Quelques minutes avant son concert au festival Mawazine, le “Lyriciste Bantou” nous reçoit dans sa loge. Vêtu du maillot de la RDC, flanqué du n°17 de l’attaquant Cédric Bakambu, Youssoupha est spontané. A l’image de son cinquième album “Polaroïd Experience” sorti en septembre dernier, inspiré par les photographies de son enfance.
Pendant sept minutes, le rappeur nous parle des chances des Lions de l’Atlas, du match Maroc-Côte d’Ivoire et de son amour inconditionnel pour Liverpool. “Croisons les doigts pour que les Léopards gagnent”, espère-t-il avant de rejoindre la scène Bouregreg. Trop tard, Mo Salah venait d’inscrire son premier but de la compétition, le deuxième de la soirée, qui offrait aux Pharaons les trois points et leur ticket au deuxième tour amenuisant ainsi les chances de qualification de la RDC.
TelQuel : Il est 21h et la République démocratique du Congo vient d’entamer son deuxième match de poule contre l’Egypte. Ça ne vous chauffe pas ?
Youssoupha : J’ai un travail malheureusement. Quand les gens m’accueillent, j’essaie quand même de tenir mes obligations. Voilà, je suis en interview avec vous, mais j’y pense grave. Mon portable est en train de charger à côté pour me tenir au courant du score, même si je ne suis pas super optimiste. Je leur souhaite le meilleur résultat.
A l’issue du premier match, deux internationaux congolais ont demandé pardon au peuple. Qu’est-ce qu’ils risquent s’ils ne décrochent pas leur billet au deuxième tour ?
Tout n’est pas parfait au pays, mais je crois que nous sommes dans un état d’apaisement. Ils ne risquent rien. Mais les excuses qu’ils ont dû présenter m’ont mis un peu mal à l’aise. Certes, les joueurs de foot ne sont pas là pour être humiliés, la plupart sont des amis. Je sais qu’ils ont de la volonté, ils ne font pas exprès de perdre. Peut-être que la préparation n’a pas été bonne. Quelqu’un qui le fait exprès doit s’excuser. C’est pour ça que ça m’a mis mal à l’aise. Surtout que les joueurs sont en première ligne, alors qu’il y a un staff, une fédération et beaucoup d’autres personnes qui doivent, eux aussi, assumer leurs responsabilités.
S’ils ne passent pas, pour qui l’irréductible fan de Liverpool que vous êtes penchera-t-il?
(Rires) Pas l’Egypte, même si je kiffe Mo Salah parce que c’est notre superstar (pour les fans de Liverpool, NDLR). Je serai à fond avec les Sénégalais, parce qu’il y a Sadio Mané, mais surtout parce que ma mère est Sénégalaise.
Vous êtes plutôt Mo Salah ou Sadio Mané ?
Je suis plutôt pour Liverpool (rires). Je ne peux pas choisir. C’est comme si vous me demandez de choisir entre mon père et ma mère.
Qui va remporter cette édition de la CAN ?
C’est toujours difficile de prédire en Afrique. Mais j’ai l’impression que le champion de cette année sera un spécialiste. Je dirais l’Egypte, le Nigéria ou le Cameroun.
Qu’en est-il des chances des Lions de l’Atlas ?
Ils ont eu un premier match poussif. C’était un peu compliqué, mais bon. La Namibie ne voulait pas sortir, n’était pas venue pour jouer. L’entrée de Boufal a fait beaucoup de bien à l’équipe. Je n’ai d’ailleurs pas compris pourquoi il n’a pas débuté le match. Je ne les vois pas aller jusqu’au bout, mais ils sont de bons challengers. Ils sont sérieux. C’est ce que j’aime dans cette équipe. Peut-être que ce premier match difficile va les aider à mieux aborder les matchs à venir. Je leur souhaite une bonne chance.
Vous vivez depuis quelques mois en Côte d’Ivoire. Quel est votre pronostic pour la rencontre entre les Lions de l’Atlas et les Eléphants qui aura lieu ce vendredi ?
Ça sent toujours la poudre entre ces deux équipes. Rien que ce dernier match, lors des qualifications pour la Coupe du monde. J’étais à Abidjan ce jour-là et croyez-moi, vous avez fait pleurer des gens (rires). Pour ce match, j’ai l’impression, bizarrement, que la Côte d’Ivoire va piéger le Maroc.
On parie ?
(Rires) Non, non, je ne suis pas sûr pour parier. Beaucoup de gens attendaient les Eléphants justement pour les qualifications de la Coupe du monde et ils n’ont pas été dignes. C’est dommage, parce qu’il y a vraiment du talent chez eux. Pour être honnête, le Maroc part plutôt favori, mais j’ai l’impression qu’ils seront piégés.
Revenons à Liverpool. Vous connaissez par cœur les paroles du fameux You’ll never walk alone, l’hymne du club ?
Oui, oui. Bien sûr !
On teste ?
Oui, au moins le refrain, parce que je ne suis pas le meilleur en anglais (rires). “Walk on, walk on, with hope…”
Vous avez déjà pu chanter ce refrain à l’Anfield ?
Oui, parce que j’y suis allé quelques fois.
Quel est votre regard sur le sacre de votre club de coeur en Ligue des champions ?
Ce n’est pas mérité par rapport à cette année seulement, mais plutôt par rapport aux quatre saisons qui ont mené vers ce titre. Plus précisément, depuis l’arrivée de Jurgen Klopp. Il y a eu une finale d’Europa League (perdue en 2016 contre Séville, NDLR) avant une finale de Champions League (perdue contre le Real Madrid en 2018). Une équipe qui jouait la 7e ou la 8e place en Premier League est montée en puissance. Un gros travail a été fait et le club mérite sa place parmi les meilleurs d’Europe.
Et la Premier League alors?
Honnêtement, je trouve que Manchester City c’est très fort. Extrêmement fort. Si vous me le demandez, je pense que cette équipe est plus forte que Liverpool. La preuve, elle a gagné le championnat. On les a certes éliminés en Champions League (en quart de finale, NDLR), mais je crois sincèrement qu’il n’y a pas beaucoup d’équipes plus fortes que les Reds (surnom de Liverpool, NDLR). En Europe, il doit y en avoir deux ou trois et Manchester City en fait partie.
Ce quatrième but de Divock Origi au match-retour de la demi-finale face au FC Barcelone, comment l’avez-vous vécu ?
C’était un orgasme ! Un orgasme absolu ! Je suis prêt à le revire, je le regarde tout le temps. Il m’arrive même de revoir le match. Il est d’une folie ! J’ai assisté au match aller à Barcelone. J’ai cru que nous allions passer, car nos joueurs avaient fait un très bon match. Mais le Barça s’est montré plus réaliste. Ils ont un extraterrestre, Lionel Messi, qui m’avait dégoûté. Mais au final, ils n’étaient pas si bons que ça. Ils n’ont pas eu beaucoup de chance au match retour, mais nous en avions. Heureusement.