaincue des femmes, de Mona Chollet, éd. Zones