Human Rights Watch dénonce des arrestations arbitraires du Polisario

Après avoir exprimé des critiques envers les dirigeants du Polisario, trois hommes faisant l’objet d’une “enquête”, notamment pour “trahison envers la nation”, “sédition” et “actes d'agression contre l'État sahraoui” sont retenus captifs, près de Tindouf. Une situation dénoncée par Human Rights Watch, qui appelle à la libération des détenus.

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(De gauche à droite) Fadel Mohamed Breica, Moulay Abba Bouzid, et Mahmoud Zeidan, arrêtés entre le 17 et le 19 juin 2019 dans les camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf. Crédit: Human Right Watch / Privé

Près d’un mois après l’arrestation de trois militants critiques du Polisario, Human Rights Watch (HRW) dénonce les pratiques “arbitraires” et le recours à la torture. Dans un article mis en ligne hier sur son site internet, l’ONG portée sur la défense des droits de l’homme appelle à la libération des activistes Moulay Abba Bouzid et Fadel Mohamed Breica, ainsi que du journaliste Mahmoud Zeidan. Pour HRW, les trois hommes sont en captivité, malgré “une absence de preuves d’activités criminelles”.

Le gouvernement en exil qui administre les camps de réfugiés du Sahara occidental en Algérie maintient trois opposants en détention tandis qu’un juge d’instruction enquête sur eux pour trahison et autres motifs”, dénonce HRW depuis Tunis. Les faits rapportés se seraient déroulés entre le 17 et le 19 juin. Les trois individus détenus en captivité par les séparatistes sont, d’après l’ONG, “connus comme des dissidents dans les camps de réfugiés de Tindouf”.

Passible de peines de prison allant de cinq ans à la perpétuité

D’après un communiqué publié le 20 juin par un tribunal du Polisario, les trois hommes font l’objet d’une enquête pour “calomnie, insultes et incitation à la rébellion”. Sidi Omar, représentant du Polisario auprès des Nations unies, a apporté davantage de détails à l’ONG : “Les accusés sont toujours en détention préventive et font l’objet d’une enquête judiciaire [pour des accusations comprenant] trahison envers la nation, actes d’agression contre l’État sahraoui, sédition, vandalisme, diffamation et calomnie”. Il a également assuré que les “accusés bénéficieront d’un procès équitable et transparent”.

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Toujours détenus à la mi-juillet, les trois hommes se trouveraient enfermés dans la prison de Dhaibiya, près du camp de Rabouni, fief du Front Polisario près de Tindouf. Pour les chefs d’accusation rappelés par Sidi Omar, ils risqueraient des peines allant de “cinq ans d’emprisonnement à la perpétuité”, rapporte l’ONG.

Les autorités sahraouies devraient établir de manière crédible que Bouzid, Breica et Zeida pourraient avoir commis des actes véritablement criminels, et pas seulement avoir critiqué pacifiquement le Front Polisario”, affirme Lama Fakih, directrice adjointe de HRW pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord. Celle-ci appelle à la remise en liberté des détenus, en l’absence de preuves.

Interrogatoire menotté et les yeux bandés

Human Rights Watch fait également état de pressions subies par les militants. D’après le défenseur des droits de l’homme, Fatimatou Al Mahdi Breica, la sœur de Fadel Mohamed Breica, a pu rencontrer son frère, le 11 juillet. Ce dernier lui aurait confié avoir été “arrêté le 18 juin, à sa sortie d’un centre médical à Rabouni, par plusieurs agents de sécurité descendus de quatre véhicules militaires”. Il aurait ensuite été soumis à plusieurs interrogatoires “par intermittence pendant neuf jours dans un lieu de détention secret, interrogatoires pendant lesquels il était constamment menotté, avec les yeux bandés”.

Une situation également vécue par Moulay Abba Bouzid. Ce dernier aurait confié à un cousin venu lui rendre visite le 23 juin qu’il n’avait été autorisé à quitter sa cellule “qu’une seule fois”. Il aurait également confié avoir été interrogé à “multiples reprises les yeux bandés et les poignets menottés”.

S’il est avéré que des agents de sécurité ont interrogé Bouzid et Breica alors qu’ils étaient menottés et avaient les yeux bandés, et qu’ils les ont menacés ou intimidés pour leur extorquer des aveux, cela compromettrait gravement l’exigence du droit international selon laquelle les aveux doivent être faits volontairement”, souligne Human Rights Watch.

Pour l’ONG, il incombe au Polisario – qui administre les camps de Tindouf – et à l’Algérie de garantir le respect des droits humains à l’intérieur de ces camps. “L’Algérie ne peut pas sous-traiter la protection des droits humains sur son territoire, et fermer les yeux si le Polisario les viole”, conclut la responsable locale de HRW.