Le Maroc compte désormais sept cas confirmés de contamination au Covid-19 (coronavirus), et les questionnements se multiplient. Le professeur Kamal Marhoum El Filali, chef de service des maladies infectieuses, répond à nos questions.
TelQuel : Est-il possible de distinguer le Covid-19 d’une simple bronchite, grippe, ou pathologie pulmonaire quelconque ?
Kamal Marhoum El Filali : C’est très difficile sur de simples symptômes. Il y a quelques éléments qui peuvent plaider en faveur de l’un ou de l’autre, mais on ne sera jamais certains à 100 %. Pour une grippe classique, il y aura une atteinte plus focalisée sur la partie respiratoire supérieure avec un écoulement nasal, les yeux larmoyants, etc.
Chose que l’on trouvera moins dans le Covid-19, où il s’agira d’une atteinte principalement inférieure au niveau bronchique. La marge d’erreur est énorme et ne permet pas de se baser sur des signes cliniques uniquement. Il faut une confirmation biologique que seul le dépistage apporte.
Concernant le taux de mortalité associé au coronavirus, y a-t-il des statistiques claires ?
Non, pas vraiment car l’épidémie n’est pas terminée. Nous pourrons parler de taux de mortalité une fois que la pandémie sera passée. On arrive cependant à voir que, d’après les modélisations mathématiques, il se situerait autour de 2 %.
Quid de la contagiosité de la maladie ?
En termes de virulence et de contagiosité, les premières études avaient annoncé un chiffre de 2, c’est-à-dire qu’une personne porteuse du coronavirus pourrait contaminer deux autres personnes saines. D’autres écrits parlent désormais de 4.
À titre de comparaison, pour la rougeole, une personne peut transmettre la maladie à 12 à 18 personnes, donc il ne faut pas être très alarmiste. Les écrits et les études démontrent qu’il faut un contact à moins d’un mètre sans protection pour qu’il y ait potentiellement contamination.
La pandémie au niveau mondial a-t-elle atteint son pic ?
Difficile de le savoir car il y a plusieurs lieux de transmission. Si l’on prend la zone asiatique, le pic semble être passé, particulièrement en Chine, car le nombre de cas quotidiens est en train de diminuer de façon très importante.
En revanche, l’Italie aujourd’hui est en pleine ascension du nombre de cas. Le pic est-il atteint ? C’est très difficile à dire. Le nombre de cas quotidiens reste très élevé, donc il ne semblerait pas. Même chose pour la France. Cela augmente très rapidement. Ils sont d’ailleurs passés en phase 2, c’est-à-dire qu’il n’est plus question d’uniquement empêcher le virus d’entrer, mais de lutter contre la propagation.
C’est pour cela qu’un des éléments de riposte, c’est la mise en quarantaine et l’évitement des grands rassemblements. Cela permet d’éviter une éventuelle contagion et de préserver également le système hospitalier, car ce dernier, partout dans le monde, a des capacités limitées.
La contamination lors de la phase d’incubation est-elle scientifiquement avérée ?
Il y a eu des cas de transmission alors que la personne vectrice du virus était en phase d’incubation, nous en sommes quasiment certains. On pense même que les enfants sont des vecteurs de contagion, car même contaminés, ils ne feront, en général, pas de réactions violentes au virus.
Ils seront porteurs, peuvent être sans aucun symptôme, et pourront être transmetteurs pour d’autres personnes. C’est pour cela que l’on insiste beaucoup sur le fait que les enfants évitent d’être trop en contact avec leurs grands-parents par exemple, car on sait que le virus est autrement plus néfaste chez les personnes âgées.
Quels sont les profils les plus à risque ?
À partir de 70 ans, la probabilité de décès devient relativement importante. En deçà de cet âge, la probabilité est très nettement plus basse. On sait que la grande majorité des personnes décédées avaient des comorbidités (maladies déjà présentes fragilisant l’organisme, ndlr).
Cela peut être des pathologies déjà existantes comme un problème cardiaque, respiratoire ou un traitement sous-jacent, comme la chimiothérapie contre le cancer, par exemple.
Si l’on tombe malade du coronavirus, combien de temps le reste-t-on ?
Nous n’avons pas de réponse très claire. Actuellement, notre objectif est que les personnes malades guérissent sans transmettre le virus aux autres. Autrement dit, qu’elles restent dans un hôpital jusqu’au moment où nous sommes sûrs qu’il n’y a plus de risques de transmission.
Au bout de deux ou trois semaines, nous faisons un test pour nous assurer que la personne n’a plus le virus.
Existe-t-il un traitement ?
Actuellement, il n’y a rien de validé en termes de traitement. La chloroquine a été médiatisée dans pas mal de médias. Elle reste cependant à éviter chez les sujets âgés. C’est un médicament contre le paludisme qui aurait eu des effets intéressants, mais rien de scientifiquement avéré pour l’instant.
(Voici une liste des différents produits listés par l’OMS comme d’éventuelles pistes thérapeutiques, ndlr).
RÈGLES DE PRÉCAUTION
1- Il est recommandé de se laver fréquemment les mains avec une solution hydroalcoolique, disponible en pharmacie ou en grande surface, ou bien du savon, de façon à tuer les virus et germes présents.
2- Concernant l’hygiène respiratoire, il est recommandé de se couvrir le nez et la bouche avec un mouchoir en papier lors d’une quinte de toux ou d’un éternuement. Par la suite, lavez-vous les mains avec une solution hydroalcoolique ou à l’eau et au savon et jetez le mouchoir à la poubelle.
3- Éviter les contacts proches et maintenir une distance d’un mètre entre les personnes pour éviter toute inhalation éventuelle du virus. Dans l’absolu, penser à se laver les mains après tout contact avec un autre individu.
4- En cas de toux, de problèmes respiratoires ou de fièvre, consultez un médecin.
5- Si vous revenez d’un pays où le coronavirus est présent et que vous ressentez ces symptômes, contactez le 0801004747, numéro mis en place par le ministère de la Santé.
Voici des questions-réponses traitées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).