Pedro Sanchez a obtenu 167 votes favorables des députés tandis que 165 ont voté contre son investiture à la tête du gouvernement et que 18 se sont abstenus, lors de ce vote où seule une majorité relative suffisait. Le socialiste espagnol avait perdu le 5 janvier un premier vote de confiance, faute d’avoir obtenu la majorité absolue nécessaire de 176 députés sur 350. La marge infime obtenue ce 7 janvier laisse toutefois présager une législature compliquée pour le socialiste, à la tête du premier exécutif de coalition dans le pays depuis la fin de la dictature franquiste en 1975.
Pedro Sanchez — pour lequel ont voté les socialistes, Podemos et plusieurs petits partis, dont les nationalistes basques du PNV (parti favorable à la reconnaissance d’une nation basque, dans une Europe fédérale) — doit son investiture à l’abstention, arrachée après de longues négociations, des 13 députés du parti séparatiste catalan ERC (Gauche républicaine de Catalogne) qui lui a permis de l’emporter.
Dialogue en Catalogne
En échange de cette abstention, les socialistes ont promis la tenue d’une négociation entre le gouvernement central et l’exécutif régional catalan — contrôlé par les séparatistes — pour résoudre le “conflit politique sur l’avenir de la Catalogne”. Les résultats de cette négociation seront soumis au vote des Catalans lors d’une consultation. Les socialistes se sont empressés de préciser qu’il ne s’agirait jamais du référendum d’autodétermination que les séparatistes réclament.
Riche région du nord-est de l’Espagne qui a tenté de faire sécession en 2017, la Catalogne a été secouée en octobre par des manifestations parfois violentes après la condamnation à la prison de neuf dirigeants séparatistes, dont le chef de l’ERC Oriol Junqueras.
Cette alliance entre les socialistes et ERC a été attaquée avec véhémence par la droite du Parti populaire et l’extrême droite de Vox, troisième force politique du pays, qui accuse le socialiste de “trahison” et a appelé ses sympathisants à manifester dimanche 12 janvier dans tout le pays.
La reconduction de Pedro Sanchez met fin à huit mois de blocage. Mais avec seulement 155 députés socialistes et Podemos, il devra négocier d’arrache-pied avec d’autres forces le vote de toutes ses lois, et en premier lieu du budget.
“Le paysage politique reste complexe. Le nouveau gouvernement sera minoritaire, les tensions en Catalogne peuvent s’exacerber à nouveau (…) et la situation budgétaire rend les dépenses difficiles”, souligne Steven Trypsteen, économiste de la Banque ING.
Empêtrée dans une instabilité politique chronique depuis 2015, la quatrième économie de la zone euro a connu deux élections législatives en 2019 — en avril et novembre, remportées à chaque fois par Pedro Sanchez, mais sans majorité absolue — et quatre depuis quatre ans.
Virage à gauche
Arrivé au pouvoir en juin 2018 à la faveur d’une motion de censure contre le conservateur Mariano Rajoy, Pedro Sanchez a finalement scellé un accord de gouvernement avec Podemos, juste après le scrutin de novembre. Une alliance surprise alors qu’il avait assuré, après les élections d’avril et l’échec de leurs négociations, que gouverner avec des ministres de Podemos l’empêcherait de dormir…
Le chef de Podemos (formation héritière du mouvement des Indignés) Pablo Iglesias, sera l’un de ses vice-présidents. Ensemble, les socialistes et Podemos ont promis un virage à gauche : hausse de la fiscalité pour les plus riches et les grandes entreprises, abrogation partielle de la réforme controversée du marché du travail adoptée en 2012 par les conservateurs, encadrement des loyers…
Un programme décrié par l’organisation patronale CEOE, qui a dénoncé des mesures “plus proches du populisme que de l’orthodoxie économique” et a mis en garde contre ses effets “très négatifs sur la création d’emplois”.