Mohamed Achaari : "Abderrahman Youssoufi est allé jusqu’au bout de ses engagements"

Mohamed Achaari, ancien ministre de la Culture, sous le gouvernement d'alternance et celui de Driss Jettou, revient sur les souvenirs marquants qu'il a partagés avec Abderrahaman Youssoufi, décédé ce 29 mai. Verbatims.

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Mohamed Achaari aux côtés d'Abderrahmane Youssoufi. Crédit photos : Rachid Tniouni/TelQuel

J’ai rencontré pour la première fois Abderrahman Youssoufi à son retour d’exil en 1980. Avec un groupe de journalistes et d’intellectuels, on s’est retrouvés chez Lahbib Cherkaoui (figure de l’USFP décédé en 2018) à Rabat pour lui souhaiter la bienvenue, je devais avoir la trentaine. Depuis ce jour, je suis resté à ses côtés. À l’époque j’ai œuvré au sein d’Al Ittihad Al Ichtiraki, j’ai milité au sein la société civile et dans le domaine culturel avec l’Union des Ecrivains du Maroc.

Il y a une autre rencontre qui m’a profondément marqué aussi, celle d’une soirée d’hommage à Abderrahim Bouabid (décédé en 1992). Ce jour-là, chacun de nous a tenté de formuler ses aspirations pour un avenir meilleur pour le Maroc à travers l’héritage de ce grand homme. Avec Abderrahman Youssoufi, on chérissait les mêmes idées liées à la démocratie, aux droits humains et à une presse libre, c’est pour cette raison que cette soirée m’est chère. Donc mes liens avec Youssoufi se sont consolidés.

Après, je suis devenu ministre au sein de son gouvernement. Mais ce qui est important pour moi, c’est qu’on a réussi à construire à un rapport qui va au-delà de la pratique politique et du militantisme. On avait une relation d’amitié. Il était bienveillant, et j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec lui.

Cet homme avait la passion de la patrie et la patience pour travailler humblement au service de cette patrie.  Durant nos multiples réunions, et malgré la pression, il a toujours gardé son sang froid. Il a toujours fait passer l’intérêt général avant toute chose.

Je me rappelle du jour où il a été démis de ses fonctions par Sa Majesté. Après le conseil des ministres, il devait prendre part au lancement de la première édition du festival de poésie à Casablanca. On a pris la route de Rabat à Casablanca ensemble, il était très imprégné par la décision de sa démission mais il a tenu à être présent au festival. Il a pris la parole et a déclamé un discours poignant (beaucoup n’étaient encore pas au courant de la nouvelle) devant des poètes venus d’un peu partout et je me souviens qu’Adonis était ému, il avait les larmes aux yeux. Un peu plus tard dans la soirée, on a fait une réunion du bureau politique pour discuter de la décision de démission. Abderrahman Youssoufi est allé jusqu’au bout de ses engagements. Et j’ai gardé un lien avec lui jusqu’à son dernier jour.