La frénésie se poursuit à travers le monde depuis quelques jours et a embarqué avec elle plus de 100 millions d’utilisateurs. FaceApp, la désormais célèbre application de retouche photo est de retour, mais beaucoup ignorent certainement son passé déjà sulfureux.
En 2017, l’application d’origine russe, développée par une société basée à Saint-Pétersbourg, avait déjà fait parler d’elle en créant des filtres “sexy” éclaircissant le teint de la peau et avait été taxée de racisme par utilisateurs et associations. Elle avait également mis en place un filtre “ethnique” permettant aux utilisateur de découvrir leurs visages sous des traits asiatiques ou encore indiens. Désormais, c’est dans l’aptitude à utiliser l’intelligence artificielle pour faire vieillir ou rajeunir les visages que l’application s’est brillamment illustrée auprès de grandes personnalités publiques, mais suscitant tout de même des doutes quant à l’utilisation des données récoltées.
J’ai voulu voir la fiabilité du truc, faut avouer que c’est pas mal. #FaceApp pic.twitter.com/CWj2rxE3GA
— Janine (@janine_bd) July 18, 2019
Soupçons de fuite de données
Le 18 juillet, dans un article du Financial Times, le chef du groupe démocrate au Sénat américain, Chuck Schumer a évoqué dans une lettre qu’il a adressé au FBI et à la Commission fédérale du commerce (FTC), la potentielle fuite des informations de l’application entre les mains du gouvernement russe, précisant que cela pouvait être “une faille sécuritaire nationale atteignant la vie privée de millions d’Américains si les informations tombaient entre les mains du gouvernement russe”.
BIG: Share if you used #FaceApp:
The @FBI & @FTC must look into the national security & privacy risks now
Because millions of Americans have used it
It’s owned by a Russia-based company
And users are required to provide full, irrevocable access to their personal photos & data pic.twitter.com/cejLLwBQcr
— Chuck Schumer (@SenSchumer) July 18, 2019
C’est que le passif entre la Russie et les Etats-unis sur le sujet des technologies n’est pas au beau fixe. En 2016, lors de la campagne américaine de Donald Trump, des hackers russes avaient été accusés d’ingérence et de surveillance dans les élections américaines, notamment auprès des candidats démocrates.
Concernant FaceApp, au delà de l’hilarité provoquée par l’application, les conditions d’utilisation et l’usage des données récoltées sont en revanche moins amusantes. “Vous accordez à FaceApp une licence, perpétuelle, irrévocable, non-exclusive, sans redevance, mondiale, entièrement payante et transférable qui nous permet d’utiliser, de reproduire, de modifier, d’adapter, de publier, de traduire, de créer, votre contenu utilisateur et tout nom, nom d’utilisateur ou ressemblance fournie en relation avec votre contenu utilisateur dans tous les formats et canaux de supports connus ou développés ultérieurement, sans aucune compensation versée” annoncent les conditions générales d’utilisation de l’application FaceApp. Les conditions générales d’utilisation stipulent également dans la partie “contenu utilisateur” qu’“en utilisant les services, vous acceptez que le contenu de l’utilisateur puisse être utilisé à des fins commerciales”.
Le logiciel pourrait également être une aubaine en terme de données récoltées pour développer à grande échelle un système puissant de reconnaissance faciale. C’est également un projet mis en place par le Chine, qui d’ici 2020 ambitionne de déployer la reconnaissance faciale à grande échelle pour reconnaître ses citoyens. L’objectif: leur attribuer des notes selon leur situation économique et sociale, leur dettes, leur crédit, leur passif judiciaire pour classer les citoyens les plus solvables, les plus prometteurs, etc…
Des risques que le CEO de l’entreprise, Yaroslav Goncharov, a démenti auprès de Geoffrey Fowler, chroniqueur spécialisé en technologie au Washington Post. Néanmoins, l’application requiert un accès complet à votre galerie photo. Fait minimisé par Yaroslav Goncharov, qui annonce n’utiliser avec son entreprise “que les photographies insérées par l’utilisateur dans l’application”. Le CEO de FaceApp a expliqué que les données n’ont jamais été transférées en Russie et que ces dernières sont stockées sur des serveurs Amazon et Google.
Ce phénomène n’est pas sans rappeler l’histoire du “10 year Challenge” de Facebook en janvier dernier. L’affaire avait fait grand bruit et était accusée de permettre à Facebook d’entraîner leurs algorithmes d’intelligence artificielle pour anticiper le vieillissement des utilisateurs. Une méthode qui pourrait être utilisée pour le ciblage publicitaire des cosmétiques destinés aux personnes ayant tel type de peau, ou pour des assurances sur les personnes considérées comme vieillissant trop vite.