La kafkaïenne mésaventure d'un Afroaméricain arrêté sans son passeport à Rabat

Le 30 août, Timothy Hucks a raconté sur Twitter comment son interpellation par la police dans les rues de Rabat, alors qu'il n'avait pas son passeport sur lui, l'a rendu témoin non privilégié du sort réservé à une quarantaine de sans-papiers.

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Timothy Hucks Crédit: Timothy Hucks/ TWitetr

Timothy Hucks, jeune Afroaméricain installé à Rabat, se souviendra de son passage au Maroc, pas forcément pour les bonnes raisons. Le 30 août, il a publié une série de tweets racontant ses déboires avec les autorités marocaines depuis le 21 mars dernier. Ce jour-là, ce journaliste new-yorkais pour le site d’information The United States of Blues raconte qu’il a quitté son logement pour aller acheter une bouteille de vin, mais que sa course ne s’est pas passée comme prévu.

Sur le trajet, le jeune homme est interpellé par des hommes en civil qui lui demandent ses papiers et d’où il vient. “Il a demandé où je vivais. J’ai dit Bab Chellah. Il a demandé où était mon passeport. J’ai dit à la maison. Il a demandé d’où je venais. J’ai dit USA. Et puis il a posé ces mêmes questions encore et encore. Je lui ai montré mon permis de conduire. Il s’en fichait. Son copain a dit: ‘Nous allons vous emmener loin d’ici’”, explique le jeune homme sur son compte Twitter.

Refusant d’obtempérer, Timothy Hucks raconte avoir été menotté et embarqué par la police jusqu’au poste de police de Rabat Agdal. Le jeune homme affirme avoir répété à plusieurs reprises lors de son interrogatoire qu’il était de nationalité américaine, sans cependant être pris au sérieux par la police.

Ils m’ont mis dans le hall avec 30 à 40 autres personnes – des adolescents et des hommes – tous noirs. Quand ils m’ont demandé d’où je venais, j’ai répondu ‘d’Amérique’. Ils ont ri et ont dit: ‘Non, d’où viens-tu vraiment ?’ Ils ont pris mes empreintes digitales et m’ont photographié de face et de profil. L’un des hommes m’a demandé si je parlais l’arabe. J’ai dit non. […] L’autre policier m’a regardé directement et a simplement dit: ‘Terroriste. Boko Haram’”, raconte Timothy Hucks.

Il poursuit son récit en affirmant qu’il a ensuite été conduit sans autre forme d’explication dans un bus avec d’autres personnes vers Beni Mellal. Durant le trajet, les forces de l’ordre maintiennent le calme à coup de matraque, selon le journaliste. A destination, les hommes sont abandonnés sans aucune explication, à plus de 200 kilomètres de la capitale. Ces déplacements forcés vers des régions plus au sud sont dénoncés par plusieurs associations d’aide aux migrants. Timothy Hucks explique quant à lui être revenu à Rabat par ses propres moyens.

Sous le choc, le jeune homme serait depuis resté cloitré en se faisant le plus discret possible, “afin de ne pas susciter l’intérêt des forces de l’ordre ou de l’administration”. C’est ainsi qu’il a fini par dépasser la date limite de son visa touristique. Désormais bel et bien en situation irrégulière sur le territoire national avec interdiction de le quitter, une nouvelle aventure commence pour le journaliste, balloté d’administration en administration, sans obtenir le soutien de son ambassade.

Ce n’est que le 2 septembre, alors que son histoire avait déjà été retweetée des milliers de fois, que Timothy Hucks a obtenu l’accord pour quitter le territoire marocain. “Libre de partir !”, a-t-il tweeté avec une photo d’un billet de ferry pour l’Espagne, et remerciant finalement la police marocaine “d’avoir pris en compte son histoire”.

Contacté pour obtenir plus de détails sur son arrestation et les raisons son séjour au Maroc, Timothy Hicks est resté injoignable. La DGSN, de son côté, n’a pas communiqué sur cette affaire.