C’est une question qui se pose, à l’heure où la Turquie commence son programme de renvoi des activistes étrangers et des familles du groupe Etat islamique (EI). Depuis plusieurs mois, l’Etat turc expulse des individus de différentes nationalités, partis faire le jihad et détenus sur son sol. Quid des Marocains ?
280 femmes et 391 enfants marocains toujours en Syrie
“Les autorités turques coordonnent, avec leurs homologues marocains, les expulsions pour un certain nombre de Marocains partis rallier l’EI, d’autant que se trouvent parmi eux des femmes et des enfants”, indique la version arabophone d’Hespress, ce 25 décembre. Une “porte qui s’est ouverte” avec les autorités turques, notamment depuis l’annonce de la mort du chef de l’organisation Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, le 26 octobre.
Dans un article consacré au retour des femmes de combattants, le pure-player indique que les autorités marocaines sont en discussion concernant le retour de “dizaines d’entre elles”, qui ne représentent “aucun danger”. Plusieurs d’entre elles sont détenues dans les camps de jihadistes surveillés par les Forces démocratiques syriennes (FDS).
A la fin octobre, le directeur du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), Abdelhak Khiame, avait estimé que les proches des jihadistes n’était “pas des terroristes”. Ils ne peuvent “en rien être blâmés”, avait-il ajouté lors d’une conférence de presse.
Le patron du BCIJ estimait à “280 femmes et 391 enfants marocains”, qui se trouvent dans ces campements. Toujours selon la même source, 1 659 Marocains ont rejoint le groupe Etat islamique ou d’autres organisations jihadistes. 742 ont trouvé la mort au combat.
Alors que la chute du califat est désormais plus ou moins actée, la problématique interroge dans de nombreux pays. Rien qu’au campement d’al-Hol, les organisations humanitaires sur le terrain estiment que 70 000 personnes y sont entassées, des familles de jihadistes de toutes nationalités. Les forces kurdes ne cessent d’interpeller la communauté internationale afin qu’une institution judiciaire soit érigée sur place, pour juger les jihadistes de Daech. Un tribunal international spécial, calqué sur des modèles en ex-Yougoslavie et au Rwanda.
Un casse-tête international
Quant aux pays concernés, ils se distinguent par leur lenteur. Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme a demandé aux différents pays, le 24 juin, que les membres des familles des jihadistes capturés ou tués en Syrie et en Irak soient “rapatriés, à moins qu’ils ne soient poursuivis pour des crimes”.
Un point corroboré le défenseur des droits de l’Homme Abdelilah al-Khodari, contacté par Hespress. “L’Etat marocain est moralement, humainement et légalement obligé de recevoir ses enfants malgré tout ce qu’ils ont commis”, détaille le militant. Néanmoins, ce dernier appelle à ce que la surveillance de leurs mouvements soit accrue afin que “leurs convictions extrémistes n’influencent pas les autres, avec la propagation d’idées subversives dans le but de commettre un crime”.
Si la question des femmes et enfants de jihadistes est restée jusque-là marginale, le Maroc avait déjà procédé, en mars dernier, au rapatriement de huit de ses ressortissants présents dans les zones de conflits syriennes. Une opération qui revêtait un caractère humanitaire, avait souligné le ministère de l’Intérieur dans un communiqué. Une initiative saluée par le département d’Etat américain : “Les actions du Maroc devraient encourager d’autres pays à rapatrier et à poursuivre leurs citoyens qui ont voyagé pour combattre auprès du groupe dit Etat islamique”.
Les ressortissants marocains qui rentrent au pays sont arrêtés et peuvent écoper de peines allant de 10 à 15 ans de prison. Ils seraient déjà plus de 200 “revenants” à avoir été, jusque-là, interpellés et traduits devant la justice à la mi-2018, selon des chiffres officiels.
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