En ces temps de crise sanitaire liée au coronavirus qui secoue depuis des mois le monde entier, avec des répercussions qui ont chamboulé le quotidien de centaines de millions de personnes, les familles musulmanes de France, en plus de devoir supporter l’impossibilité de rapatrier leurs proches décédés, les frontières étant fermées, doivent aussi faire face au manque de places dans les carrés qui leur sont réservés dans les cimetières de l’Hexagone.
Une situation qui rajoute au chagrin de ces familles dont une grande majorité est originaire des pays du Maghreb, rendant leur deuil encore plus douloureux. Nombre de Marocains résidant en France ont dû vivre l’expérience éprouvante de perdre un proche dans cette conjoncture difficile liée à la pandémie qui à coûté la vie à près de 20.000 personnes depuis le 1er mars, selon le dernier bilan des autorités sanitaires françaises.
L’impossible deuil
Chaque deuil est bouleversé par les restrictions de déplacement et de rassemblement imposées par les autorités, en vue de limiter la progression de l’épidémie. Un chagrin auquel s’ajoute la difficulté de ne pas pouvoir exaucer les dernières volontés des défunts d’être inhumés dans leur pays d’origine, ou l’impossibilité de trouver une place dans les carrés réservés aux musulmans dans les cimetières communaux.
“Aujourd’hui, nous nous trouvons face à une crise grave qui appelle une intervention urgente des pouvoirs publics”
En effet, compte tenu de la hausse globale des décès à cause du coronavirus, trouver une place dans un carré musulman relève du parcours du combattant. Une double peine pour les familles éplorées, jamais confrontées à ce genre de situation. Leur cri de détresse a trouvé écho auprès de nombreuses instances, notamment l’ambassade du royaume à Paris qui a annoncé début avril un accompagnement et une assistance sous forme de “soutien financier aux plus démunis” pour leur assurer des conditions d’inhumation dignes, dans les carrés musulmans réservés par les autorités françaises.
Le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger a, de son côté, décidé de prendre en charge les frais d’inhumation des dépouilles des défunts marocains en situation précaire et ne possédant pas d’assurance, ainsi que leur enterrement dans les carrés musulmans des cimetières des pays de résidence. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a été le premier à alerter sur cette situation inédite, appelant les autorités françaises à élargir les espaces d’inhumation des musulmans.
Places très limitées
Selon son président Mohammed Moussaoui, le nombre de victimes de la pandémie de coronavirus ne cesse d’augmenter, laissant de nombreuses familles face à la douleur du deuil et à l’éventualité de ne pas pouvoir inhumer leurs défunts dans le respect de leurs rites. “Aujourd’hui, nous nous trouvons face à une crise grave qui appelle une intervention urgente des pouvoirs publics”, a-t-il affirmé, demandant “solennellement” au président Emmanuel Macron la création de nouveaux espaces d’inhumation et alertant le Premier ministre, son ministre de l’Intérieur et le président du Sénat sur “l’aggravation de la situation”.
Les carrés musulmans au sein des cimetières communaux sont “trop peu nombreux” pour accueillir le nombre important de personnes décédées
Le CFCM n’est pas le seul à s’alarmer face à cette situation tragique pour de nombreuses familles endeuillées. Vendredi 17 avril, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde, un collectif d’élus représentant différents partis politiques français a exprimé ses inquiétudes face au manque d’espace pour l’inhumation des musulmans décédés pendant la crise liée au coronavirus. Les carrés musulmans au sein des cimetières communaux — autour de 400, répartis dans 35.000 communes — sont “trop peu nombreux” pour accueillir le nombre important de personnes décédées pendant cette crise, a alerté le collectif d’élus.
La soixantaine d’élus de confession musulmane — originaires notamment des pays du Maghreb — qui le composent ont souligné la nécessité de rendre disponibles des espaces d’inhumation afin de permettre d’éviter “la double peine aux familles qui viennent de perdre un être cher et qui risquent d’être privées d’une sépulture digne des dernières volontés du défunt”.
(MAP)