Tsunami. L’évocation de ce seul mot, à Casablanca, suffit à ranimer un souvenir unique. Celui d’un 101e derby, qui verra un Wydad triompher du rival rajaoui, et ainsi accéder à un titre qu’il cherchait à décrocher 1993.
Le contexte
Le sprint final d’un championnat constitue toujours un instant délicieux en termes d’intensité et d’émotion. Et plus le dénouement est imminent, plus le plaisir est grand. Ce 25 mai 2006, le Wydad n’est qu’à un point de l’extase. Une joie retenue et confinée depuis plus de 13 années car les Rouges ont remporté le championnat pour la dernière fois en 1993. Une éternité presque, pour le club le plus titré du royaume.
A cinq jours de la clôture de la saison 2005-2006 du GNF1, ancien nom donné à la Botola, le Wydad Casablanca est à un orteil d’un nouveau sacre national, le 16e à accrocher à son tableau de chasse. Une place qui lui est presque réservée, mais quoi de plus beau que d’aller chercher un titre, tant espéré, face au rival éternel du Raja ? Qui plus est un jour de 101e derby, histoire de marquer une aube nouvelle.
En face, les Aigles ne battent pourtant pas de l’aile. Les ouailles de l’entraîneur franco-argentin Oscar Fullone sont encore dans la course au titre. Mais l’avance comptable des rivaux rend la tâche des plus ardues. La mission du Raja est alors aussi simple qu’essentielle : tout faire pour empêcher le Wydad d’accéder au sacre au bout des 90 minutes de cette confrontation.
Derrière, il y a aussi ce qui fait le sel de telles confrontations fratricides. On est aux prémices du virage ultra au Maroc, le stade est comble, l’atmosphère chauffée à blanc. Si proches, si loin, le Raja avait à cœur de tenir à distance raisonnable son rival dans le duel que se livrent les deux équipes. Sur les 100 derniers matchs officiels, le plus jeune club des deux est sorti victorieux du champ de bataille à 29 reprises, contre 23 pour le Wydad. Symptomatiques des derbys joués au Complexe Mohammed V, les deux équipes se sont neutralisées à 48 reprises. Et cette 101e confrontation n’y fera pas exception (1-1). Mais l’essentiel est ailleurs.
Pourquoi c’est l’un de nos derbys les plus mythiques
De par son contexte électrique, mais aussi son dénouement romanesque. C’est au bout du bout des arrêts de jeu, lors d’une 96e minute qui fera date dans l’histoire des derbys, que le Wydad s’octroie officiellement le championnat à la barbe de son rival historique (qui terminera la saison à la quatrième place).
La gloire dans la douleur. Mené 1-0 par le Raja, suite à un penalty converti par Abdellatif Jrindou, le Wydad multiplie les coups de boutoir, dans les 10 dernières minutes du temps réglementaire, pour recoller au score sous les vivats de son public. Rien n’y fait tant la défense des Verts tient bon. On entre alors dans le temps additionnel, et dans une rencontre marquée par de nombreux arrêts de jeu, stupeur sur le tableau d’affichage du quatrième arbitre : sept minutes d’arrêt de jeu.
Les uns s’égosillent, verts de rage, tandis que les autres croient en un exploit possible. Les minutes s’allongent, jusqu’au Tsunami. 96e minute, suite à un corner joué devant la tribune rivale, Hicham Louissi hérite d’un ballon aux 25 mètres, rentre dans l’axe et envoie une merveille de frappe qui termine sa course au fond des filets d’un Ismaïl Kouha impuissant.
Le chaud et le froid. Le raz-de-marée sonore laisse de suite place à l’incandescence du stade Mohammed V. Le tsunami annoncé a bien eu lieu. En marge du match, de nombreux observateurs avaient prédit qu’en cas de victoire des Rouges, le royaume “allait connaître un véritable tsunami”. L’expression est depuis restée, accolée à ce 101e derby.
Le joueur
Hicham Louissi, comme un symbole. L’action est limpide, preuve d’un Wydad qui vit alors un rêve éveillé. Une frappe restée dans les annales et, aujourd’hui encore, beaucoup se demandent encore quelles ont été les circonstances qui ont fait que ce valeureux capitaine des Rouges, défenseur central de métier, en est arrivé à offrir un point au match nul, synonyme de triomphe en Championnat, contre l’ennemi juré.
Les facéties de l’histoire, encore, ont semblé veiller sur le Wydad. Alors incapable de triompher du Raja pendant de nombreuses années, Hicham Louissi était le seul Wydadi de l’effectif à avoir eu la joie de connaître une victoire face au rival. C’était lors des saisons 2000-2001 et 2001-2002, avec trois victoires de rangs sur les quatre confrontations de championnats. Le seul rescapé qui, quelques années plus tard, offrira d’une frappe limpide le point qui fit chavirer tout un stade.
Un but qui cimentera indéfiniment le lien entre le joueur et son club. Malgré des débuts au Rachad Bernoussi, Hicham Louissi est resté au Wydad toute sa carrière depuis 2001, refusant de rejoindre le Golfe à plusieurs reprises. Et allez donc demander à un supporter, quel qu’il soit, et de par le monde, quelle joie est procurée lorsque l’homme d’un club lui offre un but aussi important ?
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