Pour Reporters sans frontières, les journalistes marocains sont “sous pression judiciaire”

L’édition 2020 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) observe que la pandémie de Covid-19 amplifie les crises multiples qui menacent le journalisme.

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La presse papier vit une époque difficile, où les médias en ligne monopolisent le lectorat. Crédit: Rachid Tniouni/TelQuel

L’édition 2020 du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) considère que la pandémie de Covid-19 met en lumière et amplifie les crises multiples qui menacent le journalisme. Pour l’organisation non gouvernementale internationale spécialisée dans la défense de la liberté de la presse et la protection des sources des journalistes, les dix prochaines années seront sans doute “une décennie décisive” pour la liberté de la presse.

Ainsi, RSF explique que plusieurs types de crises auront un impact durable sur le journalisme, notamment les “crises géopolitique (agressivité des modèles autoritaires), technologique (absence de garanties démocratiques), démocratique (polarisation, politiques de répression), de confiance (suspicion, voire haine envers les médias d’information) et économiques (appauvrissement du journalisme de qualité)”, en plus de la crise sanitaire liée au nouveau coronavirus.

Journalistes sous pression

Pour RSF, la région Moyen-Orient et Afrique du Nord reste celle où il est le plus dangereux pour les journalistes d’exercer leur profession. La récente incarcération du correspondant de RSF en Algérie (146e, – 5) est selon l’ONG un indicateur de “comment les autorités de certains pays profitent de l’épidémie de Covid-19 pour régler leurs comptes avec le journalisme indépendant”.

D’ailleurs, RSF considère qu’au Maroc, les journalistes sont “sous pression judiciaire”, le royaume occupe ainsi le 133e rang  au classement mondial de la liberté de la presse 2020 en évolution de deux places par rapport à 2019 (135), sur un total de 180 pays.

Outre les procès qui se poursuivent depuis des années contre plusieurs acteurs des médias, de nouvelles actions en justice ont été intentées contre les journalistes et de lourdes condamnations ont été prononcées. Aussi, plusieurs journalistes et citoyens-journalistes restent-ils incarcérés”, déplore l’ONG. Et d’ajouter : “La suppression du ministère de la Communication et l’installation du conseil de presse n’ont pas contribué à créer un environnement de travail apaisé pour les journalistes et les médias.”

Stratégie du choc

La crise sanitaire est l’occasion pour des gouvernements autoritaires de mettre en œuvre la fameuse ‘doctrine du choc’ : profiter de la neutralisation de la vie politique, de la sidération du public et de l’affaiblissement de la mobilisation pour imposer des mesures impossibles à adopter en temps normal”, dénonce Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.

“Les autorités de certains pays profitent de l’épidémie de Covid-19 pour régler leurs comptes avec le journalisme indépendant”

RSF

La répression de la liberté de la presse en ces temps de pandémie a eu un impact sur le classement RSF. La Chine (177e) et l’Iran (173e, – 3), foyers de l’épidémie, ont mis en place des dispositifs de censure massifs. En Irak (162e, – 6), l’agence de presse Reuters a vu sa licence suspendue pour trois mois, quelques heures après avoir publié une dépêche remettant en cause les chiffres officiels des cas de coronavirus.

En Hongrie (89e, – 2), le Premier ministre Viktor Orbán a fait voter une loi dite “coronavirus” qui prévoit des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour la diffusion de fausses informations, “un moyen de coercition totalement démesuré”, selon RSF.

Tendances régionales

Selon le classement présenté par RSF, l’Europe reste le continent le plus favorable à la liberté de la presse, en dépit des politiques répressives de certains pays de l’Union européenne et des Balkans.

La région Moyen-Orient et Afrique du Nord reste celle où il est le plus dangereux d’exercer leur profession

L’Afrique, qui arrive troisième, enregistre également des reculs importants, dus notamment à une recrudescence des détentions arbitraires de longue durée et des attaques en ligne.

La zone Asie-Pacifique a connu cette année la plus forte dégradation de son score régional (+ 1,7 %). L’Australie, considérée jadis comme “modèle régional”, est accablée aujourd’hui par “ses menaces contre le secret des sources et le journalisme d’investigation”.

Hong Kong (80e), a également perdu 7 places en raison du traitement des journalistes lors des manifestations pro-démocratiques.