La femme à la beauté resplendissante qui, chez beaucoup d’imams braqués sur la jurisprudence, incarne Satan est, chez les Soufis, un reflet de Dieu”. Et qui dit Soufis, dit Ibn Arabi, “qui compare toute spiritualité à l’amour, qui lui-même devient le fondement du cosmos et le but de la vie humaine”, décrit Fatéma Mernissi.
«Les femmes dans l’inconscient musulman»
30 DH
Ou
Et qui mieux qu’Ibn Arabi pour exprimer sa propre pensée : “Sache que la demeure de l’amour est une distinction élevée et que l’amour est le principe de l’existence universelle. De l’amour nous sommes issus. Selon l’amour nous sommes faits. C’est vers l’amour que nous tendons, à l’amour nous nous abandonnons.”
Il est où Satan dans cette description de l’amour ? Et pourtant ! “La face amoureuse de l’islam n’intéresse pas les gouvernants”, encore moins les imams.
Et ce n’est pas pour rien que “les Soufis, mystiques musulmans, ont toujours fait l’objet d’une surveillance étroite de la part des imams chargés de protéger la Charia, la loi sacrée, qui exprime la volonté divine et la voie de l’orthodoxie.”
On voit bien où cela a conduit le monde musulman.
Qui mieux que Fatéma Mernissi incarne ce visage universaliste, dans sa dimension humaine globale, à la fois féminine et masculine, mais aussi multiculturelle et multiraciale ?
“Aimer une créature où se manifeste la beauté, que ce soit un rossignol qui chante, une fleur qui reçoit une goutte de rosée, ou une femme qui vous sourit, c’est aimer Dieu sous ses multiples formes”, tout est dit dans ces mots, pour décrire l’amour au sens large du terme, quel qu’en soit le destinataire, le ou la voisine de palier ou un être à l’autre bout du monde, ou quelque forme que ce soit qui puisse être un réceptacle de l’amour.
«Les femmes dans l’inconscient musulman»
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Aimer une femme, c’est aimer Dieu
Fatéma Mernissi analyse, dans cet essai, écrit durant sa première période – “un écrit de jeunesse” comme le décrit Abdou Filali-Ansary – le cheminement de l’amour dans la société musulmane à travers la “littérature religieuse courtoise”.
Elle donne la parole à Ibn Hazm, savant, philosophe et homme d’Etat de l’époque andalouse, pour qui aimer et jouir de l’objet aimé reste le comble du bonheur : “J’ai expérimenté des jouissances de toutes sortes, savouré les plaisirs les plus divers : l’intimité des princes, la fortune qu’on acquiert, la possession après la privation, le retour après une longue absence, la sécurité après le danger et l’expatriation loin de la famille, rien de tout cela n’agit si profondément sur l’âme que l’union avec l’objet aimé.”
La femme aimée et mille fois désirée est décrite à travers les narrations amoureuses de plusieurs sultans, érudits, poètes ou simples inconnus, à travers les époques, dans un texte cru et parfois même osé pour accentuer le propos du livre. Ce qui n’enlève rien à son mérite, bien au contraire.
Mais comme la femme dans l’espace musulman n’est pas qu’un objet de désir, elle occupe désormais l’espace et cherche le savoir, à l’égal de l’homme.
Ce qui n’est pas forcément du goût des imams conservateurs, gardiens du temple de l’islam : “Le jour où la fillette musulmane a acquis le droit d’aller à l’école, ce jour-là le monde de l’islam conservateur en tant qu’idéal philosophique incarné dans une architecture culturelle, a été totalement remis en question”, tranche Fatéma Mernissi, au grand dam des détenteurs du discours conservateur qui sont catégoriques: “L’accès des femmes à l’éducation viole la loi cardinale du système : la division sexuelle du travail et de l’espace.”
Fatéma Mernissi (1940-2015) est une universitaire et sociologue dont les livres et les recherches ont été traduits en plusieurs langues. Ses œuvres sont même considérées comme des références sur la femme en islam.
Ce livre, La femme dans l’inconscient musulman, reflète déjà la pensée et l’esprit rebelle de son auteure, qui se perpétueront tout au long de son parcours. Le respect dont elle jouissait auprès de ses pairs n’est pas usurpé, et nombre d’entre eux lui doivent beaucoup.
La femme dans l’inconscient musulman, de Fatéma Mernissi, éd. Le Fennec Poche Essai
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