Notre ennemi est le séparatisme” mais “faire un plan contre l’islam serait une faute profonde”, a déclaré le président français Emmanuel Macron à la fin d’un déplacement à Mulhouse consacré à la lutte contre le “séparatisme islamiste” et la radicalisation.
“Le séparatisme islamiste est incompatible avec la liberté et l’égalité, incompatible avec l’indivisibilité de la République et la nécessaire unité de la nation”, a affirmé le chef de l’État français dans un discours devant des responsables locaux et des habitants du quartier de Bourtzwiller.
Plus tôt dans la journée, à Mulhouse, où il devait annoncer de premières mesures contre le “séparatisme islamiste”, un dossier politiquement sensible à l’approche des élections municipales, le président de la République a déclaré que “l’islam politique n’avait pas sa place” en France.
Dès son arrivée à Bourtzwiller, un quartier sensible de la grande ville du Haut-Rhin, le chef de l’État a tenu à affirmer que cette lutte contre le “séparatisme islamiste” n’était pas dirigée contre les musulmans.
Au cours d’un bain de foule d’une heure, il a été interpellé par de jeunes habitants regrettant la “stigmatisation” liée à ce débat. “Il ne faut pas stigmatiser parce qu’on est tous Françaises et Français, mais il ne faut pas laisser des gens quitter la République en disant elle n’apporte plus ses promesses”, leur a répondu Emmanuel Macron.
Après un déjeuner avec les forces de l’ordre dans le commissariat du quartier, Emmanuel Macron devait échanger avec des associations sociales, cultuelles ou culturelles — comme l’atelier du cirque Zavatta, les Mamans citoyennes ou l’association d’insertion Base — avant de rencontrer des responsables sportifs. Il a invité les jeunes à venir les rejoindre dans le gymnase, où il devait s’exprimer vers 18 heures pour annoncer de premières mesures.
Cette “visite de terrain” est la première étape d’une séquence qui s’étendra au-delà des élections municipales des 15 et 22 mars, durant laquelle le chef de l’État détaillera la stratégie du gouvernement contre la radicalisation et l’islam politique.
“La République doit tenir ses promesses”
“L’islam traverse une crise, avec une radicalisation de certains et des mouvements très durs qui veulent aller vers l’islam politique. Je dis juste que, chez nous, l’islam politique n’a pas de place”, a-t-il déclaré, accompagné de plusieurs membres du gouvernement, dont Christophe Castaner (Intérieur), Julien Denormandie (Ville et Logement), Gabriel Attal (Jeunesse) et Roxana Maracineanu (Sports).
Dans ce contexte, “la République doit tenir ses promesses”, a-t-il ajouté. “On doit lutter contre le séparatisme parce que, quand la République ne tient pas ses promesses, d’autres essaient de la remplacer”. Et parallèlement, “on doit lutter contre les discriminations, on doit mettre la méritocratie partout”.
Il a ainsi défendu le “en même temps” de sa stratégie, basée sur deux piliers : celui, plus coercitif, sur le financement des lieux de culte depuis l’étranger ou la scolarisation d’enfants dans des écoles hors contrat ; le second, “positif”, qui vise à la “reconquête républicaine des quartiers qui en ont besoin” en s’appuyant sur des services publics plus présents et efficaces et sur le réseau associatif.
Peuplé de plus de 15.000 habitants, Bourtzwiller a été choisi pour cette visite parce que le quartier a “de vraies difficultés”, a indiqué Emmanuel Macron, citant la présence d’“associations qui prônaient de sortir de la République”, “la déscolarisation, des influences extérieures”…
C’est l’un des 47 Quartiers de reconquête républicaine (QRR) de France, un dispositif créé en 2018 pour lutter contre la délinquance et les trafics. Avec le récent renforcement du nombre de policiers, porté à 22 contre sept auparavant, “l’atmosphère est plus apaisée” et les habitants “ont plus confiance” dans les forces de l’ordre, a souligné le brigadier-chef Bouizy Fathia. Mulhouse accueille par ailleurs le chantier de l’immense mosquée An-Nour, financé en large partie par une ONG du Qatar.
Argument électoral ?
Depuis le début du quinquennat, les oppositions de droite pressent Emmanuel Macron d’affirmer sa politique sur ce sujet, le taxant de laxisme. Le débat s’est encore durci ces derniers mois, alimenté par de vives polémiques sur la présence de listes communautaristes aux municipales ou sur le port du voile par une mère accompagnant une sortie scolaire.
“Emmanuel Macron va faire ce qu’il fait de mieux depuis trois ans : il va faire un discours, mais où sont ses actes ?”, dénonce le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau. Le numéro 2 de LR Guillaume Peltier appelle à “des actes forts et clairs parce que nous sommes en train de perdre la guerre contre l’islam politique”.
Le porte-parole du RN Sébastien Chenu fustige pour sa part de “grosses ficelles complètement ringardes qui sont, juste avant les élections, d’allumer les sujets qui fâchent dans le pays et qui ne seront surtout pas traités”.
Emmanuel Macron a rejeté les critiques sur une politisation du dossier en pleine campagne électorale. “Je ne vais pas m’arrêter de travailler parce qu’il y a des municipales”, a-t-il affirmé.