MHE : “Nous avons constitué un stock de 50 millions de masques pour le déconfinement”

Intervenant ce 11 mai au Parlement pour la séance des questions orales, Moulay Hafid Elalamy a fait le point sur la production nationale d’équipements médicaux et sur leur exportation. Le ministre de l’Industrie a également abordé les opportunités de la crise du Covid-19 pour l’économie marocaine. Morceaux choisis.

Par

Moulay Hafid Elalamy au Parlement, le 11 mai 2020.

“Nous avions peur d’avoir des problèmes au niveau de l’approvisionnement, mais heureusement, nous n’en avons pas eu, même pas pendant le ramadan.”

“Même sur le plan de la prévention, nous avons dépassé la plupart des problèmes auxquels nous faisions face pour les gels hydroalcooliques et les masques. Cette pandémie ne nous a pas informés six mois à l’avance de son arrivée pour que l’on puisse s’y préparer. Dieu merci, nous avons tout de même réussi le pari d’y faire face.”

“Tous les ministères ont travaillé dans leurs secteurs respectifs pour que l’on puisse atteindre les objectifs d’aujourd’hui. Ce qui est d’autant plus important, c’est l’engagement du peuple marocain au respect de la quarantaine. Le peuple a méticuleusement suivi les consignes. Cela a donné de bons résultats.”

Les cinq stations de MHE

“En ce qui concerne le ministère de l’Industrie et du Commerce, nous avons créé cinq stations au sein de notre administration, et ce dès le début de l’épidémie. Nous avons mis en place une “War Room” (chambre de guerre, ndlr), pour le suivi de toutes les problématiques qui relèvent du ministère, la première étant l’approvisionnement.”

“L’approvisionnement en produits alimentaires est une des problématiques à laquelle nous avons porté une attention particulière. Dans plusieurs pays, les gens se rendent aux supermarchés, mais ne trouvent pas de produits alimentaires. Hamdoulilah, nous n’avons pas eu ce problème au Maroc.”

“La deuxième station est composée des centres régionaux du ministère de l’Industrie. Ces points de relais nous fournissent quotidiennement en données relatives aux prix des produits alimentaires et à l’approvisionnement. En cas de manque de certains produits sur le marché, nous faisons notre maximum pour les faire parvenir aux citoyens dans les plus brefs délais.”

“La troisième station est la protection du consommateur. Comme vous le savez, nous avons effectué un travail de suivi de la qualité de certains produits. Dans ce genre de période, il y a des problèmes au niveau des prix, mais heureusement, nous n’avons pas rencontré des problèmes que nous n’avons pu dépasser.”

“La quatrième station porte sur le suivi de l’économie, en particulier les secteurs de l’industrie et du commerce. À présent, nous savons exactement quelles sont les usines en activité et celles qui ne le sont pas, le nombre d’employés en activité, les usines qui font de l’export et celles qui n’en font pas. C’est un suivi nouveau que nous ne faisions pas auparavant. Ces informations sont importantes, car elles nous permettent de trouver des solutions avec chaque entreprise.”

“La cinquième et dernière station consiste à évaluer l’ensemble de ces données en vue de prendre des décisions chaque jour.”

L’éthanol

“Au Maroc, il n’y avait qu’une seule usine qui fabriquait de l’éthanol, mais elle avait malheureusement connu un incendie. Pendant une semaine, et c’est une durée record dont nous devons être fiers, nous avons travaillé, avec le ministère de l’Intérieur et le staff du ministère de l’Industrie, pour la réhabilitation de cette usine. Actuellement, elle produit 240 hectolitres d’éthanol, soit 24.000 litres de cet alcool qui nous ont garanti l’autosuffisance. Nous n’avons pas besoin de l’importer. L’éthanol fait partie des produits qu’il n’est d’ailleurs pas possible de trouver sur le marché international et qu’il est très compliqué d’acheter en ces circonstances.”

Les masques

“Au début, il était très compliqué de produire les masques en nombre suffisant et de les distribuer sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, Hamdoulilah, nous avons dépassé ces problèmes.”

“Il existe deux types de masques : des masques non tissés subventionnés qui coûtent 80 centimes et des masques en tissu. Vingt-trois usines travaillent actuellement dans ce secteur, et notre production nationale a dépassé les 23 millions de masques par jour. Le marché ne peut pas absorber 23 millions de masques chaque jour. Aujourd’hui, les Marocains trouvent des masques dans les pharmacies facilement, alors qu’au début ce n’était pas le cas.”

“Le pays est toujours en quarantaine, nous devons nous préparer pour ce qui va venir après. Nous avons constitué un stock stratégique de 50 millions de masques pour le déconfinement. Nous avons décidé hier de commencer l’exportation de ces masques, car plusieurs pays dont la France cherchent à importer des masques répondant aux critères avec lesquels nous les produisons. Chaque pays a défini les critères des masques.”

“Comme le stipulent les consignes de Sa Majesté, les Marocains passent avant tout”

“La décision d’exporter les masques vise à assurer la continuité de l’activité de ces entreprises avec le même rythme. Il est clair que si nous venons à manquer de masques, nous allons cesser l’exportation. Comme le stipulent les consignes de Sa Majesté, les Marocains passent avant tout.”

“Notre production de masques en tissu a dépassé la barre des 2 millions de masques quotidiennement. Nous ne pouvons pas encore ouvrir la voie de l’exportation à ce produit, car nous en avons encore besoin. Nous sommes encore en train de constituer notre stock de sécurité. J’entends les demandes des patrons de ces entreprises qui souhaitent exporter, je profite de l’occasion pour leur répondre : hors de question tant que les Marocains n’ont en pas en quantité suffisante. Je le répète, c’est hors de question.”

“Nous avons mis en place des facilités pour ces entreprises, en leur permettant d’exporter 50 % de leur production à l’étranger et de conserver l’autre moitié pour le marché marocain. Si la situation le nécessite, nous fermerons la voie de l’exportation à ces usines.”

“Je suis surpris par moment par des entreprises qui se demandent pourquoi nous avons fermé la voie à l’exportation. Ces entreprises font des sorties dans la presse afin de nous mettre sous pression, il n’y a aucune pression qui va marcher dans cette situation. Les Marocains avant tout.”

Les équipements médicaux

“Une production locale d’équipements médicaux a également émergé. Je parle notamment des blouses, des sur-blouses, des charlottes, des sur-chaussures et même des visières. Nous en exportons également.”

“Lorsque nous arrivons à satisfaire la demande dans les hôpitaux, lorsque le personnel soignant n’a aucun souci à s’équiper, nous ouvrons la voie de l’exportation”

“Lorsque nous arrivons à satisfaire la demande dans les hôpitaux, lorsque le personnel soignant n’a aucun souci à s’équiper, nous ouvrons la voie de l’exportation. Nous n’avons aucune raison de garder un produit juste pour la forme. Nous conservons des produits au Maroc, lorsque les Marocains ont en besoin.”

“Nous avons conçu des respirateurs au premier niveau. La méthode de conception de ces machines était disponible en open source sur Internet. Les médecins nous ont demandé de passer à un deuxième niveau sur le plan technique. Heureusement, le Maroc n’a pas besoin actuellement de ces respirateurs, nous avons donc profité de cette période pour travailler en collaboration avec les ingénieurs et les médecins pour les développer.”

“Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de pays qui ont travaillé aussi dur pour préparer un respirateur de ce niveau en si peu de temps”

“Les premiers prototypes étaient satisfaisants selon les médecins, mais ils ont demandé à ce qu’ils soient améliorés tant que nous disposons de temps pour le faire. Pour la conception du deuxième prototype, nous avons mis en place une commission de médecins présidée par un expert dans le domaine, sélectionné par le ministre de la Santé, en plus de réanimateurs de plusieurs CHU du Maroc. Demain, la dernière version du respirateur sera soumise à un examen minutieux. C’est un respirateur de haut niveau, utilisé pour la réanimation et qui comporte la fonctionnalité d’intubation.”

“Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de pays qui ont travaillé aussi dur pour préparer un respirateur de ce niveau en si peu de temps. C’est grâce aux ingénieurs et aux médecins de notre pays.”

L’entreprise nationale

“MarocPME a suivi une édition spéciale du programme IMTYAZ. Trente-quatre projets de ce programme ont été couronnés de succès. Les projets menés par des moyennes entreprises bénéficient d’un financement à hauteur de 10 millions de dirhams, tandis que les très petites entreprises ont droit à un soutien financier qui peut atteindre 1,5 million de dirhams. Nous pouvons être fiers de l’émergence de ces projets créatifs.”

“La santé des citoyens prévaut sur l’économie et sur tout. Nous n’allons pas ouvrir des usines si cela met en danger les citoyens”

“Pour la prévention contre la propagation du virus sur les lieux de travail, nous avons mis en place une commission commune aux ministères de la Santé, de l’Intérieur, de l’Industrie et du Commerce, en vue de soumettre les usines à des contrôles rigoureux. Je le répète encore une fois, la santé des citoyens prévaut sur l’économie et sur tout. Nous n’allons pas ouvrir des usines si cela met en danger les citoyens.”

“Nous prenons en charge la propreté des usines, nous nous assurons que les masques et les gels sont disponibles. Nous demandons aux employeurs de contrôler la température des employés. Et nous demandons que toutes les fonctions que l’on peut exercer en télétravail le soient.”

“Jusqu’à maintenant, nous avons soumis 1590 entreprises à ces tests. Certaines d’entre elles n’ont aucun problème avec les critères fixés par le ministère de la Santé. D’autres nécessitent un ajustement, la commission leur donne alors une journée pour s’y conformer avant de faire une seconde visite. D’autres entreprises ne répondent pas du tout aux normes et nous les fermons.”

“La couverture en 2G au Maroc a atteint 99,7 %, la 3G et la 4G ont atteint 99 %. Cela pourra continuer, Inchallah.”

L’après-coronavirus

“Plusieurs experts internationaux s’accordent à dire que les problèmes auxquels nous ferons face au lendemain de la pandémie seront énormes. Cela n’a rien à voir avec ce que nous avons connu en 2008 ou auparavant. Ils disent que plusieurs secteurs connaîtront une régression jusqu’en 2023. Cette période sera donc dure à vivre sur le plan mondial.”

“Je considère que nous avons des opportunités que nous pouvons étudier et sur lesquelles nous pouvons travailler”

“Il semble également que plusieurs pays sont en train de revoir leurs alliances sur le plan international avec la Chine ou d’autres États. Ces pays doivent importer des produits pour la prévention, mais ils sont dans l’incapacité de le faire. Par conséquent, l’ordre mondial va connaître plusieurs changements.”

“L’économie au Maroc est également à l’arrêt, certains secteurs connaissent un arrêt de l’activité de 95 %, d’autres de 87 ou 85 %. Ce n’est pas évident.”

“En sortant de cette crise, nos clients sur le marché mondial seront dans une situation difficile et nous allons tous vivre une période compliquée.”

“Actuellement, nous travaillons pour que le tissu économique au Maroc résiste un minimum à ce choc. L’entreprise automobile est la première à avoir repris son activité. L’usine de Renault est actuellement en activité. Somaca a repris il y a une semaine et PSA a repris mercredi dernier.”

“Le secteur automobile connaît des difficultés sur le plan mondial. Au Maroc, c’est le premier à avoir repris son activité. Personnellement, je considère que nous avons des opportunités que nous pouvons étudier et sur lesquelles nous pouvons travailler.”

“Nous devons prier pour une reprise de la demande. Même si nous avons ces produits, si la demande n’est pas là, nous n’avons strictement rien à en faire. Cela est valable pour la consommation interne et internationale.”

“Certains disent que l’économie marocaine ne doit pas être dépendante de l’économie mondiale. C’est impossible ! Si nous voulons avoir une production locale, il est impossible que l’on consomme tout ce qu’on produit. En effet, nous devons être capables d’en exporter une partie importante. Nous exportons 90 % de la production de l’industrie automobile. Devons-nous arrêter ce secteur ? Bien sûr que non ! Au contraire, nous devons attirer d’autres entreprises leaders dans d’autres secteurs.”

“Pourquoi faut-il qu’un étranger nous dise que nous sommes à niveau pour qu’on y croie ?”

“Nous devons également démontrer sur le plan mondial que nous sommes capables de produire bien plus que des masques. Au Maroc, nous produisons des moteurs d’avions. Nous sommes capables de produire 42 % des pièces d’un avion. Nous devons juste être convaincus de nos capacités.”

“Auparavant, j’étais dans un bras de fer constant avec les entrepreneurs qui me répétaient qu’il n’y avait rien à faire au Maroc. Il était également très dur de convaincre les gens de consommer marocain. Les gens pensent que les produits qui viennent de l’étranger sont automatiquement de meilleure qualité. Nos masques ont été inspectés par un département spécial au sein de l’armée française qui a décidé qu’ils étaient conformes aux normes. Pourquoi faut-il qu’un étranger nous dise que nous sommes à niveau pour qu’on y croie ? N’est-il pas possible qu’on change notre logiciel de fonctionnement interne pour réaliser le talent et la rigueur de nos jeunes ?”