Abdelkader Chaoui convoque les visages du passé

Dans une œuvre hautement autobiographique, Abdelkader Chaoui évoque son parcours depuis son lieu de naissance et toutes les amitiés qu’il a pu lier à travers plusieurs décennies. De sa classe du primaire jusqu’à ces Espagnols rentrés chez eux après l’indépendance, mais qui se rappellent à son bon souvenir soixante après. Attayhae (ou Labyrinthus) est un voyage à travers la mémoire.

Par

«التيهاء»

عبد القادر الشاوي

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Attayhae en arabe, (ou Labyrinthus) , de Abdelkader Chaoui
Attayhae en arabe, (ou Labyrinthus), de Abdelkader Chaoui, Editions Le Fennec (2020).

Tout commence par un courrier et une photo de classe que lui envoie un ancien copain espagnol de classe à Bab Taza, dans le nord, où Abdelkader Chaoui a vu le jour et où il a fait ses études primaires. Alors commence un retour en arrière de la mémoire, dans ce village qu’on dirait perdu mais qui ne l’était pas pour ses habitants, où le protectorat espagnol a dépêché les siens qui se sont vite acclimatés à la vie locale, fondus dans la population autochtone mais vivant à leur rythme et selon leurs coutumes.

Ils étaient là avec leur église et leur bar où ils buvaient du vin rouge à longueur de journée. Même si aujourd’hui il ne reste de leur souvenir que quelques mots espagnols détournés dans la darija locale.

C’est un Espagnol qui lui écrit, 60 ans plus tard, né à Bab Taza comme lui, qui lui avoue sa nostalgie pour cette localité, après avoir lu le livre de Abdelkader Chaoui dédié à son lieu de naissance, Bab Taza, des restes et des souvenirs, traduit en espagnol : “Votre livre a remué en moi, pendant que je le lisais, beaucoup de sentiments qui remontent à cette période lointaine de notre quotidien et de nos vies dans cette région à laquelle je m’enorgueillis d’appartenir, même à mon âge, parce que c’était, en effet, mon lieu de naissance et la patrie de mes espérances d’enfant, merci à toi.”

Sur la voie de l’oubli

Comme un fil d’Ariane, la photo de classe va lui permettre de renouer des liens qu’il croyait perdus à jamais et découvrir des vies cassées ou refaites, des personnes éteintes, des visages transformés… Il relate également sa rencontre avec son ancienne maîtresse, aujourd’hui une femme fragile, “qui souffre de douleurs aigües, et qu’elle était comme je l’imaginais sur la photo de classe, mais aujourd’hui totalement effondrée et n’arrête presque pas de pleurer.”

Cette œuvre est un retour en arrière sur des souvenirs doux, parfois aussi amers, mais pas que ceux de l’auteur, puisque les personnes qu’il a connues sont aussi citées, avec leurs douleurs, et parfois leurs dernières volontés. Certains qu’il a pu revoir avant leur mort, d’autres dont il a appris la mort par d’autres connaissances interposées.

Abdelkader Chaoui est né à Bab Taza, en 1950, quand le protectorat espagnol occupait la zone nord, où il a fait l’école primaire, avant de partir pour Tétouan puis Rabat pour ses études. Son militantisme pour un Maroc meilleur le conduit en prison pour un séjour de dix-sept ans. Les années de plomb étaient de rigueur et la parole critique n’était pas tolérée.

Il est l’auteur de plusieurs livres, dont La place d’honneur (1999), prix littéraire du Maroc, Qui a dit moi (2006), Le livre de la mémoire (2015), Le Jardin de la dame (2018). Il est également ambassadeur du royaume et a dû, à ce titre, parcourir le monde et lier des amitiés chères qu’il invite dans ce livre.

Attayhae, ou Labyrinthus, raconte ce côté globe-trotter qui a caractérisé sa vie, comme pour rattraper le temps perdu, comme pour dire aux siens et aux autres combien il les aime, aussi différents soient-ils.

Mais il reconnaît aussi qu’ils lui rendent bien l’amour et le respect qu’il leur porte. Sans amertume aucune, Abdelkader Chaoui évoque, avec une nostalgie non dissimulée, le parcours d’un humaniste avéré.

Et surtout, avec l’oubli comme bagage: “Pendant ces années, nous mémorisions des rêves, mais en même temps, nous étions sur la voie de l’oubli.” Et le pardon ?

Attayhae en arabe, (ou Labyrinthus) , de Abdelkader Chaoui, Editions Le Fennec (2020).

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