Le Maroc, troisième importateur d’armes en Afrique

Si le Maroc figure en 31e position sur le classement mondial des importateurs d’armes, il grimpe à la 3e place à l’échelle africaine.

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F-16 Avion de chasse marocain
Le Maroc est troisième plus grand importateur d’armes du continent, derrière l’Égypte et l’Algérie. Crédit: DR

Le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) a publié lundi 9 mars son rapport annuel portant sur les transferts d’armes dans le monde. Si le Maroc se place à la 31e position sur les importations mondiales d’armes, juste derrière l’Afghanistan (29e place) et l’Azerbaïdjan (30e), il est le troisième plus grand importateur du continent, derrière l’Égypte (3e importateur mondial) et l’Algérie (6e position).

40 milliards de dirhams

Même si le royaume fait partie des trois principaux importateurs du continent, il a contribué sur la période 2015-2019 à 0,8 % des importations mondiales d’armes, contre 2,3 % sur la période 2010-2014. Cette part a donc diminué de 62 % entre les deux périodes ciblées par le centre de recherche suédois.

Cela ne signifie cependant pas nécessairement une baisse des achats. Selon Abdelhamid Harifi, chercheur spécialisé dans le secteur de la défense, le budget de la défense s’est en effet stabilisé durant la période 2010-2017, et a connu une progression à partir de 2018-2020.

“Un programme de modernisation et de mise à niveau des capacités de défense du royaume”

Abdelhamid Harifi, chercheur

Le budget alloué par la loi de Finances 2020 à la défense nationale est de près de 40 milliards de dirhams, soit 5 milliards de dirhams de plus que l’année précédente. Une réserve de 110 milliards de dirhams de liquidités, “par anticipation sur les crédits qui lui seront ouverts pour l’année budgétaire 2021”, est mise à la disposition du ministre chargé de l’Administration de la défense nationale, Abdellatif Loudiyi.

Ces chiffres sont donc à contextualiser selon Abdelhamid Harifi, qui précise que SIPRI se base sur la date de l’annonce du contrat. Or, “l’armée royale travaille dans le cadre de programmes quinquennaux qui comportent une phase d’étude, le lancement d’appels d’offres, l’étude de la proposition puis la commande”, détaille le spécialiste. “C’est un processus qui prend beaucoup de temps et peut s’étaler sur plusieurs années.

91 % des armes importées par le Maroc proviennent des États-Unis, principal fournisseur du royaume

Concernant les perspectives à venir, il explique que “les contrats notifiés auprès des Américains et des Français sont de l’ordre de 11 à 12 milliards de dollars. Il y a également des marchés imminents qui vont être lancés. Sans parler des marchés qui se font en cachette auprès des Européens et des Chinois qui n’ont pas un circuit aussi transparent que les États-Unis”.

Mais la démarche marocaine est “loin d’être considérée comme une escalade à l’armement massif de la région, mais plutôt comme un programme de modernisation et de mise à niveau des capacités de défense du royaume”, nuance-t-il.

Accords stratégiques

91 % des armes importées par le Maroc proviennent des États-Unis, principal fournisseur du royaume. Suivi par la France qui vend 8,9 % des armes importées, et la Grande-Bretagne dont la part est de 0,3 %.

Ceci-dit, le Maroc avait marqué son intérêt pour des systèmes d’armes russes, notamment la défense contre avions et les hélicoptères de combats”, relève Abdelhamid Harifi. Des contrats qui n’ont toutefois pas vu le jour pour plusieurs raisons.

“Un contrat d’armement n’est pas qu’une simple transaction commerciale, et revêt un caractère géostratégique et géopolitique important”

Abdelhamid Harifi, chercheur

D’abord, l’enjeu en matière de souveraineté : “Les Russes exigent la présence permanente de leurs techniciens et experts pour l’entretien de leur armement sur les bases marocaines, comme ils le font en Algérie”, une condition que le Maroc n’est pas prêt à accepter, considérant qu’il s’agit d’un “risque pour la sécurité nationale”. D’autant plus que “les questions posées par les commissions techniques marocaines aux partenaires russes sont restées sans réponse”, explique le spécialiste.

Autre facteur, même si les armes russes “s’avèrent moins chères” et le maintien en condition opérationnelle est coûteux”, indique Abdelhamid Harifi, l’absence de soutien de la Russie envers le Maroc sur le dossier du Sahara explique également que le royaume n’ait pas conclu de contrat avec elle. Et de conclure : “Un contrat d’armement n’est pas qu’une simple transaction commerciale, et revêt un caractère géostratégique et géopolitique important.

Hausse des ventes mondiales

Le volume des transferts internationaux d’armes sur la période 2015-2019 a augmenté de 5,5 % par rapport à la période 2010-2014, et de 20 % sur la période 2005-2009.

Les États-Unis, la France, l’Allemagne et la Chine demeurent les cinq principaux exportateurs en matière d’armement, tandis que les cinq principaux importateurs sont l’Arabie Saoudite, l’Inde, l’Égypte, l’Australie et la Chine.

Les clients principaux de l’État américain sont l’Arabie Saoudite, l’Australie et les Émirats arabes unis. Parmi ce top 5, c’est la France qui a connu la plus grande augmentation d’export d’armes, parmi le top 5.

L’Afrique du Nord concentre à elle seule 74 % de l’importation d’armes du continent sur la période 2015-2019

51 % de la totalité des exportations américaines sont destinées au Moyen-Orient, sur la période 2015-2019. “L’exportation d’armes vers cette région a augmenté de 79 % entre le quinquennat 2010-2014 et celui de 2015-2019”, relève le rapport. Ce dernier précise que l’Arabie Saoudite a été le premier acheteur, puisqu’elle bénéficie de 25 % des exportations d’armes américaines, un taux qui s’élevait à 7,4 % lors du quinquennat précédent,“bien que le Congrès américain ait discuté de la possibilité d’imposer certaines restrictions sur l’exportation d’armes vers l’Arabie Saoudite en 2019”.

L’Afrique du Nord concentre à elle seule 74 % de l’importation d’armes du continent sur la période 2015-2019.  L’Algérie, sixième importateur mondial, réalise 79 % des importations d’armes d’Afrique du Nord. “L’augmentation s’est produite dans le contexte des tensions de longue date entre l’Algérie et le Maroc, et les tensions et les préoccupations liées aux conflits dans les pays voisins, le Mali et la Libye”, détaille le rapport.