Coquillages et papier glacé : Les vacances de la famille royale dans un océan de contre-vérités

Rarement la vie privée de la famille royale marocaine aura autant fait couler d’encre. Alors que la Toile se délectait des vacances de Lalla Salma en Grèce, une série d’articles de Gala a fini par faire réagir le Palais. Récit d’un feu, puis contre-feu médiatique.

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Le roi Mohammed VI et la princesse Lalla Salma à Rabat en juillet 2014. Crédit: FADEL SENNA / AFP

A l’approche du 20e anniversaire de l’accession au trône de Mohammed VI, la monarchie marocaine avait plutôt bonne presse ces dernières semaines dans les médias français. Encensé par les journalistes de l’Hexagone, le Maroc de Mohammed VI se voyait même qualifié de “nouvelle puissance” en Une de l’hebdomadaire Le Point. Une “belle tranche de publicité” que le Palais se serait “offerteselon Maghreb Confidentiel. Un sans faute pour les communicants de Sa Majesté, en amont de “cette heureuse occasion” que le palais a appelé “à commémorer de manière normale”.

Et puis patatras. La presse people s’est intéressée aux vacances en Grèce de Lalla Salma et de son fils le prince héritier Moulay El Hassan. Aux alentours du 17 juillet, le site web du magazine Gala enchaine les articles. En une semaine, c’est près d’une dizaine d’articles qui sont publiés sur Gala.fr, souvent repris par Femme Actuelle, autre publication du groupe de presse Prisma Media. En toile de fond, le supposé divorce de Mohammed VI et Lalla Salma, jamais confirmé ni infirmé officiellement par le Palais. La princesse y est présentée en “Lady Diana du Maroc”, Moulay El Hassan serait “déchiré” entre ses parents, etc. Sans source, sans vérification contradictoire, ces révélations sont aussi peu crédibles que les rumeurs, publiées une semaine auparavant, donnant Lalla Salma locataire d’un yacht à 500.000 euros la semaine.

Début juillet, la Toile apprend que Lalla Salma loue à Skopelos le Serenity, un yacht à moteur de 72 mètres, avec quinze cabines à bord. Selon la presse grecque, Lalla Salma et Moulay Hassan ont en effet atterri le 6 juillet après-midi à Skiathos, l’ile voisine de Skopelos, pour en redécoller le 17 juillet à la mi-journée. Or, si le Serenity a bien mouillé à Skopelos le 7 juillet, il a ensuite mis le cap plein gaz vers le port du Pirée, à Athènes, pour ce qui s’apparente plus à un convoyage de charter qu’une croisière de luxe, sans aucune preuve que Lalla Salma et Moulay Hassan soient effectivement à bord.

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Dans cet océan de désinformation, le Palais laisse couler. Jusqu’à un certain point. Dressant un parallèle avec la princesse jordanienne Haya, épouse de l’émir de Dubai ayant fui en Europe avec ses enfants, Gala croit savoir que Mohammed VI “craignant que [Lalla Salma] ne tente de les soustraire à son autorité, lui interdirait de voyager avec ses deux [enfants] en même temps”. Dès lors, dans un exercice rare voire inédit, le Palais va réagir officiellement.

Le 19 juillet, l’ambassadeur du roi à Paris, Chakib Benmoussa, prend son téléphone pour obtenir un droit de réponse. Dans l’article le plus récent, la rédaction ajoute un paragraphe dans lequel l’ambassadeur se “désole de toutesces rumeurs émanant de sites malveillants’”. “S’il ne réfute pas la présence de Lalla Salma en Grèce, il précise qu’elle n’a pas été contrainte de voyager avec un seul de ses deux enfants,” écrit encore Gala notant que “concernant les rumeurs de crise conjugale, il préfère ne pas commenter ‘ce qui relève de la sphère privée’ et rappelle juste que l’épouse du souverain n’est pas tenue aux devoirs de représentation d’une Première dame”. Les autres articles de Gala ayant trait à Lalla Salma subissent un lifting. Les titres deviennent interrogatifs, le conditionnel fait son apparition, des passages disparaissent. Contactés par TelQuel, plusieurs journalistes de Gala n’ont pas donné suite.

Dans le même temps, Le360.ma réagit aussi. “Quand le magazine Gala fantasme sur les vacances des enfants du roi,” titre le site internet, citant des sources qui affirment que les vacances de Lalla Salma et Moulay El Hassan “se déroulent dans une très bonne ambiance familiale, empreinte de loisirs et de découvertes de la culture hellénique” et attribuant les rumeurs à “des sites, à la solde de la junte militaire algérienne, inventent des histoires hostiles au Maroc”. Le site de l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique publie aussi une “désintox” sur “la fausse affaire Lalla Khadija”. “C’est le type même de fake news qui n’ont rien de drôle, qui suscite des interrogations, confie une “source proche du Palais” à JA. Ce n’est pas la première fois que ces sites propagent ce genre de fausses rumeurs. Pourquoi et dans quel but ?”.

Dans la soirée du 20 juillet, le Palais établit un précédent en faisant intervenir son avocat. “Par le biais de leur avocat, Me Eric Dupond-Moretti, le roi du Maroc Mohammed VI et son ex-épouse Lalla Salma font conjointement savoir que les rumeurs de fuite ou de séquestration d’enfants qui circulent depuis le début du mois de juillet sont intolérables. Ces rumeurs sont ‘fermement et formellement démenties’ par le souverain alaouite et la princesse,” écrit Gala. Ces derniers se déclarent “scandalisés” par “des assertions extrêmement graves”. Et le ténor du barreau d’enfoncer le clou en prévenant qu’il s’agit d’un “acte passible de poursuites pour diffamation”.

Le lendemain, le quotidien Al Ahdat Al Maghribia, consacre sa Une à l’affaire, en titrant : “Mohammed VI et son ancienne épouse brisent le silence”. Une périphrase également utilisée par Le360.ma qui désigne Lalla Salma comme “la mère des enfants” de Mohammed VI et son “ancienne épouse”. Une première.