Une récente enquête d’opinion d’Arab Barometer, publiée par BBC News Arabic ce lundi, met en évidence une “nette augmentation” de la proportion de personnes se décrivant comme “non religieuses” dans le monde arabe. Ils représentaient 11% de la population sur la période 2012-2014, contre 18% cette année.
Menée auprès de 25.000 personnes dans la majorité des pays du monde arabe – excepté des pétromonarchies telles que l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis -, l’enquête souligne également une baisse de confiance envers les différents chefs de partis politiques dans la religion.
À l’exception du Liban, où la confiance a presque doublé depuis 2016, la plupart des pays affichent une tendance à la baisse. La foi dans le parti tunisien Ennahda a ainsi diminué de 24% en Tunisie depuis 2011. Au Maroc, la cote du PJD a chuté de 20% depuis 2013, selon l’enquête.
L’enquête se penche également sur la perception des principaux leaders mondiaux. Sont ainsi concernés le président américain Donald Trump, le chef d’État russe Vladimir Poutine et le Turc Recep Tayyip Erdogan. Au Maroc, ce dernier récolte plus de 50% d’opinion favorable, quand le patron du Kremlin s’en sort avec à peine plus de 25%. En revanche, le Maroc est le seul pays du sondage où la côte de Donald Trump est à 0%.
Seuls 12% des pays étudiés affichent une opinion positive envers le président américain, d’après le baromètre. Les USA arrivent d’ailleurs juste derrière Israël dans la rubrique de “la plus grande des menaces” pour la région.
Volonté d’émergence politique féminine
La grande majorité des sondés semble favorable à un renforcement de la représentativité féminine dans les organes exécutifs des Etats. Le Maroc avoisine même les 75% d’opinions favorables. Le royaume se classe derrière le Liban, mais devant la Tunisie, l’Iraq et l’Égypte. En revanche, les sondés algériens, en pleine contestation populaire, y sont les plus rétifs. Moins de 50% des personnes interrogées accepteraient une femme à la tête de l’Etat.
“Les femmes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont de plus en plus éduquées et participent de plus en plus au marché du travail, mais leur autonomisation restera incomplète tant qu’elles seront toujours exclues des postes de décision et de la participation politique”, estime Dina Dabbous, directrice de l’ONG Egality Now pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Les sondés, dont des femmes, pensent majoritairement que les maris devraient toujours avoir le dernier mot en ce qui concerne les décisions familiales, à l’exception du… Maroc où moins de la moitié des sondés sont en accord avec cette affirmation.
Pour Dina Dabbous, citée par la BBC, ce décalage entre la volonté de porter une femme à un rôle de responsabilité politique et leur situation dans les ménages, témoigne de “l’humeur dominante dans la région”. “On se rend compte que l’égalité des sexes est un marqueur de progrès et que la bonne chose à dire est de soutenir l’autonomisation des femmes”, explique-t-elle, en marge de la présentation des résultats de l’enquête. Et d’ajouter : “lorsque le libellé de la question est centré sur le rôle des hommes, le véritable parti pris patriarcal fait surface.”
L’étude montre aussi des données en matière d’opinion sur l’homosexualité. L’amour entre personnes du même sexe n’est accepté qu’à 21% au Maroc. La Tunisie et le Liban affichent des taux encore plus bas, avec respectivement 7% et 6%.
Quant aux crimes d’honneur, au Maroc, 25% des sondés considèrent la pratique comme “acceptable”, juste derrière l’Algérie et ses 27 % d’opinion favorable.
Pour Dina Dabbous, citée dans un article du Guardian, “les crimes d’honneur sont plus acceptables que l’homosexualité. [Ils] préservent un ordre social fondé sur ‘l’honneur des hommes’ et sur la masculinité dominante – qui est hétérosexuelle -, tandis que l’homosexualité constitue une menace pour lui”.
La jeunesse du monde arabe toujours rivée vers l’Europe, mais pas que…
Les sondés ont également été interrogés sur l’un des plus grands enjeux du moment dans la région : la migration. Plus de la moitié (52%) des personnes âgées de 18 à 29 ans interrogées en Algérie, en Égypte, en Jordanie , au Liban, au Maroc, en Palestine et en Tunisie déclarent vouloir quitter leur pays. Ce chiffre est en augmentation de 10% par rapport à 2016.
Au Maroc 70% des sondés envisagent d’émigrer. Les chiffres ont également révélé un fort penchant pour l’immigration clandestine. Ainsi, plus de 40% des Algériens, Soudanais et Tunisiens et 38% des Irakiens, Marocains et Yéménites ont déclaré qu’ils partiraient sans documents officiels.
Pour la plupart des sondés, les yeux restent rivés sur le continent européen, bien que l’Amérique du Nord attire notamment les Jordaniens et les Libanais. Plusieurs personnes sondées montrent aussi un penchant vers les pays du Golfe, comme l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis.