Dans la métropole, le plan de lutte contre les "nuisibles" fait débat

La capitale économique a officiellement lancé son nouveau plan d’action de lutte contre les nuisibles et les animaux errants. L’objectif : éradiquer les maladies tout en limitant leur prolifération. Mais les méthodes utilisées font bondir certains défenseurs des animaux. 

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Les “ghostbusters” sillonnent les terrains vagues d’Anfa à la recherche des chiens errants du quartier. Crédit: Clément Di Roma/TelQuel

C’est à bord d’un véhicule flambant neuf qu’arrive l’équipe aux abords du marché Lhjajma, dans le quartier Bourgogne, à Casablanca. Parés de masques, lunettes et d’une combinaison bleue, les nouveaux agents de la ville ne passent pas inaperçus au beau milieu de ce terrain vague où cohabitent oiseaux, insectes, rats, et animaux en tous genres. C’est justement pour eux que l’équipe s’est déplacée.

Depuis le 10 juillet, ces agents de la DASH (Division spécialisée dans les actions de salubrité et d’hygiène), société de développement local (SDL) assurent tous les jours le service “3D” : désinfection, désinsectisation, et dératisation, à travers toute la métropole tout en se chargeant de la capture des animaux errants. Une action prévue dans le cadre de la convention conjointe signée en mai dernier avec la Commune urbaine de Casablanca pour lutter contre les “nuisibles”.

30.000 chiens et chats errants

Les objectifs annuels sont d’ores et déjà chiffrés, et ils sont conséquents : la capture de 30.000 chiens et chats errants, le traitement de 50.000 kilomètres de rues et boulevards contre les insectes, mais également de 120.000 bouches d’égout contre les rats et autres rongeurs. En plus de son planning de lutte contre les nuisibles, la commune compte aussi sur la mobilisation citoyenne pour gérer le problème. Un numéro vert a été mis en place, ainsi qu’une application mobile pour signaler la présence d’insectes ou animaux problématiques. “Nous avons reçu 160 plaintes le premier jour”, se félicite Karim Boudhir, chef de division en charge de l’hygiène et de la salubrité à la Commune.

A l’arrière de la camionnette des équipes de la DASH : l’un des tout nouveaux robots pulvérisateurs d’insecticides de la ville. Même si les agents sont équipés de masques de protection, Karim Boudhir assure que les produits utilisés sont homologués par les autorités compétentes, et sont “les moins nocifs pour la population et la faune environnante”. Du moins dans une certaine gamme de prix. “Il existe des produits bio, mais ils ne sont pas très efficaces, et trop chers. Le litre de produit peut monter jusqu’à 700 dirhams”, ajoute-t-il.

20 millions de dirhams par an 

C’est un matériel sophistiqué de dernière génération”, affirme le chef de division, en pointant du doigt le nouveau robot. Et si Karim Boudhir arbore fièrement le nouvel appareil, c’est que l’investissement de Casablanca est à la hauteur des objectifs fixés : 20 millions de dirhams seront consacrés chaque année au nouveau plan d’action. Une enveloppe importante, destinée à la lutte tous azimuts contre les nuisibles.

La liste affichée par le plan est longue : mouches, moustiques, cafards, rats, scorpions, oiseaux pique-boeufs, pigeons, mais également les animaux errants. “Tout ce qui rôde en ville et qui n’a pas de propriétaire”, résume Karim Boudhir. Le sort des bêtes, lui, varie en fonction des profils. Les insectes sont exterminés, les animaux errants capturés et mis à la fourrière. “Passé un délai de 15 jours sans réclamation, les grands animaux, comme les ânes, chevaux ou vaches, sont mis aux enchères”, précise le chef de division. “Les chiens et chats sont euthanasiés si personne ne vient les récupérer”. Les oiseaux sont quant à eux attrapés par des filets, et tués à l’aide de gaz carbonique. “C’est un peu cruel”, concède-t-il.

L’objectif du plan d’action est avant tout de régler un problème de santé publique, en luttant notamment contre la transmission de maladies provenant des animaux, avec la rage ou la grippe aviaire en ligne de mire. Mais la méthode employée pour gérer la question fait bondir certaines associations, notamment Comme chiens et chats Maroc.

Stériliser et vacciner, plutôt que tuer

Nous aurions souhaité que les associations soient associées au projet pour qu’il n’y ait pas d’extermination inhumaine”, regrette Hind Moustaghfir, présidente de l’organisme. “Ce n’est pas la solution. Ils tuent les chiens depuis des années, mais il y en a toujours autant et la rage est encore présente. Le seul moyen d’éradiquer la maladie et de limiter la surpopulation canine passe par la stérilisation et la vaccination. C’est ce que nous faisons déjà sur le terrain, et de notre poche. 20 millions de dirhams pour un tel programme… alors qu’un seul million suffirait à régler le problème sur le terrain”.

Même si la stérilisation et la vaccination des chiens et chats errants sont “envisagées”, explique le responsable communal Karim Boudhir, “cette méthode ne convient pas beaucoup à Casablanca, car onéreuse. Il faudrait au moins débourser 1.000 dirhams par tête”. Ce que dément la présidente de Comme chiens et chats Maroc. “Nous avons des vétérinaires qui nous font de très bons prix, un vaccin contre la rage coûte en moyenne 200 dirhams”. Pour Hind Moustaghfir, il est impératif de “gérer ce fléau de manière scientifique, rationnelle et humaine”.  De son côté, la Commune urbaine de Casablanca assure préparer des partenariats avec les associations locales.