Le pape lève le secret pontifical dans la lutte contre les agressions sexuelles

Le pape François a fait, ce 17 décembre, un pas de plus dans la lutte contre les agressions sexuelles au sein de l’Eglise catholique, en levant le secret pontifical sur ces délits, tout en maintenant une certaine confidentialité.

Par

Un premier pas pour la reconnaissance des victimes. Crédit: Tiziana Fabi/AFP

Le pape argentin a fait de la lutte contre le fléau des agressions sexuelles dans l’Eglise catholique une des priorités de son pontificat. L’Eglise est depuis plusieurs années en pleine tourmente avec les révélations successives sur des scandales massifs d’agressions pédocriminelles commises pendant des décennies par des prêtres ou des religieux. Ces agresseurs sont souvent couverts par leur hiérarchie, notamment aux Etats-Unis, au Chili ou en Allemagne.

Vers la fin de l’impunité ?

En France, le cardinal Philippe Barbarin est jugé en appel à Lyon pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels d’un prêtre du diocèse. Hasard du calendrier ou signal du pape, le jour de la décision de lever le secret pontifical, François a également accepté la démission, officiellement pour “limite d’âge”, de l’ambassadeur du Vatican en France, Luigi Ventura, qui fait l’objet d’une enquête pour agressions sexuelles à Paris.

Les “instructions” signées par le pape mardi 17 décembre ont pour objectif “de préciser le degré de confidentialité avec lequel il faut gérer les informations et les plaintes concernant les agressions sexuelles” commises par des religieux, explique Mgr Juan Ignacio Arrieta, membre du Conseil pontifical pour les textes législatifs, cité dans un communiqué du Vatican.

Plus direct, l’ex-président du Tribunal de l’Etat de la Cité du Vatican, Giuseppe Dalla Torre, affirme que “le pape François abolit le secret pontifical pour les affaires d’agressions sexuelles”, selon le même communiqué. Le secret pontifical, également appelé parfois secret du pape, est une règle de confidentialité protégeant les informations sensibles relatives à la gouvernance de l’Eglise universelle, selon la définition du site Le forum catholique.

En substance, les raisons qui avaient conduit le législateur ecclésiastique à introduire, parmi les matières sujettes au secret pontifical, les délits les plus graves [comme les agressions sexuelles, NDLR], cèdent le pas face à des valeurs qui sont considérées aujourd’hui comme plus élevées et dignes d’une protection particulière”, comme “la primauté de la personne humaine blessée”, ajoute Giuseppe Dalla Torre.

Une avancée en demi-teinte

Même s’il lève le secret pontifical, le pape argentin impose cependant un minimum d’attention, exigeant que “les informations” sur ces affaires soient “traitées de manière à garantir la sécurité, l’intégrité et la confidentialité […] afin de protéger la bonne réputation, l’image et la vie privée de toutes les personnes concernées”. Ceci ne veut pas dire censure, souligne le pape dans un communiqué du Vatican : “Aucune obligation de silence concernant les faits en cause ne peut être imposée à ceux qui les dénoncent, à la personne qui affirme en être la victime et aux témoins.”

Les “instructions” du pape en elles-mêmes sont lapidaires : “Ne sont pas couverts par le secret pontifical les plaintes, les procès et les décisions concernant les délits” mentionnés par deux articles de loi de deux documents ecclésiastiques, mais qui couvrent pratiquement tous les cas d’agressions sexuelles.

Le journaliste italien Andrea Tornielli, directeur éditorial du dicastère (ministère) de la Communication du Vatican, déchiffre la portée de cette décision. Cela signifie concrètement que “les plaintes, les témoignages et les documents des procès concernant les agressions sexuelles, et qui faisaient jusqu’à présent l’objet du secret pontifical, pourront désormais être livrés aux magistrats de la justice civile des divers pays”, dit-il. “Un signe d’ouverture, de disponibilité, de transparence, de collaboration avec les autorités civiles”, estime Tornielli, qualifiant cette décision d’“historique”.

Le pape a également décidé que la détention de matériel pédopornographique impliquant des mineurs de moins de 18 ans était désormais considérée comme un grave délit, alors qu’auparavant la limite d’âge était de 14 ans. Le souverain pontife a néanmoins affirmé à maintes reprises qu’il existait une limite impossible à dépasser : le secret de la confession demeure absolu, ce qui exclut donc une dénonciation de faits rapportés par un fidèle dans le confessionnal.

 

Pendant que vous êtes là…

Pour continuer à fournir de l’information vérifiée et approfondie, TelQuel a besoin de votre soutien à travers les abonnements. Le modèle classique de la publicité ne permet plus de financer la production d’une information indépendante et de qualité. Or, analyser notre société, réaliser des reportages et mener des enquêtes pour montrer le Maroc « tel qu’il est » a bel et bien un coût.

Un coût qui n’a pas de prix, tant la presse est un socle de la démocratie. Parce qu’à TelQuel nous en sommes convaincus, nous avons fait le choix d’investir dans le journalisme, en privilégiant l’information qui a du sens plutôt que la course aux clics. Pour cela, notre équipe est constituée de journalistes professionnels. Nous continuons aussi à investir dans des solutions technologiques pour vous offrir la meilleure expérience de lecture.

En souscrivant à une de nos formules d’abonnement, vous soutenez ces efforts. Vous accédez aussi à des avantages réservés aux abonnés et à des contenus exclusifs. Si vous êtes déjà abonné, vous pouvez continuer à encourager TelQuel en partageant ce message par email


Engagez-vous à nos côtés pour un journalisme indépendant et exigeant