Neuf jours après la mort à Minneapolis de George Floyd, un homme noir asphyxié par un policier blanc, la vague de contestation historique ne connaît pas de répit.
Des manifestants ont fait face à la police en particulier à New York ou Los Angeles jusque tard dans la nuit malgré les couvre-feux, avec moins de pillages et de violence signalés que les nuits précédentes.
Dans la journée, au moins 60.000 personnes ont rendu pacifiquement hommage au défunt à Houston, ville du Texas où il a grandi et où il doit être enterré la semaine prochaine. « Nous voulons qu’ils sachent que George n’est pas mort en vain », a lancé le maire, Sylvester Turner. A New York, où plusieurs grands magasins de la 5e Avenue ont été pillés lundi soir, le couvre-feu nocturne a été avancé à 20H00 et prolongé jusqu’à dimanche.
Des centaines de manifestants, noirs et blancs, ont néanmoins protesté pacifiquement en scandant « George Floyd, George Floyd » ou « Black Lives Matter! » (« la vie des Noirs compte »), cri de ralliement contre les violences policières visant les Afro-Américains. Pour Tazhiana Gordon, une infirmière noire de 29 ans, le couvre-feu « est un outil pour empêcher les gens de manifester plutôt que d’arrêter les gens qui commettent des crimes ».
La journée a été « bien plus calme » , a déclaré à CNN le maire Bill de Blasio, se félicitant d’une « forte présence » policière. A Los Angeles, le maire Eric Garcetti a posé avec des policiers un genou à terre, symbole depuis 2016 de la dénonciation des violences policières contre la minorité afro-américaine. En soirée, des manifestants se sont rassemblés devant sa résidence et quelque 200 personnes ont été arrêtées après avoir refusé de se disperser, a constaté l’AFP.
A Washington, plusieurs milliers de personnes, dont la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, ont manifesté jusque tard dans la soirée, bravant le couvre-feu décrété par la municipalité à partir de 19H00. Les abords de la Maison Blanche ont été bloqués par des barrières de métal, empêchant toute confrontation directe avec les forces de l’ordre.Peu après minuit, les télévisions ont montré la police tirant des gaz lacrymogènes mais la situation semblait globalement calme.
Devant la Maison Blanche, une manifestante âgée de 18 ans, Jada Wallace, confiait: « je suis fatiguée, fondamentalement, d’avoir peur de la police et de ne pas obtenir justice« .Washington, où plus de 300 manifestants ont été arrêtés lundi soir, « était l’endroit le plus sûr de la planète la nuit dernière« , a tweeté Donald Trump, assumant le positionnement de président de « la loi et de l’ordre« .
Le calme régnait à Minneapolis (Minnesota). « Je veux qu’on lui rende justice parce qu’il était bon, peu importe ce que les gens pensent, c’était quelqu’un de bien« , a lancé en pleurs Roxie Washington, mère de la fille de George Floyd.Le Minnesota a annoncé l’une des premières initiatives concrètes en réponse aux demandes des manifestants, avec l’ouverture d’une enquête sur la police de Minneapolis. L’enquête examinera de possibles « pratiques discriminatoires systémiques » durant les dix dernières années, a tweeté le gouverneur Tim Walz.
Depuis une semaine, les troubles se sont propagés dans plus d’une centaine de villes américaines, avec des milliers d’arrestations et plusieurs morts. Donald Trump a rendu hommage mardi soir à un ancien policier tué sur une scène de pillage à St-Louis (Missouri). Lundi soir, le président avait annoncé le déploiement de « milliers de soldats lourdement armés » et policiers à Washington pour mettre fin « aux émeutes » et « aux pillages« .
Juste avant son discours, les forces de l’ordre avaient dispersé à coups de gaz lacrymogènes de nombreux manifestants près de la Maison Blanche pour lui permettre ensuite de se rendre à pied devant une église emblématique dégradée la veille. Un geste dénoncé par des dirigeants protestants et catholiques comme un coup de communication « moralement répugnant ».
La maire de Washington Muriel Bowser a protesté contre l’envoi des militaires « dans les rues américaines contre les Américains« , comme de nombreux gouverneurs démocrates.La crise prend une tournure de plus en plus politique. Joe Biden, candidat démocrate à la présidentielle du 3 novembre, a accusé mardi Donald Trump d’avoir « transformé ce pays en un champ de bataille miné par de vieilles rancunes et de nouvelles peurs« .Il a promis de « guérir les blessures raciales qui meurtrissent notre pays depuis si longtemps« .
Face aux protestations, dans un pays où la pandémie de Covid-19 exacerbe les inégalités, Donald Trump est resté silencieux jusqu’ici sur les réponses aux maux dénoncés par les manifestants et n’a que très brièvement évoqué la « révolte » face aux conditions de la mort de George Floyd. Cet homme de 46 ans est décédé le 25 mai en répétant « I can’t breathe » (« Je ne peux pas respirer »), gisant par terre, menotté et avec le cou sous le genou d’un policier dont les collègues sont restés passifs. Les autopsies ont confirmé que la mort était due à la pression au niveau de son cou.