Ce qu’il faut savoir sur l’affaire Soulaimane Raissouni

Une publication Facebook relatant des faits datant de 2018 est à l’origine de l’interpellation du rédacteur en chef d’Akhbar Al Yaoum.

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Soulaimane Raissouni, rédacteur en chef du journal Akhbar Al Yaoum. Crédit: Facebook

Rédacteur en chef du quotidien Akhbar Al Yaoum, Soulaimane Raissouni a été interpellé le vendredi 22 mai 2020 à Casablanca, avant d’être présenté le dimanche suivant devant le procureur général de Casablanca. Celui-ci a déféré le journaliste de 48 ans ce lundi devant le juge d’instruction de la Cour d’appel de Casablanca, qui a ordonné “de placer Soulaimane Raissouni en détention préventive pour les besoins d’une enquête sur des faits présumés d’attentat à la pudeur avec violence et séquestration”, d’après une déclaration de son avocat Said Benhoummani accordée à l’AFP.

Le journaliste risque jusqu’à 10 ans de réclusion criminelle, selon les dispositions de l’article 485 du Code pénal. L’arrestation de Soulaimane Raissouni intervient suite à une publication mi-mai d’un activiste de la communauté LGBT, A. M., dans laquelle il accuse le rédacteur en chef d’Akhbar Al Yaoum de “lui avoir sauté dessus” et d’avoir “profité de sa faiblesse et de sa santé morale pour assouvir ses désirs sexuels”.

Cette agression présumée remonterait à la fin 2018 selon A. M., “lorsque l’épouse de Soulaimane Raissouni (lui) avait proposé de collaborer sur un film traitant de la communauté LGBT”, raconte-t-il dans sa publication. Sur sa page Facebook, A. M. a également publié une photo d’une convocation par la police judiciaire de Marrakech, datée du 20 mai 2020.

Nous exprimons notre entière solidarité avec le journaliste marocain Soulaimane Raissouni, rédacteur en chef du journal arabophone Akhbar el Yaoum, victime d’une campagne de diffamation relayée par les médias en ligne proches des services de renseignement”, a tweeté le directeur de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, le soir de l’arrestation de Soulaimane Raissouni.

D’autres personnalités de la société civile ont préféré afficher leur soutien aux victimes présumées d’agression sexuelle. “La culture du viol a de beaux jours devant elle. La solidarité envers l’accusé ou comment mettre en doute la parole du plaignant”, a commenté Ibtissame Betty Lachgar, cofondatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI).

Le président de l’Association marocaine des droits de l’Homme, Aziz Ghali, a fait le parallèle ce lundi 25 mai à l’antenne de France 24 entre l’arrestation de Soulaimane Raissouni et celle de Taoufik Bouachrine, fondateur et ex-directeur de publication d’Akhbar Al Yaoum, en février 2018. Celui-ci avait été condamné à 12 ans de prison en novembre 2018 pour “traite d’êtres humains”, “abus de pouvoir à des fins sexuelles” et “viol et tentative de viol” sur plusieurs de ses collaboratrices au journal, avant de voir sa peine alourdie en appel à 15 ans, en octobre 2019.

Les deux affaires se ressemblent, Soulaimane Raissouni a été lui aussi arrêté un vendredi soir après une large descente de police, 40 agents pour Bouachrine et 15 pour Raissouni. Les deux hommes n’avaient pas été préalablement convoqués, alors que Raissouni aurait répondu présent à une convocation du Ministère public”, a-t-il comparé, craignant “que l’affaire Raissouni ne prenne la même trajectoire de celle de Bouachrine”.

Un “comité de solidarité avec le journaliste Soulaimane Raissouni” a été formé ce mardi 26 mai. Son “secrétariat permanent” se compose de plusieurs figures de la société civile, dont la militante des droits de l’Homme Khadija Riyadi, l’historien Maâti Monjib, du cadre d’Al Adl Wal Ihsane Hassan Bennajeh, mais aussi de Hajar Raissouni, journaliste à Akhbar Al Yaoum et nièce de Soulaimane.

Celle-ci avait été condamnée en septembre dernier à un an de prison pour “avortement illégal” et “relations sexuelles hors mariage”, avant d’être graciée deux semaines plus tard par le roi Mohammed VI.