La thèse du virus fabriqué en laboratoire vivement contestée par la communauté scientifique

Luc Montagnier, prix Nobel de médecine et co-découvreur du sida, prétend que des fragments du VIH ont été ajoutés au génome du coronavirus dans un laboratoire de Wuhan. Une théorie fortement critiquée par la communauté scientifique.

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Une image prise au microscope électronique du SARS-CoV-2 (ronds bleus) émergeant de la surface de cellules cultivées en laboratoire. Crédit: AFP/Handout/National Institutes of Health

Une théorie avancée par le professeur français Luc Montagnier, co-découvreur du virus du sida, selon laquelle le nouveau coronavirus serait issu d’un accident de laboratoire, a été vivement contestée ce vendredi 17 avril par la communauté scientifique.

D’après le prix Nobel de Médecine, habitué des polémiques et désormais très controversé dans le monde scientifique, le virus SARS-CoV-2 est issu d’une tentative de fabrication d’un vaccin contre le virus du sida. En atteste, selon lui, la présence d’éléments du VIH dans le génome du nouveau virus, et même d’éléments du “germe de la malaria”, argumente-t-il dans un entretien aux sites Fréquence Médicale et Pourquoi Docteur.

D’après le Pr Montagnier, qui s’est également exprimé sur la chaîne CNews, ces caractéristiques du nouveau coronavirus ne peuvent être survenues de façon naturelle. L’accident serait intervenu dans le laboratoire de haute sécurité de la ville de Wuhan, ajoute-t-il. Il propose par ailleurs de débarrasser le virus de ces éléments étrangers “avec des ondes”.

“C’est aberrant”

“Cela n’a pas de sens. Ce sont de tout petits éléments que l’on retrouve dans d’autres virus de la même famille, d’autres coronavirus dans la nature”, explique le virologue Étienne Simon-Lorière de l’Institut Pasteur à Paris. “Ce sont des morceaux du génome qui ressemblent en fait à plein de séquences dans le matériel génétique de bactéries, de virus et de plantes”, ajoute-t-il. “Si on prend un mot dans un livre et que ce mot ressemble à celui d’un autre livre, peut-on dire que l’un a copié sur l’autre ? C’est aberrant”, assène ce responsable de la structure génomique évolutive des virus ARN à l’Institut Pasteur.

“Si on prend un mot dans un livre et que ce mot ressemble à celui d’un autre livre, peut-on dire que l’un a copié sur l’autre ?”

Étienne Simon-Lorière, virologue

Les modifications du virus qui chercherait à se débarrasser des éléments étrangers (morceaux génétiques de VIH…) et qui seraient observées à Seattle aux États-Unis, selon le Nobel controversé, sont fausses, ajoute M. Simon-Lorière qui s’abstient de tout commentaire sur les “ondes” du Pr Montagnier.

La théorie selon laquelle ce virus est issu de manipulations génétiques circule depuis longtemps et a été déjà démentie d’après les analyses du génome du virus communiqué par les Chinois, d’autant que les chercheurs dans le monde entier ont pu depuis isoler et analyser eux-mêmes ce virus à partir de prélèvements provenant de patients sur leur propre territoire.

Défiance à l’égard de la Chine

Les allégations du Pr Montagnier se fondent sur un article publié par Jean-Claude Pérez, un chercheur atypique qui traque les “codes numériques” qui structureraient et organiseraient l’information de l’ADN et des génomes. Selon lui, ses recherches apportent la “preuve formelle” que le nouveau coronavirus est “partiellement un génome synthétique”.

Vue aérienne du laboratoire P4 de Wuhan, le 17 avril. Hector Retamal/AFP

Ancien de l’Institut Pasteur, il est lauréat du Nobel de médecine 2008 pour l’identification du virus responsable du sida, avec sa collègue de l’époque, Pr Françoise Barré-Sinoussi. Outre ses théories sur les ondes électromagnétiques émises par l’ADN et sur les bienfaits de la papaye, qui lui ont attiré les moqueries, il s’est affiché en 2017 aux côtés du Pr Henri Joyeux, figure de proue des antivaccins, et a joint sa voix pour dénoncer la dangerosité des vaccins et de la vaccination obligatoire, estimant qu’on risquait “avec une bonne volonté au départ, d’empoisonner petit à petit toute la population”.

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La thèse avancée par le Pr Montagnier arrive dans un contexte diplomatique tendu quant à la gestion de l’épidémie par les autorités chinoises. “Nous menons une enquête exhaustive sur tout ce que nous pouvons apprendre sur la façon dont ce virus s’est propagé, a contaminé le monde”, a déclaré, le 16 avril, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo.

Il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas”, a avancé le même jour le président français, Emmanuel Macron, dans un entretien au Financial Times, tandis que le Royaume-Uni a averti la Chine qu’elle devrait répondre à des “questions difficiles”.

(avec AFP)