Pressions sur les parents pour faire cesser le boycott des étudiants médecins

Suite au mouvement de boycott des examens de fin d'année observé par les étudiants en médecine, des parents d'étudiants ont été approchés dans la journée du 12 juin par les autorités locales, nous affirment des témoins. Des questions leur ont notamment été posées sur les orientations politiques de leurs enfants.

Par

Rachid Tniouni / TelQuel

TelQuel a recueilli les témoignages d’étudiants en médecine dont les parents ont reçu la visite du moqadem ou ont été convoqués par le caïd, voire le wali, après leur décision de boycotter les examens de fin d’année qui ont débuté le 10 juin. Selon ces témoignages, les parents ont été interrogés sur l’implication de leurs enfants dans le mouvement de boycott et ont été incités à les raisonner pour reprendre le chemin des salles d’examen.

Depuis le boycott effectif des examens, la crise des étudiants médecins s’est en effet accélérée. Trois professeurs exerçant dans les facultés de médecine d’Agadir, de Casablanca et de Marrakech ont été suspendus pour avoir “poussé d’autres professeurs à ne pas assurer l’encadrement des examens et avoir coordonné l’action des étudiants dans le boycott”, nous expliquait Saaid Amzazi, ministre de l’Education.

Dans la foulée, les facultés de Marrakech et de Casablanca ont affiché leur solidarité avec leurs collègues en décidant la “suspension de toute activité pédagogique” au sein de leurs universités (correction des examens, encadrement des thèses, des diplômes de spécialités médicales, des soutenances, etc. NDLR)”.

De son côté, le gouvernement incite les étudiants médecins à mettre un terme à leur boycott en brandissant la menace du redoublement, voire de la “révocation”. Tout en pointant sans détour la responsabilité d’Al Adl Wal Ihsane, le gouvernement affirme qu’il “n’hésitera pas à prendre les mesures légales à l’encontre de quiconque aura tenté de perturber le déroulement normal de ces examens”.

A l’échelle locale, les autorités se sont également activées. Contactés par TelQuel, des étudiants et familles d’étudiants résidant dans plusieurs villes du Royaume affirment avoir reçu la visite d’un moqadem le 12 juin, à leur domicile.

On est venu sonner à ma porte dans l’après-midi. Ma mère a ouvert la porte et le moqadem était là. Il lui a posé des questions sur moi. Est-ce que j’étais politisé ? Est-ce que je fais partie d’une association ? Est-ce que je suis un bon élève ? Où est-ce que j’ai fait mes études secondaires ? Elle a eu très peur. Il a encouragé ma mère à parler avec moi. Il a tenté de la convaincre que nos revendications n’étaient pas légitimes. Nous n’avons pas reçu de convocation ou quoi que ce soit”, confie un étudiant en médecine de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat. Il affirme que d’autres étudiants ont reçu “des convocations pour rencontrer le wali”.

Un témoignage qui fait échos au témoignage du père d’une étudiante en médecine à Fès. “Nous avons été contactés par le moqadem qui nous a posé des questions concernant notre statut social, nos emplois et nos revenus. C’était intrusif. Nous avons refusé de répondre. A partir de là, le caïd nous a convoqués à la wilaya. Nous avons rencontré le wali qui a essayé de calmer le jeu. Il nous disait ‘pensez à vos enfants, pensez à votre pays!’. Il a terminé en nous disant que le dossier n’était pas entre ses mains et qu’il ne pouvait rien faire. Nos enfants sont des adultes, ils savent ce qu’ils font, nous n’avons rien à rajouter”, déclare-t-il.

Contacté par TelQuel, le wali de la région de Fès-Meknès et gouverneur de la préfecture de Fès, Saïd Zniber, a confirmé avoir reçu les parents des élèves étudiants en médecine. Sur les sujets discutés durant la réunion, il nous a renvoyés vers son cabinet qui n’a pas encore répondu à nos sollicitations.

Sur Facebook, une étudiante en médecine de Marrakech affirme aussi avoir reçu la visite du moqadem pour convoquer ses parents.

 

Ayoub Aboubaigi, représentant de la Confédération nationale des étudiants du Maroc à Marrakech, nous confirme que “plusieurs parents des étudiants ont reçu la visite des autorités pour leur demander si leurs enfants boycottent les examens et leur indiquer qu’il faut qu’ils reviennent sur cette décision”.

Des étudiants font aussi le lien entre leur contestation et des suspensions de travail signifiées à leurs parents exerçant dans le milieu médical. Selon une lettre datée du 13 juin, à en-tête du ministère de la Santé, partagée sur les réseaux sociaux, le représentant du ministère pour la région de Berkane, informe un médecin, par ailleurs parent d’une étudiante en médecine, qu’il est suspendu pour exercice illégal dans le secteur privé.

TelQuel a également reçu une copie d’une lettre du wali de Rabat, datée du 12 juin, adressée à un pharmacien d’officine et professeur de droit pharmaceutique à la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca, également parent d’étudiants en médecine. Le wali intime l’ordre à ce dernier de fermer “son local qui sert de pharmacie à côté du CHU Cheikh Zayd” à Rabat, et ce pour “des failles dans l’autorisation d’exercice du métier de pharmacien dans ce local”. Contacté par TelQuel, le pharmacien affirme qu’il s’agissait d’une “erreur” et que l’incident a été “résolu”.