La Royal Air Maroc (RAM) a décidé cette semaine d’effectuer une retenue provisoire allant jusqu’à 30 % du salaire de ses employés. Une ponction effectuée progressivement selon la fourchette des salaires (0 % pour les salaires jusqu’à 10.000 dirhams, 10 % pour les salaires entre 10.001 et 30.000 dirhams, 20 % pour les salaires entre 30.001 et 50.000 dirhams et 30 % pour les salaires au-delà de 50.001 dirhams). “Le montant du salaire net retenu sera restitué aux salariés à la sortie de crise et dès que la situation de la compagnie le permettra”, précise le courrier envoyé par Abdelhamid Addou annonçant cette décision au personnel de la RAM.
Une mesure acceptée “par l’ensemble des employés de la RAM”, nous assure une source proche du dossier qui mentionne une seule exception : l’Association marocaine des pilotes de ligne (AMPL). Car dans une récente missive diffusée par l’AMPL que TelQuel a pu consulter, les pilotes font part de leur mécontentement face à cette mesure préventive, et ce, alors que la situation de l’entreprise est “critique” à en croire notre interlocuteur.
Illégalité vs solidarité
Dans cette missive adressée au PDG de la compagnie aérienne Abdelhamid Addou, les membres de l’AMPL qualifient la décision prise par la direction de la RAM d’“illégale”, car prise “sans le consentement des salariés et de leurs représentants”. Les pilotes de ligne marocains notent que la décision prise par la RAM “ne fait référence à aucune décision gouvernementale ou texte réglementaire”. Ces derniers jugent également que la décision prise par la direction de la compagnie aérienne est inéquitable en raison de “l’architecture de la fiche de paie du personnel navigant technique (PNT)”. 40 % du salaire du PNT de la RAM est calculé selon les heures de vol effectuées par cette catégorie de salariés.
Pour notre source proche du dossier, l’envoi de cette lettre témoigne d’un manque de solidarité de l’AMPL envers l’entreprise à un moment où celle-ci “subit une crise sans précédent qui met en doute son avenir”. Notre interlocuteur insiste également sur le fait que la missive rédigée par l’AMPL n’est pas représentative de la position de l’ensemble des pilotes de la compagnie aérienne. “Des dizaines de pilotes ont été consternés par le contenu de cette lettre”, assure notre interlocuteur.
Celle-ci pointe également le fait que les pilotes ne souhaitent pas renoncer à une partie de leur salaire perçue en euros (chaque mois, les pilotes de la RAM perçoivent 1.500 euros). “L’AMPL parle d’honorer des engagements, mais cette somme est destinée aux assurances. Cela signifie donc que l’utilisation de cet argent est en contravention avec les règles imposées par l’Office des changes”, affirme notre source. Contactée par TelQuel, l’AMPL n’a pas répondu à nos sollicitations. La RAM, elle, n’a toujours pas officiellement communiqué sur le sujet.
CDI vs CDD
Dans sa missive, l’AMPL tance également le recrutement effectué par la direction de la RAM : “Une compagnie aérienne qui rémunère 45 pilotes étrangers à 9.500 euros jusqu’au 17 avril 2020, alors qu’elle reconnaissait elle-même un sureffectif, n’a plus les moyens de payer ses propres pilotes pour le mois de mars 2020”, lit-on dans le communiqué. “Ces pilotes étrangers coûtent moins cher que des pilotes marocains et se sont vu décerner des contrats à durée déterminée. Cela signifie que leur ‘coût’ est moins important en termes de charges sociales et fiscales. Ce sont des pilotes sur lesquels la compagnie a pu s’appuyer lorsqu’elle avait un déficit”, pointe, de son côté, notre source proche du dossier.
Le 26 mars, l’AMPL s’était engagée à verser deux millions de dirhams au fonds spécial pour la gestion de la pandémie de coronavirus. Sachant que l’Association compte près de 600 pilotes, cela signifie que chacun des pilotes a contribué à hauteur de près de 3.300 dirhams au fonds. “Le pays est en crise et nous sommes dans une conjoncture que l’on ne peut ignorer. Pourtant cette contribution ne représente qu’une partie infime de leur salaire”, commente notre source.
Qu’en est-il alors de la situation de l’entreprise ? “C’est sans doute l’une des crises les plus graves que notre entreprise a vécue. Les employés s’attendaient à ne pas avoir de travail à la fin du mois. Mais c’est une possibilité que l’on ne peut pas écarter pour les mois à venir. C’est une crise générale qui a touché toutes les compagnies aériennes sans distinction. Des entreprises comme Air France n’ont pas pu verser des salaires”, affirme notre source pour qui l’avenir de l’entreprise est “incertain” en raison de la crise générée par la pandémie de coronavirus.