Passionné d’histoire et de sciences depuis son plus jeune âge, Kamal Oudrhiri arrive aux États-Unis à la fin des années 1980 pour ses études supérieures. En 1993, ce natif de Fès devient le premier Marocain à intégrer la NASA.
Le chercheur a joué un rôle clé dans de multiples missions, notamment celles liées aux engins d’exploration de Mars (“Curiosity”, “Rovers”, “Spirit” et “Opportunity”), en passant par les missions internationales “Cassini” pour la planète Saturne, “Grail” pour la lune et “Juno” pour Jupiter.
Après 20 ans de bons et loyaux services, l’Agence spatiale américaine lui avait octroyé en novembre dernier la prestigieuse médaille du service exceptionnel. Durant sa dernière mission, le scientifique a dirigé une équipe de chercheurs multidisciplinaires, dont trois lauréats du prix Nobel et deux astronautes.
Leadership et innovation
L’équipe de Kamal Oudrhiri ouvre à travers son travail la voie à des recherches scientifiques dans divers domaines importants en physique tels que la nature de la gravité quantique, la matière noire et l’énergie noire, les ondes gravitationnelles, ainsi qu’à des applications plus pratiques telles que la navigation des vaisseaux spatiaux et la prospection de minéraux souterrains sur d’autres planètes.
En reconnaissance du travail dirigé par le scientifique marocain, l’Institut américain d’aéronautique et d’astronautique (AIAA) remettra à l’équipe du Cold Atom Lab le prix 2020 des sciences spatiales lors d’une conférence en novembre prochain.
L’équipe a été reconnue pour le “leadership démontré dans les enquêtes scientifiques innovantes associées aux missions scientifiques spatiales”, et “pour le développement et la livraison du laboratoire hautement innovant d’atomes froids à l’ISS et pour les réalisations scientifiques pionnières”.
Au cœur du Cold Atom Lab
Ce travail pionnier a été rendu possible par le développement et la mise à niveau du laboratoire, permettant de créer l’environnement le plus froid de l’univers. “Avec cette mise à niveau, nous avons remplacé rien moins que le cœur du Cold Atom Lab”, a déclaré Kamal Oudrhiri.
Installé depuis 2018 dans la station spatiale internationale, le Cold Atom lab a été retravaillé pour être encore plus performant, par l’installation d’un nouvel interféromètre atomique puissant.
Livré à la station spatiale en décembre et installé par des astronautes en janvier, cet interféromètre, le tout premier dans l’espace, a permis à l’équipe de réussir à faire apparaître un atome à deux endroits en même temps puis à le recombiner pour n’apparaître que dans un seul endroit.
Mission complexe
“Il s’agissait d’une entreprise extrêmement difficile qui nécessitait une équipe dédiée sur le terrain et deux astronautes engagés”, a déclaré Kamal Oudrhiri, chef de projet CAL, qui a salué le travail des astronautes Christina Koch et Jessica Meir.
Faire redescendre l’installation de la station spatiale est une étape à la fois longue et coûteuse. L’équipe en charge de la mission a donc guidé les astronautes en direct du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA en Californie du Sud. Pendant huit jours les astronautes ont reçu des conseils via une vidéoconférence en direct avec les ingénieurs du JPL.
“Si cette installation ne s’était pas bien déroulée, il n’y aurait pas eu de seconde chance. Nous aurions dû ramener l’ensemble de l’instrument de vol sur Terre, ce qui aurait pu nous faire reculer d’au moins deux ans.”, a indiqué le scientifique marocain.
Exploit scientifique
Le nouvel interféromètre atomique puissant, le tout premier dans l’espace, est conçu pour étendre considérablement les capacités de Cold Atom Lab. L’équipe a réussi à faire apparaître un atome à deux endroits en même temps, puis ils l’ont recombiné pour qu’il n’apparaisse qu’en un seul endroit.
Fait inédit, cet exploit a été réalisé en plein confinement à cause de la pandémie de coronavirus, alors que la plupart des membres de l’équipe scientifique travaillaient à domicile et que toutes les communications se faisaient virtuellement.
Selon la NASA, l’interférométrie atomique pourrait être utilisée pour mesurer les changements de gravité à travers la surface d’une planète pour en savoir plus sur sa composition et ses caractéristiques souterraines.
L’outil pourrait également être utilisé pour tester la théorie fondamentale de la gravité d’Albert Einstein à un degré sans précédent. L’équipe du Cold Atom Lab dirigée par le scientifique marocain a récemment confirmé que l’interféromètre atomique fonctionnait comme prévu, ce qui en fait le premier instrument du genre à opérer dans l’espace.
(avec MAP- K.Y)