Première visite du chef de la diplomatie israélienne aux Emirats: le pourquoi d'un rapprochement

Le ministre israélien des affaires étrangères, Yaïr Lapid, s’est rendu officiellement, mardi 29 juin, aux Émirats arabes unis pour une visite de deux jours. 

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AFP

La descente d’avion de Yaïr Lapid, chef de la diplomatie israélienne à l’origine de la nouvelle coalition au pouvoir dans l’État hébreu, est historique. Pour la première fois, un ministre israélien se rend officiellement dans la monarchie du Golfe. Une venue synonyme de rapprochement entre deux économies de premier plan dans la région. 

« Fier de représenter l’État d’Israël pour la première visite officielle aux Émirats arabes unis. Merci pour l’accueil chaleureux », tweete en hébreu et en arabe Yaïr Lapid à son arrivée sur le tarmac de l’aéroport d’Abu Dhabi, même si aucun haut responsable n’était présent pour l’accueillir. 

C’est une première depuis la normalisation entre les deux États, impulsée par l’administration de l’ancien président américain Donald Trump. Plusieurs ministres israéliens étaient déjà venus auparavant pour assister à des évènements mais rien n’était officiel. L’ancien chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahu, aurait dû être le premier à fouler la terre des Émirats arabes unis mais ses visites avaient finalement fini par être annulées. Son premier voyage avait été reporté à cause de la pandémie et son second sur fond de différend avec la Jordanie et le survol de son espace aérien.

La visite du chef de la diplomatie israélienne intervient alors que les tensions sont au plus hauts dans les Territoires palestiniens occupés par Israël. « La visite du ministre israélien des affaires étrangères est historique pour plusieurs raisons et notamment parce qu’il s’agit du premier engagement officiel entre les EAU et Israël depuis les attaques contre Jérusalem et Gaza en mai », affirme Yasmina Abouzzohour, chercheuse au Brookings Doha Center.

Téhéran, une menace commune

Concrétisé par les accords d’Abraham signés en septembre dernier par Israël, les Émirats arabes unis et le Bahreïn, ce rapprochement ouvre la voie à de nouveaux projets commerciaux, touristiques et économiques entre les deux pays. Dès novembre, quelques semaines après la normalisation, des dizaines de milliers de touristes israéliens se sont rués à Dubaï et Abu Dhabi. Une affluence freinée par la pandémie.   « Les EAU assument cette nouvelle alliance avec Israël, décrit Mohamed Badine El Yattioui, professeur de relations internationales à l’Université américaine des Emirats à  Dubaï. Israël est un nouveau partenaire dans la région, ils ont un ennemi commun, c’est l’Iran. »

Deux jours plus tôt le nucléaire iranien avait dominé la rencontre entre Yaïr Lapid et le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken. L’Iran est à nouveau au cœur de cette visite. En plus d’exprimer des réserves sur une relance de l’accord nucléaire iranien, les Émirats arabes unis accusent l’Iran d’avoir pris possession d’Abou Moussa, de la Grande et de la Petite Tomb. « Les Émirats considèrent que l’Iran occupe trois îles émiraties dans le golfe Persique », explique Mohamed Badine El Yattioui. 

Quel avenir pour les relations avec le Maroc ? 

En plus du Bahreïn et des EAU, le Maroc a lui aussi normalisé ses relations avec l’État juif depuis décembre dernier. Si la venue de Yaïr Lapid est aussi l’occasion d’inaugurer une ambassade israélienne et un consulat, respectivement à Abu Dabi et à Dubaï, l’ouverture de représentation diplomatique « ne semble pas être à l’ordre du jour côté marocain », estime Mohamed Badine El Yattioui. 

Lors d’une interview télévisée à la chaîne américaine AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) en mai dernier, le ministre des affaires étrangères marocains, Nasser Bourita, avait confirmé vouloir aller le plus loin possible dans les relations israélo-marocaines. « Les violences israéliennes à Jérusalem et à Gaza en mai dernier ont compliqué la situation, notamment aux niveaux national et régional, souligne Yasmina Abouzzohour, chercheuse au Brookings Doha Center. S’il paraît peu probable que le Maroc se retire de l’accord, le régime cherchera à trouver un nouveau terrain d’entente avec Israël. » 

Au-delà de l’aspect diplomatique, Rabat cherche à développer le tourisme, l’agriculture, le commerce avec Tel-Aviv. Des ambitions qui place la communauté marocaine installée en Israël au centre de la relation bilatérale entre les deux pays.