Après avoir lancé un appel à projets en décembre 2018 pour son expansion à l’international, la French Tech étend notamment son empreinte à Casablanca. Depuis le 3 avril dernier, après les résultats de l’appel à projets, près d’une cinquantaine de communautés dont celle de Casablanca ont été labellisées “French Tech”. Ce label français, qui reprend la dénomination donnée à l’écosystème des startups en France, est attribué à des villes possédant un riche écosystème d’entreprises innovantes. Créé il y a 5 ans, soutenu par le gouvernement français, il s’est depuis bâti une image de marque et se trouve désormais dans de nombreuses villes comme Paris, Londres ou encore Dubaï où il fédère les entrepreneurs français et d’autres nationalités.
Objectif : Dynamiser l’entrepreneuriat local et offrir un cadre favorable à l’innovation en mettant en relations fondateurs de startups et investisseurs du réseau. Au Maroc, le label français s’appuiera sur le “Kluster”, qui est l’incubateur de startups de la Chambre française de Commerce et d’Industrie au Maroc (CFCIM).
Accompagnement local
Depuis avril 2019, c’est Jérôme Mouthon, entrepreneur français résidant au Maroc, fondateur de Buzzeff (racheté par Teads en janvier 2019, NDLR), qui a été choisi pour piloter l’entité marocaine. “Un appel à projets de la French Tech a été proposé aux personnes recommandées par le tissu économique local dans les différents pays qui ont postulé. Pour ma part, j’ai rassemblé une équipe d’amis entrepreneurs français et binationaux au Maroc pour participer au projet”, nous explique-t-il.
“Sur les toits de la CFCIM, nous avons fait des travaux pour commencer à incuber les premières startups qui arriveront. L’objectif est de fédérer un écosystème, pas uniquement destiné aux entrepreneurs français, mais aussi marocains. Nous voulons faire venir des entrepreneurs expérimentés pour briefer les jeunes entrepreneurs et créer des ponts avec les autres French Tech à travers le monde”, poursuit Jérôme Mouthon, qui est également en charge du Kluster.
“Nous ne pratiquons pas de frais d’adhésion, nous sommes tous bénévoles dans cette affaire. Nous ne prenons pas de participation au sein des entreprises adhérentes non plus. Nous recevons une légère subvention de la CFCIM et, pour cette année, aucune subvention de French Tech Paris”, souligne-t-il.
L’ambition du label French Tech est également de mettre en relation les grandes entreprises françaises sur place et les entrepreneurs locaux pour faciliter les partenariats et le commerce. Pour ce faire, la CFCIM dispose d’un panel de plus de 4.500 entreprises adhérentes.
“Des entreprises françaises qui viendraient au Maroc avec des envies de s’implanter ou d’investir pourront être mises en relation avec le tissu entrepreneurial local. Cela permettra d’augmenter la visibilité des startups labellisées auprès des entreprises françaises (BMCI, Orange, etc…) qui connaissent parfaitement la French Tech et de bénéficier d’un réseau qui se mondialise (Paris, Dubaï, Londres) avec des événements de networking réguliers”, explique Jérôme Mouthon.
À bras ouverts
L’avènement de French Tech au Maroc a également suscité de nombreuses interrogations quant à ses ambitions. “Beaucoup de startups aimeraient s’expatrier à Paris ou à Dubaï. En trouvant des startups qui ont le même cœur de compétences dans une ville où une autre, on peut créer plus facilement des opportunités business”, expose le directeur French Tech Maroc. Est-ce à dire que la French Tech favoriserait l’expatriation d’entrepreneurs marocains accélérant ainsi la fuite des cerveaux ?
“Nous avons un immense devoir. Nous-mêmes à la CFCIM, nous mettons des choses en place pour former les jeunes entrepreneurs ici, pour les garder sur le marché de l’emploi local, et les faire embaucher par les entreprises, notamment françaises au Maroc. Il faut que ça bosse et qu’il y ait un bel écosystème”, promet Jérôme Mouthon.
Il reconnait néanmoins : “Le président Macron est persuadé que ces initiatives doivent être la porte d’entrée dans les pays, avec la volonté de créer des communautés dans les différents pays. Si demain une startup marocaine prometteuse labellisée French Tech veut débarquer en France, nous l’accueillerons les bras ouverts”.
En effet, depuis plusieurs années, le gouvernement français a créé un “French Tech Visa” pour les profils jugés attrayants (investisseurs, développeurs informatiques, startupers, etc.) qui permet de bénéficier de visas de 4 ans pour aller travailler en France. “Comme les États-Unis, nous essayons d’attirer les meilleurs possible. C’est normal, c’est le business”, affirme Jérôme Mouthon.
Le Maroc riposte
De son côté, Ismaïl Bargach, fondateur de la startup marocaine WafR explique que “le problème de la fuite des cerveaux est analysé sous un prisme manichéen. Le marché marocain en pâtit, c’est vrai, mais les entreprises marocaines sont également responsables, car c’est à elles de démontrer qu’elles sont capables de proposer des salaires suffisants pour garder les talents”.
À l’inverse, l’entrepreneur Mehdi Alaoui estimait en mars dernier qu’“en termes de salaire, nous ne pouvons pas rivaliser avec l’Occident. C’est évident. Un diplômé bac+5 ingénieur informatique au Maroc commence entre 7.000 et 10.000 dirhams par mois. Après dix ans d’expérience, il peut prétendre à 16.000 ou 18.000, quand, en France, un junior peut percevoir entre 24.000 et 28.000 dirhams nets par mois”.
À l’instar du passeport talent français, la Fédération des technologies de l’information de télécommunication et de l’offshoring (APEBI) avait annoncé en mars, la création de procédures de recrutement facilitées pour les travailleurs étrangers au Maroc. La présidente de l’APEBI Saloua Karkri Belkeziz avait également annoncé la mise en place d’une procédure simplifiée pour les étrangers issus des filières informatiques.