L’épidémie tue deux fois : elle dérobe les gens de leurs proches et les prive d’un dernier adieu. Conformément aux mesures préventives établies par les autorités pour empêcher la propagation de l’épidémie, les rites funéraires ne se déroulent plus comme à l’accoutumée. Le corps du défunt est accompagné au cimetière par un comité très restreint et la prière funéraire n’est menée que par un nombre très limité de personnes.
Sa famille endure cette grande affliction sans recevoir ni condoléances pour atténuer la peine de sa perte, ni réconfort pour soulager la douleur de la séparation. C’est comme si le chagrin du départ à lui seul n’assouvit pas la rage de l’épidémie qui en plus, les prive de toucher leurs proches avant qu’ils ne rejoignent leur dernière demeure.
Au cimetière, quelques visages dissimulés derrière des masques les protégeant contre un virus dont les laboratoires n’ont toujours pas percé le mystère, et se rassemblent pour placer leur précieux regretté dans un cercueil, que les contraintes de quarantaine accompagnent jusqu’à sa mise en terre, puisque celui-ci demeure une source potentielle d’infection et un danger même pour les proches et les amis. La mort de nos jours est donc sans consolation.
Le ministère de la Santé a pris un ensemble de mesures pour gérer les décès possibles ou confirmés des suites du Covid-19, dont la principale est la désignation d’équipes chargées de la gestion du décès, de la manipulation de la dépouille et de la communication avec la famille et l’entourage, à ces équipes le ministère a fourni le matériel nécessaire à la gestion des décès à l’hôpital, aussi bien les équipements individuels que les draps et housses mortuaires, cercueils et solutions désinfectantes virucides.
Ainsi, une équipe de gestion locale, composée de professionnels de la délégation du ministère de la Santé et du personnel du bureau communal d’hygiène (BCH), se charge du lavage du mort, du transport de son corps et de son enterrement. Elle supervise ainsi les rituels de lavage du corps à la morgue de l’hôpital ou dans la morgue municipale en prenant toutes les précautions nécessaires et en respectant toutes les mesures d’hygiène et d’isolement du corps lors du transport.
L’équipe doit, en outre, s’assurer de la désinfection du chariot brancard et faire en sorte qu’un enterrement, rapide et sécurisé, de la dépouille soit effectué avec la profondeur habituelle, dans un endroit sécurisé du cimetière. « Le processus de gestion de la dépouille à l’intérieur du domicile ou par l’unité de prise en charge, relève de la responsabilité de professionnels désignés et qualifiés qui sont amenés à isoler le corps et mettre immédiatement en quarantaine les membres de la famille du disparu jusqu’à ce que l’évaluation médicale soit effectuée« , souligne le ministère de la Santé.
Une procédure exceptionnelle
Par la suite, la maison du défunt doit être désinfectée par l’équipe du BCH et ses affaires doivent être soit désinfectées soit brûlées. Les membres de la famille sont tenus, quant à eux, de ne pas manipuler, embrasser ou toucher la dépouille, note le ministère.
A cet égard, le maire de la ville de Rabat, Mohamed Sadiki, a confirmé à la MAP que, « contrairement aux rites funéraires en temps normal, le processus d’enterrement d’un mort contaminé par le Covid-19 est soumis à une procédure exceptionnelle organisée par les patrouilles du ministère de la Santé selon des procédures strictes, y compris la nécessité du suivi des cadres médicaux du BCH » et ce, « afin de respecter le protocole de protection des professionnels, des familles des personnes décédées et des personnes chargées du transport des cadavres et de superviser les rites funéraires en veillant à la présence de deux personnes au maximum« . Pour sa part, le délégué du département de la santé, de la sécurité publique et de la préservation de l’environnement, adjoint du maire de Rabat, Abderrahim Laqraa, a indiqué que « la procédure de prise en charge du défunt commence par le déplacement des équipes concernées à son domicile, pour désinfecter les lieux », notant que même les documents relatifs à l’autorisation d’inhumation sont stérilisés.
Des condoléances sur les réseaux sociaux
« Après la confirmation du décès, le défunt subit une série d’analyses médicales destinée à révéler s’il était porteur du virus avant sa mort« , a ajouté M. Laqraa, précisant que « si les résultats sont positifs, sa famille en est informée avant l’application de la procédure d’enterrement exceptionnelle, qui se fait en coordination avec l’ensemble des services concernés« .
Une de nos mœurs est de rendre visite à la famille du défunt pour faire part de nos condoléances et de notre sympathie, en vue de calmer les cœurs et apaiser les âmes, car aucun sentiment n’est semblable à celui de la perte. Mais maintenant que les funérailles et les maisons de deuil sont devenus des foyers épidémiques, il est impératif d’éviter tout contact physique et de renoncer aux cérémonies de présentation de condoléances en les remplaçant, temporairement, par des moyens alternatifs, notamment par les appels téléphoniques ou les réseaux sociaux.
Lorsque le destin décide de la perte d’un être cher, notre souhait le plus profond est celui de l’embrasser une dernière fois, mais au temps du coronavirus cela devient hors de portée. Aussi, il peut arriver que le voisin veuille rejoindre son voisin pour le serrer dans ses bras et partager son chagrin, mais il se retrouve impuissant, succombant seul à la douleur, depuis la fenêtre de sa maison. En dépit de tout cela, avec ou sans condoléances, nos êtres chers disparus demeurent de bons souvenirs dans nos cœurs et nos esprits, que ni l’oubli ne visitera, ni le temps n’effacera, tandis que la pandémie est inévitablement éphémère.
(MAP)