Le président de la Cour des comptes, Driss Jettou, a livré ce mardi 23 juin à la commission du contrôle des finances publiques le bilan de l’instance de contrôle sur le programme Villes sans bidonvilles.
Dans son rapport, la Cour des comptes a recommandé l’instauration d’une plus grande rigueur dans la lutte contre la prolifération des bidonvilles, à travers le renforcement des mécanismes de contrôle et de dissuasion sur le plan juridique et technologique, ainsi que la mise en place d’une communication appropriée pour démocratiser l’offre des aides publiques contre l’habitat insalubre.
“Personne ne travaille sur ces rapports”
Lors de son allocution, l’ancien chef de gouvernement a par ailleurs déploré que les députés et membres du gouvernement ne se saisissent pas des problématiques abordées dans les rapports de la Cour des comptes, rappelant par la même occasion les efforts déployés dans la réalisation de ces audits.
“Je considère que ces rapports sont très importants et essentiels pour le Maroc et son économie”
“Nos juges sont affectés à des dossiers selon les demandes de la commission de contrôle des finances publiques. Je tiens à souligner que la plupart du temps, les informations ne sont pas disponibles au sein des administrations concernées. Nous leur envoyons plusieurs correspondances et fixons un délai de deux mois pour obtenir les données désirées. Bien évidemment, celles-ci ne nous répondent pas à temps et demandent une extension de délai, que nous leur accordons”, explique Driss Jettou. À chaque fois que la commission de contrôle des finances publiques donne une mission à la Cour des comptes, celle-ci dure entre huit et dix mois.
“La Cour produit entre 40 et 50 rapports annuellement. Je considère que ces rapports sont très importants et essentiels pour le Maroc et son économie. Personne ne travaille sur ces rapports et les problématiques qu’ils dévoilent, ni au Parlement ni au sein de votre honorable commission. Personne n’y prête attention”, s’est-il indigné face à la commission de contrôle des finances publiques.
Pour lui, l’instance de contrôle qu’il préside a pour vocation de donner “aux députés des outils afin d’accélérer leur travail”. Il a également indiqué souhaiter que le gouvernement s’attaque aux problématiques relevées dans les rapports avant d’appeler les députés de la commission, et le gouvernement à se joindre à la cour à penser collectivement à une manière d’augmenter l’efficacité du travail et la productivité.
Sauver des villes
Le programme “Villes sans bidonvilles” lancé en 2004 constitue, selon Driss Jettou, l’instrument le plus important mis en place par l’État ces dernières années pour mettre fin aux épicentres de bidonvilles répartis dans plusieurs villes et zones urbaines.
Ainsi, jusqu’à fin 2018, quelque 179 conventions de financement ont été conclues dans le cadre du programme, couvrant 85 villes et centres urbains et traitant 294.134 ménages. Ces conventions ont prévu un investissement prévisionnel de 28.200 MDH dont l’aide publique provenant du Fonds de solidarité habitat et intégration urbaine (FSHIU) est de 7.030 MDH. Le reste étant financé, essentiellement, par les plus-values des produits de la péréquation et les contributions des bénéficiaires.
Il est primordial de prévoir des activités génératrices de revenus et d’intégrer les services publics de base, à savoir l’éducation, la santé, le transport et la sécurité
Dans le cadre de ce programme, trois modes opératoires ont été retenus pour la résorption des bidonvilles, à savoir la restructuration, le relogement et le recasement. Le but était de garantir des conditions de logement digne aux citoyens ainsi que la sécurité et l’embellissement du paysage urbain qui comprend actuellement plus de 62 % des habitants du royaume.
Le rapport produit par l’instance de contrôle vise, selon son président, à contribuer à répondre aux questionnements de la commission de contrôle des finances publiques. “Nous espérons que ces remarques constitueront une plateforme d’enrichissement du débat entre le Parlement, le gouvernement, les collectivités territoriales et les autres parties concernées par les politiques publiques et le combat contre le logement insalubre”, a-t-il déclaré.
Afin d’assurer de meilleures conditions de réussite aux futurs programmes publics contre l’habitat insalubre, la Cour des comptes appelle l’État à adopter une démarche intégrée de développement humain allant au-delà de l’approche logement, pour inclure les dimensions économiques et sociales dans les sites des nouveaux logements. Ainsi, il est primordial de prévoir des activités génératrices de revenus et d’intégrer les services publics de base, à savoir l’éducation, la santé, le transport et la sécurité.
Le gouvernement est également invité à agir sur l’offre, en proposant des solutions plus variées en produits de logement et aides financières, pouvant répondre aux besoins des différents segments de ménages et tenant compte de leurs moyens financiers réels.
Renforcer le suivi
En outre, l’institution constitutionnelle a vivement recommandé de remédier à certaines lacunes dans la maîtrise des programmes publics relatifs à la lutte contre l’habitat insalubre, en mettant en place un nombre de bénéficiaires maîtrisés, avec des critères d’éligibilité standardisés et une base de données fiable.
L’instance recommande également un schéma de financement réaliste et respecté, un foncier assaini et optimisé, une programmation réaliste et un délai d’exécution respecté, ainsi qu’une meilleure coordination d’ensemble avec une responsabilisation claire de chacun des acteurs.
La Cour des comptes estime que le développement du phénomène des bidonvilles et de l’habitat insalubre en général a été accentué par l’exode rural. Il est aussi le résultat de l’absence d’une stratégie d’aménagement du territoire permettant une stabilité de la population, une juste répartition des activités sur le territoire national et une planification urbaine adéquate, tenant compte des différentes couches sociales.