59 % des ménages enregistrés n’ont pas encore bénéficié du programme d’aide (HCP)

Les résultats de l’enquête du HCP sur l’impact économique, social et psychologique du confinement sanitaire révèlent l’incidence des inégalités de classe lorsqu’il s’agit de s’adapter face à la pandémie de coronavirus.

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Salé, début mai 2020. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Le Haut commissariat au plan a publié, ce mercredi 20 mai, les principaux résultats de son Enquête sur l’impact du coronavirus sur la situation économique, sociale et psychologique des ménages. L’étude, réalisée du 14 au 23 avril 2020, a ciblé — par voie téléphonique, confinement sanitaire oblige — un échantillon de 2350 ménages représentatif des différentes couches socio-économiques de la population marocaine selon le milieu de résidence, urbain et rural.

Il en ressort que 34 % des ménages se sont retrouvés sans source de revenus en raison de l’arrêt de leur activité, et qu’un ménage sur deux a été impacté par l’anxiété résultant du confinement sanitaire.

Un confinement largement respecté

D’après l’étude du HCP, 34 % des ménages marocains se sont confinés avant même l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire le 20 mars dernier. 54 % des ménages interrogés ont commencé le confinement dès l’adoption de l’état d’urgence sanitaire, et 11 % depuis la promulgation du décret-loi relatif à la déclaration de l’état d’urgence, le 24 mars.

Pour 86 % des ménages, la rigueur dans l’application du confinement est la principale mesure nécessaire pour freiner la propagation du virus

Selon les auteurs de l’enquête, près de huit ménages sur dix (79 %) ont respecté entièrement les règles du confinement, les principales raisons des sorties étant l’approvisionnement domestique (pour 94 % des ménages), le travail (30 %), les affaires administratives (10 %) et les soins médicaux (7 % seulement).

Se laver les mains régulièrement avec du savon (96,5 %) et le port du masque (65,4 %) restent les mesures de protection les plus adoptées par les Marocains, alors que seule une personne interrogée sur trois a déclaré avoir évité les points de vente (souk, marché) comme pratiques prophylactiques pour se protéger contre le Covid-19.

Pour 86 % des ménages, la rigueur dans l’application du confinement est la principale mesure nécessaire pour freiner la propagation du virus. Le dépistage massif et l’infrastructure hospitalière adaptée ne le sont que pour respectivement 23,1 % et 22,3 % des ménages interrogés.

Pas de produits désinfectants pour un ménage sur deux

L’enquête du HCP s’est également intéressée à l’état de l’approvisionnement des ménages en produits de consommation et d’hygiène. Il en ressort que pour 24 % des ménages, les prix des produits alimentaires de base ont augmenté au cours du confinement, alors que pour les trois quarts ces prix n’ont connu aucun changement aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural, et quel que soit le niveau de vie des ménages.

L’inégalité économique et géographique est particulièrement marquée lorsqu’il s’agit des masques et des produits désinfectants

L’inégalité économique et géographique est particulièrement marquée lorsqu’il s’agit des masques et des produits désinfectants. Ainsi, 58 % des ménages aisés disposent de bavettes et de masques en quantités suffisantes, contre moins d’un ménage pauvre sur trois, alors que 70 % des ménages ruraux ne disposent pas de produits désinfectants.

Un ménage sur trois s’est retrouvé sans source de revenus

Interrogés sur l’impact du confinement sanitaire sur leur situation économique, 49 % des ménages ont affirmé qu’au moins un de leurs membres actifs occupés a été contraint d’arrêter son activité, et 40 % d’entre eux ont reçu une aide de l’État ou de la part de l’employeur.

La part des ménages n’ayant plus accès à une source de revenus varie fortement en fonction de la classe sociale, de seulement 10,2 % pour la classe aisée à 44,3 % pour la souche pauvre et 26,2 % pour la classe moyenne. Pour subvenir à leurs besoins, 22,1 % des ménages puisent dans leur épargne, 13,8 % s’endettent et 8,3 % dépendent des aides de l’État ou de la solidarité sociale.

Un ménage sur cinq (19 %) a reçu une aide de l’État pour compenser la perte d’emploi : 13 % dans le cadre du programme RAMED et 6 % dans le cadre du programme d’aide aux salariés formels (CNSS). Cependant, près de trois ménages sur quatre (72 %) bénéficiaires de l’aide de l’État estiment que ces aides ne sont pas suffisantes pour compenser la perte des revenus.

Plus de la moitié (60 %) des ménages ayant un membre qui a perdu son emploi ont des difficultés d’accès aux aides publiques. Les raisons ? 59 % sont enregistrés, mais n’ont pas encore bénéficié du programme Tadamon Covid. Pour le reste, 11 % ne sont pas déclarés à la CNSS et 9,4 % ne sont pas adhérents au RAMED.

Les cours à distance, une difficulté supplémentaire

Le confinement sanitaire ayant causé la suspension des cours en présentiel pour les enfants scolarisés, les élèves se sont retrouvés contraints de s’adapter à l’enseignement à distance. Une nouvelle fois, les inégalités économiques et géographiques sont fortement présentes.

Dans le monde rural, près du tiers (29 %) des enfants scolarisés ne suivent pas du tout les cours à distance

De ce fait, ce sont les élèves du privé qui suivent régulièrement les cours à distance (81 % pour le primaire et 84 % pour le collège), alors que ce pourcentage dégringole à 42 % des élèves du primaire et 48 % des collégiens inscrits en système public. Dans le monde rural, près du tiers (29 %) des enfants scolarisés ne suivent pas du tout les cours à distance.

Pour 51 % des ménages ayant des élèves du primaire, la difficulté de s’adapter à l’enseignement à distance est due au manque d’outils ou de supports nécessaires (chaîne TV, PC, Smartphone, imprimantes, connexion Internet…). Sept ménages sur dix sont moyennement ou pas du tout satisfaits du canal utilisé par ses élèves (primaire, collège et seconde inclus). Pour les parents, les principales raisons de leur insatisfaction restent le manque d’interactivité avec le corps enseignant, le manque ou l’insuffisance des moyens TIC appropriés (matériel, connexion…) et le manque de suivi et d’évaluation.

Maladies chroniques confinées

Les auteurs de l’enquête du HCP soulignent que “le confinement sanitaire entrave l’accès aux soins de santé, particulièrement pour les personnes soufrant de maladies chroniques”. Ainsi, parmi les 5 % des ménages comptant des femmes éligibles aux services de consultations prénatales et postnatales, 30 % ont dû y renoncer pendant le confinement sanitaire, et 36 % des ménages ayant des enfants à vacciner ont dû renoncer aux services de vaccination.

Les raisons sont essentiellement la peur d’une contamination (à raison de 39,5 % pour les malades chroniques et 61,4 % pour les ménages ayant des enfants à vacciner), les difficultés d’accès aux équipements médicaux et hôpitaux ou tout simplement la cherté du service (pour 16,5 % des malades chroniques).

Anxiété et enfermement

Pour 49 % des ménages, l’anxiété est le principal impact psychologique du confinement”, indique l’étude. La part est plus élevée chez les ménages résidant dans les bidonvilles (54 %) que parmi ceux de l’habitation moderne (41 %). Vient ensuite la peur, qui est ressentie par 43 % des ménages pauvres, contre 33 % des ménages aisés. 30 % des ménages expriment un sentiment de claustrophobie (32 % en milieu urbain et 24 % en milieu rural), alors que 24 % des interrogés ont affirmé souffrir de troubles de sommeil, ce pourcentage étant deux fois plus élevé chez les citadins (28 %) que les ruraux (14 %).

“Pour supporter le climat du confinement, plus de 66 % des ménages suivent des séries ou des films, lisent ou font d’autres activités intellectuelles ou de loisirs”

Pour supporter le climat du confinement, plus de 66 % des ménages suivent des séries ou des films, lisent ou font d’autres activités intellectuelles ou de loisirs, 51 % passent plus de temps avec la famille, 37 % ont recours à la religion, 35 % maintiennent des contacts avec les amis/proches via les moyens de communication, 12 % font du sport/mouvements physiques à domicile et 9 % multiplient les sorties autorisées”, recense l’étude.

La principale raison de l’inquiétude des Marocains reste le risque de contamination (47,9 %), suivi de la perte d’emploi (20,7 %), l’idée de ne pas pouvoir nourrir sa famille (9,6 %) et le décès à cause du virus (9,4 %).