Ce que propose le mémorandum conjoint de l’Istiqlal, PAM et PPS pour les élections de 2021

Le siège de l’Istiqlal à Rabat a abrité ce 22 juillet une conférence de presse consacrée au mémorandum sur les réformes électorales, présenté par les partis de l’opposition. En présence d’Abdellatif Ouahbi du PAM et de Nabil Benabdellah du PPS, l’Istiqlalien Nizar Baraka a exposé les grandes lignes du document de 17 pages. Les détails.

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Crédit : Rachid Tniouni/TelQuel

Accueillant les deux dirigeants politiques de l’opposition dans ses locaux, le chef du parti de l’Istiqlal a livré au cours de cette conférence de presse les principales réflexions issues du rapprochement entre les trois partis. “Après la lettre envoyée au chef du gouvernement et des réunions avec le ministre de l’Intérieur, nous avons réfléchi ensemble aux axes de réforme électorale à mener”, a déclaré Nizar Baraka.

Entre technocratie et démocratie participative

L’homme politique a notamment évoqué dans son introduction une ambition de “créer une percée en politique et dans les droits humains, à même de rétablir la confiance dans le cœur des citoyens, et de clarifier la vision et les rôles de l’homme politique et du technocrate”. Il a en ce sens considéré qu’“il n’y a pas de conflit” entre ces deux profils de dirigeants de la chose publique, mais qu’“il devrait y avoir une complémentarité entre eux”.

Le patron de l’Istiqlal a de même expliqué que les trois partis d’opposition étaient “convaincus de la nécessaire complémentarité entre démocratie représentative et participative”, tout en relevant l’objectif qu’ils se sont fixés avant la publication de ce mémorandum sur les élections, celui d’“atteindre un taux de participation élevé qui donne une crédibilité à l’opération électorale, à l’action politique et aux institutions élues”. 

Une commission ad hoc, à défaut de l’Intérieur

La réflexion a d’abord porté sur l’organe de surveillance des élections. En ce sens, les trois partis proposent la création par une loi d’une Commission nationale des élections, dotée de sous-commissions au niveau préfectoral et provincial, qui “se chargera de coordonner et de suivre le rythme des élections”.

Cet organe se veut “de composition mixte”, avec des représentants des partis politiques et des organisations syndicales représentés au Parlement, ainsi que des représentants du gouvernement. La présidence de cette commission devrait revenir au pouvoir judiciaire selon Nizar Baraka, “à condition que le gouvernement soit chargé de la gestion des élections”. Pour rappel, en période électorale, ces missions sont normalement confiées au ministère de l’Intérieur.

Revoir l’ingénierie électorale

S’agissant du découpage électoral, Nizar Baraka a préconisé au nom des trois partis d’opposition d’adopter “la méthodologie participative” en le soumettant obligatoirement à la commission dont il a appelé la création. Le mémorandum insiste dans cette logique sur “la nécessité de prendre en considération la spécificité de certains nouveaux pôles urbains” dans le prochain découpage.

Côté mode de suffrage, l’Istiqlal, le PAM et le PPS souhaitent maintenir l’actuel double système. Cela consiste à adopter des élections par liste dans les communes de plus de 50.000 habitants, ainsi que dans celles comptant moins que ce chiffre, “à condition que le siège de la province soit établi sur le sol de ces communes”. Le suffrage uninominal reste préconisé par les trois partis dans les autres circonscriptions du territoire.

Le mémorandum exposé par Nizar Baraka revient également sur la sempiternelle question de la discrimination positive. Les trois partis entendent “renforcer la participation des femmes et des jeunes” en adoptant des listes régionales, en lieu et place de la liste nationale, tout en augmentant le quota que leur réserve la loi depuis les Législatives de 2002.

Dissensus sur le seuil électoral

Les trois partis de l’opposition appellent le gouvernement à appliquer les exigences de l’Article 17 de la Constitution. La loi fondamentale garantit en effet le droit de vote et de candidature des Marocains du monde. Mais dans les faits, les membres de la diaspora se voient encore obligés de rentrer au pays le jour du scrutin s’ils souhaitent voter.

D’autre part, le seuil électoral fixé à 6 % par la loi est l’unique point de divergence entre les trois partis signataires. À ce niveau, Abdellatif Ouahbi du PAM est le seul à proposer la suppression de ce seuil qui ne favorise pas les petites formations politiques. L’Istiqlal et le PPS tablent sur une baisse à 3 %. Cela signifie pour les deux partis que la représentativité des listes gagnantes dans tous types d’élections est celle obtenant au moins 3 % des voix, quelles que soient la taille et la nature de la circonscription électorale concernée.

Bénéfice après vote

L’Istiqlal, le PAM et le PPS sont d’accord pour une “inscription automatique” des adultes de 18 ans sur les listes électorales par les Autorités locales. L’exemption des jeunes des obligations de timbre pour obtenir leur carte d’identité électronique ou leur passeport biométrique est ainsi perçue comme un “moyen d’encourager les jeunes à participer aux élections”.

Contre le fait de rendre le vote obligatoire, les trois partis envisagent tout de même de le placer comme “condition de pondération lorsque les candidats sont égaux pour accéder à une fonction publique ou pour être nommés à des postes supérieurs”. L’action de voter est également envisagée comme “condition de pondération pour bénéficier des services et programmes sociaux tels que le logement social, l’entraide nationale, le soutien social et la solidarité”.

La guéguerre des symboles

Sur le déroulement de la campagne électorale, Nizar Baraka a appelé à “ne pas considérer la présence de symboles nationaux et de l’hymne national, ainsi que l’utilisation des couleurs rouge et verte dans les publications ou dans les meetings comme motifs d’invalidation de l’élection d’un candidat”.

Avec Abdellatif Ouahbi et Nabil Benabdallah, le chef de l’Istiqlal est favorable à la réduction de la durée de la campagne à dix jours, au lieu des quatorze stipulés dans la loi relative aux élections. La date du scrutin est appelée à être fixée par la Commission électorale que le mémorandum de l’opposition appelle à créer, “après dialogue et concertation avec les partis politiques”.

L’opposition propose également d’organiser à la même date les Communales, les Régionales et les Législatives, “pour accroître la participation et rationaliser les ressources financières et humaines, notamment face aux répercussions de la pandémie du Covid-19”. Elle suggère aussi de programmer le scrutin un mercredi au lieu du traditionnel vote du vendredi, “à condition que tous les salariés des secteurs public et privé se voient octroyer une autorisation d’absence exceptionnelle délivrée à cet effet”.

Décider du processus

Le mémorandum revient sur le processus de vote, en appelant à “la réduction du nombre de bureaux dans des villes proches les unes des autres, sur une base de 700 électeurs dans chaque bureau”. L’annonce officielle de la liste des chefs de bureaux de vote “issus de différents secteurs, et avec une approche participative au sein des mécanismes de coordination et de concertation” est d’ailleurs l’une des principales propositions en termes de processus électoral.

Il suffit de présenter la carte nationale, le passeport ou tout document ayant valeur de preuve légale officielle par l’électeur au chef du bureau de vote”, estime Nizar Baraka, appelant particulièrement à rendre ces bureaux de vote accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Des parasites dans les listes

Arrivés au mode de comptage et d’archivage des voix, l’Istiqlal, le PAM et le PPS voient d’un bon œil le dépouillement électronique des bulletins de vote. Ce serait une première au Maroc. “Tous les bulletins de vote seront conservés jusqu’à ce que le pouvoir judiciaire traite tous les appels d’invalidation qui lui seront soumis”, envisage Nizar Baraka.

Le mémorandum de l’opposition préconise la restreinte du droit de se porter candidat à la tête d’un conseil élu aux quatre premières listes, “afin de renforcer la crédibilité du processus électoral, donner un sens démocratique aux élections et respecter la volonté des électeurs”, a expliqué Nizar Baraka. Anticipant certaines formes de “blocages” institutionnels, les trois partis insistent pour que la formation des bureaux des conseils élus se passe dans un délai de 7 jours à compter de la date de l’annonce des résultats.

Le mémorandum s’attaque enfin au système de financement des partis et aux mécanismes de contrôle des dépenses électorales. Le système de soutien public aux partis politiques est ainsi pointé du doigt, pour une éventuelle révision dans le cadre de la loi relative aux partis politiques.