Le Conseil de l'Europe demande au Maroc un moratoire sur la pénalisation du sexe hors mariage

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe vient d'évaluer positivement son partenariat pour la démocratie avec son homologue, le parlement marocain. Voici les cinq principaux points à retenir.

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Un vote à l’unanimité. Réunie à Paris, le 24 mai dernier, la Commission permanente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a conclu à une “évaluation positive” des résultats du partenariat avec le parlement marocain. En 2011, ce dernier avait accédé au statut de partenaire, faisant du Royaume le premier pays du voisinage européen à obtenir ce statut.

L’Assemblée constate que le Maroc a accompli des progrès dans le renforcement de la gouvernance démocratique et appelle à la poursuite des réformes et à leur approbation afin de réaliser pleinement les ambitions de la Constitution de 2011”, souligne le texte de la résolution 2282.

Par ailleurs, l’Assemblée note que le Maroc a accompli des progrès dans le renforcement de la gouvernance démocratique et appelle à la poursuite des réformes et à leur approbation afin de réaliser pleinement les ambitions de la Constitution de 2011”, poursuit la même source. Des évolutions qui ont fait l’objet d’un rapport le 31 octobre 2018. Ce dernier a été rédigé par le Polonais Bogdan Klich, du groupe Parti populaire européen (démocrate-chrétien, centre-droit). Pourtant, plusieurs questions ont été occultées, notamment celles ayant trait aux thèmes de société et les critiques de nombreuses ONG.

Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) mis en avant

L’APCE  salue le “rôle actif” du CNDH, mais aussi son extension de compétences concernant la mise en oeuvre du “Mécanisme national pour la prévention de la torture, à la protection des droits des enfants et à celle des personnes handicapées”. Ce mécanisme a été adopté dans le cadre d’une loi votée à l’unanimité par les deux chambres du parlement les 6 et 13 février 2018. Elle est entrée en vigueur le 1er mars de la même année.

L’APCE “encourage à finaliser rapidement la mise en oeuvre de ces mécanismes”. Si l’Assemblée y prête une attention particulière, c’est que le Conseil de l’Europe a rapidement été associé à l’instance, en 2016. Dans le rapport initial d’octobre 2018, l’autorité alors présidée par Driss El Yazami était décrite comme dotée “d’une excellente expertise”. Le CNDH s’est notamment attiré les bons points pour son militantisme en faveur de l’abolition de la peine de mort au Maroc.

Les législatives de 2016 saluées

La résolution 2282 salue également le “professionnalisme” des autorités quant à la tenue des dernières législatives, et encourage la “réforme préalable du droit électoral bien qu’elle ait été adoptée moins d’un an avant le scrutin”. L’APCE estime néanmoins que les Marocains résidents à l’étranger (MRE) devraient être impliqués davantage. Ce point avait déjà été soulevé par une Commission ad hoc et rapporté, en octobre 2016, par le Britannique Ian Liddel-Grainger du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE, droite conservatrice). “Le taux de participation des citoyens vivant à l’étranger a toujours été faible et un changement législatif concernant leur système de vote devrait sans doute être envisagé”, avait-il estimé.

Peut mieux faire sur la parité au parlement

L’APCE constate une meilleure représentation des femmes en politique. L’Assemblée encourage néanmoins le parlement marocain à “améliorer le taux des femmes inscrites sur les listes électorales et à mettre en place des listes alternées (femme/homme) lors des scrutins locaux”. Parmi les recommandations, le Conseil de l’Europe appelle également à considérer la possibilité “d’augmenter” le nombre de sièges réservés aux femmes, en adoptant des mesures incitatives adressées aux partis politiques afin d’augmenter le nombre de femmes candidates dans les autres listes.

Les femmes représentaient 45% des inscrits sur les listes électorales en 2015. À l’issue des dernières élections législatives de 2016, la Chambre des représentants comptait 81 femmes, soit 21% des députés. Ce chiffre était de l’ordre de 17% en 2011. Sur les questions de genre, l’APCE  invite aussi à “renforcer la protection des femmes à l’égard de l’ensemble des violences et discriminations qu’elles subissent, y compris dans les domaines de l’héritage et du mariage”.

La criminalisation de certaines relations sexuelles pointée du doigt

Parmi les conclusions de l’évaluation rendue par l’APCE, on ne relève que très peu de points négatifs. Un paragraphe exhorte néanmoins le parlement marocain à “abolir les dispositions du Code pénal criminalisant les relations sexuelles entre personnes adultes du même sexe, ou entre personnes de sexe différent qui ne sont pas unies par les liens du mariage, ainsi que l’adultère”. Un point sur lequel l’Assemblée constate “qu’aucune suite” n’a été donnée à ses précédentes recommandations. Déjà, dans sa résolution 1942 de 2013, l’instance européenne appelait à “engager l’abrogation de cette législation dès que possible”, après avoir constaté des peines d’emprisonnements pour des personnes ayant eu des rapports homosexuels. L’APCE “exhorte” le parlement marocain à “instaurer un moratoire sur l’application des Articles 489, 490 et 491 du Code pénal marocain, dans l’attente de leur abolition”. Autrement, l’Assemblée lance un appel au parlement marocain à se montrer davantage à l’écoute, rappelant que ce dernier “a exprimé son attachement aux valeurs fondamentales de l’État de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales”. L’Assemblée recommande aux autorités compétentes de s’atteler “aux problèmes signalés par les représentants de la société civile, les médias et les Nations Unies”, tout en assurant aux défenseurs des droits de l’homme, à la société civile et aux médias “un environnement propice à leur action”.

La gestion des migrants applaudie

L’APCE se félicite de la politique migratoire adoptée par le Maroc qui est “fondée sur une vision globale et inclusive de l’intégration des migrants dans la société marocaine”. Lors du rapport initial, la politique migratoire avait été érigée comme “exemplaire” et servant d’autocritique à l’Europe. Concernant la question du Sahara, “l’Assemblée réaffirme son ferme soutien à l’action menée par le secrétaire général des Nations Unies pour parvenir à un règlement politique au Sahara occidental”. Si elle demande au Maroc de prendre en compte les préoccupations du secrétaire général des Nations unies, concernant les allégations de violations des droits fondamentaux, l’APCE “se félicite du rôle joué par les commissions du Conseil national des droits de l’homme à Dakhla et Laâyoune”, notamment dans leur façon de relater le procès de vingt-cinq militants sahraouis, condamnés le 27 février 2013 à des peines lourdes de prison allant de vingt ans à la perpétuité. Certaines de ces condamnations ont été revues à la baisse le 16 juillet 2017. Enfin, l’APCE relève la “grande qualité” du dialogue avec le parlement marocain, et appelle à son approfondissement. L’instance se dit prête à engager une réflexion sur de possibles évolutions du statut de partenaire pour la démocratie, et accueillerait “avec satisfaction” la poursuite de ce partenariat pour la période de 2018-2021 ainsi que l’augmentation prévisionnelle des moyens qui devraient lui être alloués.