On n’a plus rien, on a du mal à s’approvisionner. En tant que pharmaciens, on commence à se demander comment on va gérer cette situation”, indique à TelQuel Oualid Amri, président de la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM).
Alors que le royaume vient d’enregistrer son deuxième décès lié au Covid-19, les pharmaciens comme les autres professionnels de la santé, en première ligne face aux risques d’infection, s’inquiètent du manque d’approvisionnement en masques sanitaires et gels hydroalcooliques, pris d’assaut ces dernières semaines.
“Même si on a des masques FFP2, il faut les changer régulièrement. Or on ne dispose pas de stock suffisant”
Les 12.000 officines du royaume, qui reçoivent plus d’un million de patients chaque jour, font face à une rupture de stock qui pourrait s’avérer problématique si la production de masques et de gels hydroalcooliques ne suit pas. “En tant que professionnels de la santé, il faut qu’on se protège et qu’on protège les patients. Même si on a des masques FFP2 (masques dédiés aux professionnels, ndlr), il faut les changer régulièrement. Or on ne dispose pas de stock suffisant. Que dieu nous préserve !”, lâche le syndicaliste.
Début mars, après l’arrêt des usines chinoises qui exportaient une majeure partie des masques sanitaires et chirurgicaux, le gouvernement marocain avait annoncé disposer d’un stock de 12 millions de masques, produits dans les usines d’une entreprise privée de la Gendarmerie et de la Protection civile. Le ministère de la Santé avait annoncé que les stocks allaient être augmentés et que l’exportation serait interdite pour privilégier l’approvisionnement national.
Le prix des masques s’envole
Interrogée par TelQuel, une source travaillant dans la production de masques sanitaires, souhaitant garder l’anonymat, n’a pas voulu donner de détails concernant la production, mais a tenu à rassurer en expliquant que la situation est “normale” et “entre les mains de l’État”.
Anouar Yadini, président de l’Association marocaine des professionnels des dispositifs médicaux (AMPDM), explique quant à lui qu’il y a eu lundi 16 mars une discussion interministérielle sur l’approvisionnement du marché en masques sanitaires, entre la fabrication locale et l’importation.
“Malheureusement, concernant l’importation, les prix mondiaux ont flambé, il est donc difficile de fixer des prix. Il y a cependant eu un allègement des procédures d’importation : le ministère de la Santé a mis en place une autorisation spécifique qui peut être délivrée dans les 24 heures. Concernant la production locale, selon les informations que j’ai, il y a un stock de sécurité, mais qui est plutôt destiné au milieu hospitalier. Les usines produisent à plein régime”, assure-t-il.
Gels hydroalcooliques : des prix mal fixés ?
Mardi 17 mars, les prix des gels hydroalcooliques, qui ont connu une flambée ces derniers jours, ont pour leur part été fixés et publiés au Bulletin officiel. Problème : les pharmaciens estiment que le plafonnement des prix est bien en-deçà de la réalité.
“C’est une décision qui a été prise sans concertation avec les professionnels”
“Pour un litre de gel hydroalcoolique, on a besoin de 883 ml d’alcool pur (96°), qui coûte 112 dirhams. Or, le litre de gel a été plafonné à 105 dirhams”, indique à TelQuel Hamza Guedira, président du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP). “Et il faut ajouter à cela le prix des autres composants : le glycérol, l’eau oxygénée et celui du flaconnage. C’est une décision qui a été prise sans concertation avec les professionnels”, déplore-t-il.
““Même nous en tant que pharmaciens, si on veut fabriquer du gel hydroalcoolique, on n’a plus assez de matières premières pour le faire”
Autre constat relevé par les pharmaciens : la pénurie d’alcool sur le marché, qui risque là aussi de s’avérer problématique. “Même nous en tant que pharmaciens, si on veut fabriquer du gel hydroalcoolique à notre niveau, on n’a plus assez de matières premières pour le faire. Aujourd’hui, la question n’est pas de fixer les prix, mais que l’État réquisitionne tous les masques et gels et les distribue aux pharmaciens et professionnels de la santé, ainsi qu’aux patients qui ont des maladies chroniques”, estime Oualid Amri.
“Nous sommes en situation de crise aujourd’hui. Dans l’attente que cette crise passe, il va falloir réfléchir à remettre dans les pharmacies des dispositifs médicaux à prix fixes avec de la transparence, comme pour les médicaments. Nous avons besoin que l’État intervienne”, abonde Hamza Guedira.