Le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est libyen, a quitté Moscou sans signer l’accord de cessez-le-feu accepté par son rival, a annoncé la diplomatie russe ce mardi 14 janvier. Un revers à l’approche d’une conférence internationale de paix à Berlin.
Le chef de gouvernement reconnu par l’ONU (GNA), Fayez al-Sarraj, et Khalifa Haftar, dont les troupes s’opposent depuis plus de neuf mois aux portes de Tripoli, ne se sont pas rencontrés lundi lors de pourparlers à Moscou, mais ont négocié un accord de cessez-le-feu via les ministres russes et turcs de la Défense et des Affaires étrangères. Si al-Sarraj a signé le texte, son rival est finalement reparti sans le faire, après avoir d’abord demandé un délai de réflexion jusqu’à mardi 14 janvier au matin.
Une conférence internationale à Berlin
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a constaté l’absence de “résultat définitif” mais a assuré “poursuivre les efforts” avec Ankara. Ces discussions, qui illustrent l’influence croissante de Moscou dans cet épineux dossier, sont le résultat d’un accord russo-turc annoncé le 8 janvier à Istanbul par Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. La trêve entre les belligérants syriens, entrée en vigueur depuis le 12 janvier sur le terrain, devait être formalisée et c’est ce texte qui était en négociation le 13 janvier à Moscou.
Le projet d’accord, dont l’AFP a obtenu copie, soutient l’initiative russo-turque de mettre en place “une cessation illimitée des hostilités” en Libye. Il prône “la normalisation de la vie quotidienne à Tripoli et dans les autres villes” ainsi que l’accès et la distribution “en toute sécurité” de l’aide humanitaire. Ankara soutient al-Sarraj et déploie même pour ce faire des militaires tandis que Moscou, malgré ses dénégations, est soupçonnée d’appuyer Haftar avec des armes, de l’argent et des mercenaires.
Les efforts russo-turcs sont déployés alors qu’une conférence internationale sur la Libye sous l’égide de l’ONU à Berlin pourrait se tenir le 19 janvier, selon les Allemands. La chancelière allemande est d’ailleurs venue le 11 janvier à Moscou pour en organiser le contour avec le président russe. Vladimir Poutine et Angela Merkel se sont encore téléphoné le 13 janvier au soir pour discuter des “préparatifs de la conférence internationale” et de “la rencontre à Moscou des belligérants de Libye”.
Selon Sergueï Lavrov, l’ensemble de la communauté internationale — Russes, Turcs, Européens, Émiratis, Algériens, Égyptiens et Qataris — “encourage les parties libyennes à s’entendre au lieu de régler leurs comptes par la voie des armes”. Parallèlement, à l’ONU, des discussions étaient en cours sur l’établissement d’une mission d’observation si une trêve devait être conclue.
L’influence grandissante de Moscou
Entre l’arrivée sur le terrain libyen de la Turquie, la présence suspectée de mercenaires russes et l’existence d’une multitude de groupes armés — notamment des milices jihadistes, des trafiquants d’armes et des passeurs de migrants —, la communauté internationale craint de voir le conflit libyen dégénérer. L’Europe redoute en particulier que la Libye ne devienne une “seconde Syrie” et veut réduire la pression migratoire à ses frontières, car elle a recueilli ces dernières années des centaines de milliers de migrants fuyant les conflits du monde arabo-musulman.
Au Maroc, le 8 janvier dernier, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita a dénoncé les interventions étrangères en Libye qui n’ont fait que “compliquer la situation” dans le pays, une semaine après que le Parlement turc avait autorisé l’envoi par Ankara de troupes en Libye. Affirmant que la résolution du conflit résulterait d’un “consensus entre les différentes factions libyennes”, le chef de la diplomatie marocaine redoute que le la Libye ne se transforme en “fonds de commerce politique au service des conférences et réunions diplomatiques”.
Pour Moscou, les Occidentaux sont responsables du conflit en Libye, pays ayant les plus importantes réserves africaines de pétrole, car ils ont soutenu militairement les rebelles qui ont renversé et tué le colonel Mouammar Kadhafi en 2011. Sergueï Lavrov, en déplacement au Sri Lanka le 13 janvier, a d’ailleurs dénoncé “l’aventure criminelle” de l’Alliance atlantique qui a “détruit l’État libyen”.
Moscou, forte de ses succès en Syrie, a accru considérablement son influence au Moyen-Orient et souhaite désormais regagner le terrain perdu en Libye, en profitant de l’échec occidental à pacifier le pays depuis neuf ans.
(avec AFP)