La dépouille du dictateur Franco exhumée de son mausolée et enterrée à Madrid

Le dictateur Francisco Franco, qui a dirigé l’Espagne d’une main de fer de 1939 jusqu’à sa mort en 1975, a été exhumé le 24 octobre de son mausolée monumental et réenterré près de Madrid, 44 ans après la fin d’un régime dont les plaies ne sont toujours pas refermées.

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La dépouille de Franco, rapatriée à Madrid. Crédit: Juan Carlos Hidalgo/AFP

Arrivée en hélicoptère au cimetière de Mingorubbio, dans le nord de Madrid, la dépouille du dictateur a été réinhumée aux côtés de son épouse, dans ce lieu plus discret où repose aussi le dictateur dominicain Rafael Trujillo, assassiné en 1961.

Rassemblés près du cimetière, environ 200 nostalgiques du régime ont chanté l’hymne du parti fascisant de la phalange, pilier du régime du dictateur qui a remporté la sanglante guerre civile espagnole (1936-1939) en faisant le salut fasciste, bras droit tendu en avant. “Franco ne mourra jamais”, a déclaré à l’AFP Miguel Maria Martinez, retraité. “Il a sauvé l’Eglise et nous a tenus à l’abri du communisme”, a affirmé pour sa part José Martinez.

Transféré à Madrid

Peu avant 11 h GMT, le cercueil du dictateur était sorti de l’imposante basilique creusée dans la roche du mausolée du “Valle de los Caidos” (la vallée de ceux qui sont tombés), à 50 km au nord-ouest de la capitale espagnole, porté par huit membres de sa famille, dont son arrière-petit-fils Louis de Bourbon, cousin éloigné du roi d’Espagne Felipe VI et considéré par les légitimistes comme le prétendant au trône de France.

Le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez avait fait du transfert de la dépouille du “Caudillo” (terme désignant à l’origine un chef de guerre, puis par extension un leader politique) une priorité dès son arrivée au pouvoir en juin 2018, pour que ce mausolée, sans équivalent dans d’autres pays d’Europe occidentale ayant été dirigés par des dictateurs, ne puisse plus être un “lieu d’apologie” du franquisme. Cela met fin à un “affront moral”, une “anomalie pour une démocratie européenne”, a-t-il déclaré dans une allocution solennelle. Promise pour l’été 2018, l’opération a été retardée de plus d’un an par les recours en justice successifs des descendants du dictateur.

La fin du mausolée

Ordonnée par Franco en 1940 pour célébrer sa “glorieuse Croisade” catholique contre les républicains “sans Dieu”, la construction du “Valle de los Caidos” a duré près de 20 ans et a été réalisée par des milliers de prisonniers politiques. Ce complexe monumental est surplombé d’une croix de 150 mètres de haut, visible à des dizaines des kilomètres à la ronde.

Au nom d’une prétendue “réconciliation nationale”, le “Caudillo” y avait fait transférer les corps de plus de 30 000 victimes de la guerre civile, des franquistes, mais aussi des républicains, sortis de cimetières et de fosses communes sans que leurs familles en aient été informées.

Le gouvernement a agi sur la base d’un vote en 2017 du Parlement espagnol demandant l’exhumation de Franco, resté lettre morte en raison de l’opposition du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

Usage politique

Depuis l’adoption en 2007 par les socialistes d’une “Loi de mémoire historique”, la droite ne cesse d’accuser la gauche de vouloir rouvrir les blessures du passé, loin d’être refermées dans un pays où des villages portent encore le nom du dictateur, et où plus de 100000 victimes républicaines sont toujours portées disparues.

Mariano Rajoy se vantait publiquement de ne pas avoir dépensé un euro pour appliquer cette loi visant à faire retirer les vestiges de la dictature, à identifier les corps jetés dans des fosses communes et à réhabiliter la mémoire des républicains condamnés sous le franquisme.

L’exhumation de Franco a fait réapparaître au grand jour les divisions. Le leader d’extrême droite de Vox, Santiago Abascal, a qualifié ce 24 octobre Pedro Sanchez de “charognard” se lançant dans “une campagne de haine”. “L’Espagne actuelle est le fruit du pardon, mais elle ne peut pas être le produit de l’oubli”, a souligné Sanchez.

A moins de trois semaines des législatives du 10 novembre, les détracteurs de Pedro Sanchez à droite comme à gauche l’accusent d’en faire un argument électoral, alors qu’une semaine de manifestations violentes en Catalogne ont mis le socialiste en difficulté.

 

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