Angels4Africa, le nouveau réseau de business angels pour accompagner les startups marocaines

Le 26 juin à LaFactory, au dernier étage du Technopark de Casablanca, avait lieu la cérémonie de lancement de "Angels4Africa". Un réseau de business angels (BA) marocains, venus apporter de l'expertise et du financement aux jeunes entreprises innovantes pour fluidifier leur développement. Alergiques aux anglicismes, s'abstenir.

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C’est au dernier étage du Technopark, le 26 juin, au sein des locaux de LaFactory, qu’a eu lieu le lancement du réseau de business angels (BA) Angels4Africa. Il y a toujours cet effet « wow » quand on atteint le sommet du “Goldorak” avec cette vue panoramique sur Casablanca où l’on distingue la mosquée Hassan II, les Twins et dont on ne se lasse pas. Mais cette contemplation est rapidement interrompue. Ici, on dégaine de la carte de visite à tout va. On pitch ses idées à des potentiels investisseurs, on répète ses phrases d’accroche, en français et en anglais, au cas où. L’enjeu est de mise pour le réseau de BA qui sélectionnera les meilleures pépites pour un round de financement entre 200.000 et 500.000 dirhams, et/ou un accompagnement dans le projet entrepreneurial. Les prérequis : avoir au minimum un an d’existence et un potentiel de croissance.

Dynamiser un ventre mou

A l’instar du fonds d’investissement français ISAI co-fondé par Pierre Kosciusko-Morizet (PriceMinister), le slogan d’Angels4Africa, c’est « par les entrepreneurs, pour les entrepreneurs ». Un rassemblement de différents investisseurs, startupers ou grands dirigeants qui viennent pour coacher, donner du feedback, de l’expertise et des conseils sur les méthodes de développement des jeunes pousses, en contrepartie d’une entrée dans leur capital. C’est ça, un business angel.

Côté financement, justement, l’environnement des startups marocaines connait des carences à certains niveaux. Il existe en effet différents fonds d’amorçage, notamment par le biais d’incubateurs ou de la Caisse centrale de garantie (CCG), mais le manque de structure d’accompagnement et de financement intermédiaire serait l’entrave majeure au développement des startups marocaines.

C’est précisément ce manque de structure dans l’écosystème et cette faiblesse des mécanismes de soutien financier auxquels veut tenter de palier Angels4Africa. « Les BA au Maroc existent depuis très longtemps, mais c’est une activité qui n’est absolument pas structurée et qui comporte un certain nombre de risques. Notre but n’est pas de nous substituer aux fonds d’investissements, mais plutôt de les compléter, » explique Mehdi Alaoui, fondateur de LaFactory. Il poursuit : « entre les prêts donneurs de quelques dizaines de milliers de dirhams du fonds InnovInvest et une série A (la première levée de fonds significative d’une start-up, ndlr) de 2 à 20 millions de dirhams auprès des fonds d’investissement, il y a un gap. C’est là que nous souhaitons intervenir ».

Établir une confiance

Les premiers tickets de financement doivent tomber le soir même, après le lancement. Mehdi Alaoui prévient dès son introduction : « Startups, préparez vos dossiers, car les investisseurs sont là et vous attendent ! ». Pour certains, les débuts ont effectivement été prometteurs. Suheyl Benhamou, co-fondateur de Caronae Systems (logiciel de reconnaissance de documents officiels, ndlr), présent lors de l’événement, témoigne : « Nous avons pitché notre idée à un des investisseurs. Nous avons rendez-vous la semaine prochaine pour entrer en négociation avec lui. Le fait que ces investisseurs se présentent publiquement, c’est déjà un grand pas. Ce réseau est là pour établir de la confiance entre investisseurs et startupers, qui est aujourd’hui assez friable au Maroc ». En 2018, seulement 4 millions de dollars ont été octroyé aux startups marocaines, contre plus de 100 millions de dollars dans des pays comme le Kenya ou le Nigéria.

De son côté, Ismail Bargach, fondateur de WafR (une application de paiement mobile chez les épiciers, ndlr) nous explique : « la logique derrière Angels4Africa, c’est de sortir de l’aspect purement mercantile, en faisant bénéficier les entrepreneurs de l’expertise de BA au profil beaucoup plus seniors avec de belles réussites. Ce ne seront plus de simples personnes fortunées en quête de bons retours sur investissements uniquement. Ces gens auront plus d’appétences à accepter les risques liés à l’activités des startups ».

Car aujourd’hui, pour les startups marocaines, c’est la problématique de l’œuf et de la poule qui règne. « En France, il y a des fonds, des réseaux structurés avec de vrais beaux exits (vente d’une startups, ndlr) qui permettent de renflouer le réseaux en devenant eux même investisseurs. Ce cercle vertueux n’existe pas encore au Maroc. Il n’y a pas assez de startups de qualité donc l’argent du capital risque ne trouvent pas où être investit. De facto, les sociétés de gestion parviennent difficilement à lever des fonds pour les investir en capital risque, et quand ils y arrivent, les retours sur investissements sont assez médiocres. Donc Angels4Africa est une super initiative, qui doit désormais se concrétiser par des actions rapides, » s’enthousiasme un startuper contacté par TelQuel.

D’autres, sous couvert d’anonymat, font aussi part de leurs doutes. “Peu de startupers marocains ont des success stories locales, pour un réel partage d’expérience. Certains ont créé de très belles choses à l’étranger, mais ils n’en font pas forcément profité ici,” confie par exemple un startuper casablancais. Un autre: “Les startupers marocains qui réussissent au Maroc se donnent à 800 % toute la journée dans leur boite. On n’entend pas parler d’eux, parce qu’ils ne font rien d’autres que bosser. Ils exécutent. Ce sont eux qui compris ce qui compte le plus, mais ils n’ont pas le temps de partager leur expérience”. 

Une vingtaine de business angels marocains ont tout de même rejoins les rangs d’Angels4Africa dès son lancement pour épauler les startups nationales. Parmi eux: Tarik Fadli (SSII Algo Consulting), Kenza Lahlou (fonds d’investissement Outlierz Ventures), Larbi Alaoui Belrhiti (CEO de Jumia Maroc), Nasser Kettani (KettaniDigital Consulting, ancien directeur technique Microsoft Maroc). Ces figures de l’investissement ou de la tech ont décidé de se porter volontaire pour faire bénéficier le réseau de leurs conseils. Un peu à l’image du Réseau Entreprendre Maroc, présidé par Mehdi Laraki, et au sein duquel, depuis 2011, 300 chefs d’entreprise se sont engagés bénévolement, 200 lauréats ont été accompagnés, 600 emplois créés ou sauvegardés et 16,4 millions de dirhams de prêts octroyés et garantis par la Caisse centrale de garantie (CCG).

Pour la sélection des potentielles futures pépites accompagnées par Angels4Africa, la méthodologie sera la suivante : les candidats devront déposer leur dossier en ligne avant d’être présélectionnés sur la qualité du dossier. Par la suite, un entretien sera effectué avec un responsable, avant de passé devant un jury. Un pitch de 15 minutes devra être fait devant les investisseurs avant une négociation en plénière si l’idée est approuvée. S’en suivra une due diligence lors de laquelle les investisseurs inspecteront les finances de la startup et ses encours, avant de valider leur proposition. Le tout pour déboucher sur une signature de deal et un suivi de projet par les business angels.